Société

Droit de cité : Vive les référendums!

Des référendums à Montréal, ça vous tente? Non, non, pas sur les fusions ni sur la souveraineté. Même pas consultatifs. De vrais référendums exécutifs: vous dite oui, ça sera oui; vous dites non, ce sera non.

Des hassidim veulent ériger un bric-à-brac de trois étages dans votre cour arrière. Selon vous, ce projet doit être rejeté sans appel, car il contrevient à tous les règlements d’urbanisme. Mais on insiste: il y a un membre du comité exécutif de la Ville qui donne son appui au projet.

Dans la situation actuelle, vos n’avez comme seul recours qu’une méthode à la Greenpeace: vous vous cadenassez après un poteau de téléphone, en espérant ameuter l’opinion publique.

Mais dans un proche avenir, s’il y a encore des gens de bonne volonté à la Ville de Montréal, vous pourriez régler l’affaire d’une façon plus régulière. En votant pour ou contre le projet, lors d’un référendum. Comme on le fait dans toutes les autres villes du Québec, à l’exception de Québec et de Montréal.

C’est une des idées "révolutionnaires" contenues dans le rapport de la Commission consultative sur la politique de consultation publique en matière d’urbanisme (ouf!), présidée par l’ex-ministre Gérald Tremblay (les grappes industrielles, au début des années 90, ça vous rappelle quelque chose?), déposé mardi dernier.

Ce n’est pas un rapport que Gérald Tremblay a remis à Pierre Bourque: c’est une leçon de démocratie, la démocratie entre deux élections.

Le rapport de monsieur Tremblay suggère rien de moins que de faire table rase du système actuel. "Les Montréalais ont dit à la Commission que la pratique actuelle ne pouvait plus durer. La Commission est arrivée aux mêmes conclusions que la majorité des citoyens."

À moins d’être masochiste (ou élu sous la bannière de l’Équipe Bourque), personne ne peut applaudir la situation actuelle. Il n’est pas normal que tout le développement de la ville de Montréal soit soumis à l’obligation de charmer monsieur le maire.

Les inquiétudes de résidants face à l’idée de construire un bric-à-brac de trois étages dans leur cour, ou une voie d’accès pour camions lourds en pleine ruelle résidentielle, ou une tour de dix étages sur la montagne, ou un dépotoir à portée de bras d’un pâté de maisons, n’ont aucun effet.

Faites la chatte en chaleur aux pieds de monsieur le maire, et si les bidous sont au rendez-vous, le projet sera accepté.

Mais devant une fronde de plus en plus populaire, et sous les pressions du gouvernement du Québec, le maire a partiellement abdiqué. Il a reconnu que le système d’étude des projets exigeant une dérogation au plan d’urbanisme avait des ratés. Que le citoyen n’en avait pas pour son argent. Pour faire amende honorable, Pierre Bourque a mis sur pied une Commission consultative sur la… consultation publique. Celle de monsieur Tremblay.

Malgré tout le décorum et la courtoisie auxquels son titre d’homme public l’oblige, le rapport de Gérald Tremblay n’en est pas moins un coup de savate à l’administration Bourque.

Gérald Tremblay et ses commissaires ont entendu les citoyens réclamer un dispositif de consultation publique "indépendant, compétent, transparent, impartial, fiable, stable, prévisible, équitable, efficace et itinérant".

Évidemment, on ne réclame pas ce qu’on a déjà. Si les citoyens demandent ce genre de dispositif, c’est qu’ils ne l’ont pas. Gérald Tremblay n’a pu qu’opiner du bonnet à ces demandes.

Autrement dit, le système de consultation publique actuel est asservi, incompétent, obscur, partial, pas fiable, instable, imprévisible, inéquitable, inefficace et sédentaire.

La Commission propose que tous les citoyens, petits et grands, soient traités de la même façon. Plus de passe-droits, comme nous l’avait affirmé le responsable du développement économique au comité exécutif, Saulie Sajdel, pour ceux qui ont un million de dollars et plus à investir en ville. Le rapport dit que la Ville doit rétablir la confiance des citoyens dans leurs institutions démocratiques. Si la Commission utilise le terme "rétablir", c’est que la chose n’existait plus.

Le rapport affirme qu’il faut faire en sorte que les citoyens aient enfin le droit d’être informés correctement; qu’ils siègent à des comités de quartier, et que la Ville se dote d’un vrai office de consultation publique, "selon les règles de l’art".

Une autre tumeur cancéreuse a également été identifiée: celle qui relie sous le même chapeau la tâche de promouvoir le développement économique de la Ville et son service d’urbanisme. Regrouper un service d’urbanisme et un service de développement économique, c’est comme enfermer un hypoglycémique dans une chocolaterie.

Le rapport Tremblay est un bel exercice. Mais combien utile? Techniquement, le rapport est destiné au conseil municipal. Mais avec le projet de loi 170 qui va créer une toute nouvelle ville de Montréal, le conseil municipal n’a plus que quelques semaines à vivre. Après, ce sera un comité de transition qui dirigera la ville jusqu’en novembre 2001, quand naîtra la nouvelle ville. Bref, un autre rapport qui risque de prendre la chemin de la corbeille à papier.