Médias : Arte: la télé qui réfléchit
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Médias : Arte: la télé qui réfléchit

Dans l’univers de la télévision, la chaîne franco-allemande Arte est un modèle. Pas à cause de ses cotes d’écoute (les bons soirs, les fictions d’Arte rejoignent environ un million de Français), mais surtout pour la qualité de sa programmation: fictions réalisées par des cinéastes importants, documentaires passionnants, soirées thématiques originales… Bref, Arte fait rêver.

Les Québécois vont découvrir un soupçon du style Arte au cours des prochaines années puisque la chaîne européenne est partenaire à 15 % de notre nouvelle Télé des Arts canadienne (un projet qui regroupe également Radio-Canada et Télé-Québec), censée entrer en ondes dès 2001.

En attendant, grâce à l’initiative de la Cinémathèque québécoise, les Montréalais ont pu voir au cours des derniers jours deux collections de fictions produites par Arte: Petites Caméras et Gauche/droite. Pour souligner l’événement, on a également accueilli Pierre Chevalier, responsable de l’unité de programmes fictions d’Arte.

Au cours des neuf dernières années, cette unité a produit 260 titres réalisés par 230 cinéastes différents. Chaque année, Arte produit entre 50 et 60 heures de fiction avec un budget de 85 millions FF (environ 17 millions de dollars canadiens). Le budget total d’Arte, voté par le gouvernement français, est de 950 millions FF. À titre de comparaison, le budget fiction de la chaîne France 2 est de 730 millions FF, et celui de TF1 (chaîne privée), de 1 milliard FF!

Comment définir Arte? "Arte ne correspond pas au goût majoritaire, lance Pierre Chevalier avec assurance. La chaîne est très ouverte aux langues et aux cultures étrangères et présente très souvent des émissions sous-titrées. Notre public est citadin, majoritairement masculin, et très instruit. En deux mots, nous sommes minoritaires."

Oui, on peut le dire, Arte est une télé élitiste. En France, ce n’est pas un mot tabou. Mais on peut être élitiste et aimer la télévision. "La fonction de création de la télévision, qui s’est développée depuis 10 ou 15 ans, m’intéresse beaucoup, dit Pierre Chevalier. C’est, selon moi, un enjeu considérable quand on sait que dans presque tous les pays, chaque personne passe en moyenne deux ou trois heures devant la télé. Je crois que la télé peut être autre chose que rentable ou efficace. Elle peut avoir une fonction esthétique de création, surtout à l’heure actuelle où les vecteurs de diffusion (Internet, numérique, etc.) se multiplient. Il faut que les créateurs s’emparent de ce nouveau médium – qui a quand même 50 ans – pour le rendre de plus en plus riche. Sinon, la télé peut être un outil de normalisation tout à fait stupide."

Mais les créateurs n’ont-ils pas toujours boudé la télévision? "Oui, mais ça change, répond Pierre Chevalier. Au Royaume-Uni, ils ne l’ont jamais boudée. En Allemagne, Fassbinder a construit une oeuvre remarquable grâce à la télé. On dit beaucoup de mal de la télé américaine, mais pourtant, de grands cinéastes y ont travaillé. En France, c’est différent. Il y a toujours eu une sorte d’aristocratie du cinéma, et un Lumpen prolétariat de la télé. Et pas seulement chez les réalisateurs mais aussi chez les techniciens, les acteurs… Heureusement, depuis 10 ans, ça change. La télé est maintenant considéré, comme un espace de travail sérieux, surtout chez les plus jeunes qui passent d’une rive à l’autre, alors qu’avant, les rives étaient séparées par un fossé."

Pierre Chevalier a profité de son court séjour à Montréal pour jeter un coup d’oeil sur notre télévision. Son commentaire: "J’ai été frappé par l’omniprésence de la publicité qui vaporise l’essence de la télévision." Selon lui, la meilleure télé est britannique. "On observe au Royaume-Uni une grande tradition du drama et un grand brassage entre les milieux du théâtre, du cinéma et de la télévision. Ce ne sont pas des milieux hermétiques. Je surveille aussi les pays nordiques où l’on est en train d’inventer quelque chose."

