Société

La semaine des 4 jeudis : La tradition continue

Dernier épisode d’une longue tragédie comique, le Canadien de Montréal défrayait la manchette après que ses propriétaires découragés se soient finalement résolus à liquider quelques dirigeants après des années passées à faire du ménage sur le banc.

N’importe quoi pour freiner la dégringolade d’une équipe qui moisit au bas des classements et dont la valeur marchande chute en conséquence.

Dix défaites en 11 matchs, quelque chose du genre…

Cette débandade qui se poursuit irrémédiablement année après année atteint des records historiques.

Dévaluation du dollar, concurrence insupportable des marchés américains, explosion des salaires des joueurs sont les arguments avancés pour expliquer la descente aux enfers du sport national.

Vrai que les saisons ultra-longues vides de sens, qui servent à compenser la hausse des salaires, n’ont rien fait pour endiguer la chute des assistances. Vrai que la fuite vers le sud d’une élite de mercenaires paresseux n’aide pas l’amateur à s’identifier à un autre club que les Dollars du Texas.

Mais chez nous le hockey commence à souffrir d’un sérieux problème d’image qu’aucune péréquation ne saurait régler.

Un sondage récent vient de jeter un éclairage proprement hallucinant sur la réputation du hockey. Plus de 70 % des parents québécois y affirment interdire les arénas à leurs enfants parce qu’ils jugent que ce sport est devenu trop violent. Une statistique qui s’ajoute au répertoire déjà peu glorieux des valeurs véhiculées par le sport professionnel.

Les kids qui préfèrent le ballon rond, la planche à neige ou le skate s’en fichent. Quand ils patinent, c’est en ville sur huit roues alignées. Il y a belle lurette qu’on n’a pas vu de petits Canadiens jouer au hockey bottine dans la rue d’à côté. Le hockey n’est plus complice de ces hivers enneigés qui nous font de plus en plus chier à mesure que les pôles basculent. Ne reste qu’une vieille chanson de Beau Dommage.

Pour le Canayen de Montrialle c’est encore plus pathétique…

Les saisons défilent sans que l’on retienne le nom des joueurs ailleurs que sur la liste des blessés et, à défaut de compétitivité, ce qui fut la meilleure équipe du monde n’a plus grand-chose d’autre à vendre que de la nostalgie. Des dizaines de cérémonies d’avant-match, quelques célébrations pathétiques ponctuées de feux d’artifice, des sportifs qui ne peuvent plus que regarder derrière eux.

Et si même les icônes sacrées s’étiolent, il restera toujours à vénérer la puck du premier match des étoiles, le vieux jack strap de Mike, le dentier de Mario, la moumoute du Démon blond, le bungalow de Maurice Richard, toutes ces prothèses meurtries qui vous tendent le flambeau tel le coeur du frère André.

Tout ce bric-à-brac de la fierté à rabais qui ne dépareillerait pas le comptoir du Centre Molson, c’est le Québec d’avant le déluge. Une vieille odeur de boule à mites dans le vestiaire de la p’tite politique. Des idoles nationales qui votaient libéral-fédéral en faisant des huit sur la glace. Des fiertés nourries à même l’idéal du Canayen français fier du bien-perler de René Lecavalier. Les chuchotements de gérants d’estrades arrogants et mous qui laissent entendre qu’advenant l’indépendance on pourrait déménager le club vers l’ouest dans des camions de Brinks, sans déranger le sénateur Molson qui s’endort sur son siège réservé.

Toute chose qui convient bien à Montréal, ville à la dualité schizophrène, ponctuée de relents de colonialisme.

Soyons sérieux, lorsque les quotidiens relèguent le sport à l’endos de leur cahier Z, lorsque les marchands de bière préfèrent inciter rappeurs, raveurs et rockers plutôt que les sportifs à se descendre une bonne bière. Lorsque la télédiffusion de la Soirée du hockey ressemble à une subvention déguisée dont ne profitent plus que quelques milliers de divorcés, 10 vestons bleu poudre complices des pires défaites, une poignée de journalistes sportifs pour lesquels l’imparfait du subjonctif est un poisson d’eau douce et des hommes de hockey qui, malgré des études supérieures, continuent de confirmer les théories de Darwin, on voit bien dans quel sens roule la puck et les préjugés.

Savard passe à Corey qui passe à Mario, qui passe à Pinotte qui passe à Vigneault, qui manque le but, repris par Savard… La tradition continue.