

Debout! : Suzanne Desbiens, 46 ans, membre de la COCQ-Sida
Vous trouvez que le monde ne tourne pas rond? Participez à son redressement! Toutes les deux semaines, afin de vous inspirer, nous vous présentons un activiste qui remue ciel et terre pour changer les choses et améliorer la vie.
Tommy Chouinard
Photo : Benoit Aquin
Coalition des organismes communautaires québécois de lutte au sida
Sa cause: le sida chez les femmes
Il y a des événements dans la vie qui poussent, voire forcent une personne à militer. En 1994, c’est ce qui est arrivé à Suzanne Desbiens, une artiste en arts visuels. Cette année-là, des amies de son entourage ont appris qu’elles étaient séropositives. Ce fut un choc. Puis la réaction de révolte s’est vite transformée en source de motivation.
Depuis ce jour, Suzanne Desbiens milite pour la cause des femmes vivant avec le VIH et le sida. "Je voyais comment les gens réagissaient à la maladie, surtout au sujet des femmes, affirme cette membre de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte au sida (COCQ-Sida). J’ai vu comment, du jour au lendemain, une femme professionnelle qui obtenait un diagnostic de VIH devenait tout à coup un déchet de la société. J’ai vu de quelle façon une femme se faisait rejeter par son mari, qui refusait de passer un test de dépistage, alors que c’était bien lui qui lui avait transmis le virus. Je me suis dit qu’il fallait réagir." À l’approche de la Journée mondiale du sida, le 1er décembre, cette militante désire dénoncer cette réalité, souvent cachée, des femmes séropositives.
Selon une étude de Santé Canada de juin 1999, les femmes comptent pour 12,4 % de l’ensemble des cas de sida déclarés au pays. "Ce chiffre est en constante augmentation, souligne Suzanne Desbiens. C’est que beaucoup de femmes se croient à l’abri de cette maladie. On a souvent développé la notion de groupes à risque, les fameux trois H: héroïnomanes, Haïtiens et homosexuels. Mais toute personne ayant une vie sexuelle active est susceptible d’être infectée." Devant ce constat, Suzanne Desbiens mise beaucoup sur la sensibilisation, notamment auprès de différents groupes de femmes.
Ainsi, cette militante réalise surtout du travail de terrain. "Je donne des outils aux femmes pour qu’elles puissent s’en sortir", explique-t-elle. Par exemple, elle s’assure que les femmes atteintes aient accès à de l’information sur leur maladie, comme les ressources et les traitements disponibles. "Je fais des bulletins et des ateliers d’information pour sortir les femmes de l’isolement et pour les aider avec leurs enfants, selon le cas."
Par ailleurs, Suzanne Desbiens fait partie de groupes de soutien, qui travaillent dans la réinsertion sociale des femmes séropositives. "Il existe encore des préjugés qui minent ce processus, à l’effet que les femmes atteintes soient désorganisées, sales et droguées, indique-t-elle. Le sida chez les femmes, c’est encore un sujet tabou."
Malgré tout, Suzanne Desbiens revendique des efforts accrus dans le domaine de la recherche médicale sur le sida. "Peu d’essais cliniques existent au sujet des femmes. Le problème, c’est que la réaction aux traitements et aux médicaments est différente chez les hommes et les femmes. Il faut donc ajuster la recherche et investir encore plus d’efforts."
Sa vision du militantisme
Militer, pour Suzanne Desbiens, c’est se faire le porte-voix de personnes souvent oubliées en tant qu’enjeu politique. C’est pourquoi cette militante réalise du travail de représentation pour les femmes séropositives au sein de comités locaux, provinciaux et nationaux. "Ce travail politique est nécessaire, car c’est à ce niveau que se prennent les décisions. Il faut donc assurer notre présence pour ne pas être oubliées. Il faut rappeler constamment aux politiciens que l’on existe."
Par contre, sans aller jusqu’à brandir constamment des pancartes dans la rue, Suzanne Desbiens privilégie une approche militante davantage centrée sur la base. "Il ne faut jamais oublier les gens pour qui l’on travaille. Il ne faut pas tomber dans le piège de la bureaucratie et de la fréquentation purement politique, sinon c’est facile de perdre ses racines. D’ailleurs, je me sens toujours plus utile quand j’écris un article qui va être diffusé auprès des femmes séropositives que lorsque je passe des journées interminables à siéger à des comités."
Toutefois, épouser une cause et lutter en son nom n’est pas chose facile. Car, évidemment, aucune université n’offre une formation en militantisme. Formée en arts, Suzanne Desbiens a dû, comme bien d’autres, apprendre sur le tas. "Comme tout militant, j’ai appris à développer des compétences. Quand il fallait comprendre des résultats d’études, je suis allée chercher une formation en recherche. Aussi, j’ai suivi des ateliers sur les organisations communautaires. Il ne faut surtout pas attendre d’avoir les compétences pour se battre. Il faut en faire l’expérience."
Le souhait le plus cher de Suzanne Desbiens, et son objectif ultime, outre l’enrayement de la maladie, c’est de porter sa lutte au-delà des frontières du pays. "En collaboration avec d’autres personnes ailleurs dans le monde, je désire agir sur le plan international, afin d’élargir le combat. Après tout, le sida, il ne faut pas en parler qu’une fois par année…"
COCQ-SIDA: 282-1015