Monsieur Chevalier a également profité de son passage chez nous pour rencontrer des cinéastes d’ici, afin de les encourager à proposer des projets à Arte. Il admet toutefois que les coproductions avec le Canada sont toujours difficiles à mener à terme. "Les modes de financement sont très compliqués et les projets aboutissent rarement." Espérons que cela changera.

Le football élitiste
L’émission dont on parle le plus aux États-Unis ces jours-ci n’est pas un quiz (Who Wants to be a Millionaire est en perte de vitesse) ni un drama (même si West Wing est plus populaire que jamais). Non, l’émission qui fait le plus jaser dans les chaumières s’intitule Monday Night Football on ABC. Oui, un vulgaire match de football.

La raison? Un des commentateurs du match n’est nul autre que Dennis Miller, l’humoriste et stand-up comic le plus brillant et le plus érudit que les États-Unis aient connu depuis fort longtemps (il n’hésite pas à faire des gags sur Heidegger, c’est dire…).

ABC a embauché Miller en début de saison. Ses premières participations ont causé tout un émoi dans le milieu journalistique. Il faut dire que les commentaires de Miller sont truffés de références culturelles qui échappent au commun des mortels. À un point tel que le site Web de la très sérieuse encyclopédie Britannica consacre désormais une chronique hebdomadaire aux commentaires de Miller qu’on explique en long et en large.

Un exemple: dans un match, Miller a fait référence au fait que le quart arrière des Rams, Marshall Faulk, était très habile pour se cacher derrière ses blockers. Miller a donc dit: "Faulk est plus difficile à trouver que la Nina de Hirschfeld."

Explication de Britannica: Hirschfeld est un artiste très connu à New York, dont les illustrations (des caricatures aux traits fins) ont été publiées principalement dans le New York Times. Quand sa fille Nina est née, en 1945, l’artiste a commencé à introduite les lettres de son nom dans chacune de ses illustrations. À partir de 1960, il a poussé le jeu plus loin en numérotant ses Nina, toujours cachées dans ses dessins.

À la suite de cette explication, l’auteur de la chronique de Britannica y va de sa propre interprétation (très humoristique) des commentaires de Miller: "Avec ses 5 pieds, 10 pouces et ses 211 livres, Faulk est aussi difficile à trouver qu’un excrément d’éléphant dans une peinture de Chris Ofili." À votre tour d’interpréter cette référence.

Tout ça pour dire que les références de Miller (tirées tant de la culture classique que de la culture populaire) font la joie de ses fans et transforment complètement l’écoute du football américain. On est loin des commentaires sportifs traditionnels, du style: "La puck roulait pas pour eux autres."

À découvrir les lundis à 21 h sur ABC, ainsi que sur le site www.britannica.com

Libres courts
L’an dernier, l’ONF annonçait la création du studio culture et expérimentation, un laboratoire dédié à la relève. L’aventure aura été de courte durée puisque le dit studio a fermé récemment. L’expérience aura tout de même permis à une poignée de jeunes cinéastes de réaliser leurs courts-métrages, présentés récemment dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal. Pour ceux qui les auraient manqués, ces sept films de 26 minutes chacun seront également diffusés à Télé-Québec pendant le mois de décembre.

Le 3 décembre: La Loi et l’Ordure, de Stéphane Thibault, qui explore avec humour la réglementation montréalaise relatives aux déchets, et Mai en décembre, de Julie Perron, un retour sur la visite de Godard en Abitibi en décembre 1968.

Le 10 décembre: C’est comme ça, Jeux, peines et paroles d’enfants, un film très poétique de Natalie Martin; Mon père, de Dominic Champoux, le portrait touchant d’un homme de la construction vu à travers les yeux de son fils; et Ojigkwanong-rencontre avec un sage algonquin, un film de Lucie Ouimet. Enfin, le 17 décembre, on pourra voir www.six.lemondeestpetit.ca de Vali Fugulin, une démonstration plutôt réussie et assez rigolote de la théorie des six degrés de séparation, et Opération Dantec, de Yann Langevin, un portrait du Montréalais d’adoption et auteur de polars Maurice Dantec. Les dimanches 3, 10 et 17 décembre à 21 h 30.

On peut également visiter le site Internet: www.onf.ca/librescourts