Société

La semaine des 4 jeudis : Rencontres au sommet

Fin de la partie. Terminée la petite fièvre électorale, les vains espoirs. "Business as usual", comme l’a dit Jean Chrétien.

Cette élection du statu quo n’aurait pas fait grand mal si les ténors du Parti québécois n’avaient choisi de s’en mêler et de jouer la crédibilité de l’option nationale sur la scène fédérale. De railler en choeur lors de petites sauteries débiles une créature politique qui, tel un horrible monstre de l’espace, absorbe l’énergie des armes tournées contre lui et en ressort plus fort.

Avec un Bloc québécois dont on ne connaît plus très bien l’encombrant usage (et que certains commencent même à trouver nocif à la cause souverainiste), assiégé jusque dans sa capitale nationale par des députés libéraux complices des maires de banlieue, agacé par la lente naissance d’un nouveau parti politique qui risque de piller son aile gauche, enfin, avec les menaces de démission d’André Boulerice, le Parti québécois pique une petite déprime que son chef essaie de soulager par de grosses colères.

On voudrait se montrer solidaire. Dire à Lucien Bouchard qu’il a bien raison. Que pour au moins 50 % de la population, il sera aussi pénible de supporter plus longtemps messieurs et mesdames Dion, Copps, Tobin que d’entendre Liza Frulla à la télévision…

Il y a des deuils qui se vivent en silence…

Mais non, déçu, frustré, le premier ministre ramasse des miettes, fouille les placards, cherche à combattre des absents, à pourfendre des adversaires en vacances. Et c’est en saisissant le moindre prétexte pour changer le mal de place qu’on a l’air le plus insignifiant. C’est ce qu’on appelle en psychologie animale un acte manqué.

Scandale! Le saviez-vous? Le P.M. n’a pas été parmi les privilégiés invités au tequila party du nouveau Pancho ALENA du Mexique! Ayayayay! Caramba! Que insulto pour touto los popuacion del Québec. Conférence de presse, déchirage de poncho sur la voie publique. Le choeur des veuves noires sanglote sous le chant des trompettes. No né sommes pas rezpétés comme lé mérite oun nacion zivilizé!

C’est pourtant bien simple: lorsqu’il était gouverneur, Vincente Fox ne refusait pas de batifoler pendant des heures avec un premier ministre provincial. Maintenant qu’il est président, il n’invite plus que des présidents. Un authentique homme de gau-gauche, quoi.

Ma qué, quand le chef attrape la grippe, c’est touto el Québeco qui doit tousser et crier avec lui au complot.

Toujours est-il que l’une de ces jérémiades socio-diplomatiques m’a fait sursauter.

L’impossibilité d’accueillir personnellement quelques-uns des chefs d’État qui viendront décider du sort du monde à Québec, en avril, fait aussi sortir de ses gonds une fois de plus notre premier ministre. Le Canada, semble-t-il, s’oppose à une telle opération de relations publiques. J’entends déjà Chrétien expliquer: "… alors, les dignitaires y vont toutte être mêlés!" Depuis, monsieur Bouchard s’est subitement rendu compte qu’avec le Sommet des Amériques venaient des frais et des désagréments.

"Je sais même pas si je pourrai me rendre à mon propre bureau", laisse-t-il entendre, comme si ce sommet lui avait été imposé. A-t-il cru l’occasion si belle de mousser le Québec qu’il a sauté naïvement dans le train les yeux fermés? Pourquoi son ministre de la Sécurité publique présentait-il, le mois passé, le mur de la honte entourant Québec comme s’il s’agissait de sa propre idée? Que le Québec soit incapable de décider des événements d’envergure qui se déroulent sur son propre territoire est autrement plus inquiétant que ces histoires de poignées de mains.

Non, je crois plutôt qu’à ce prix, le Québec exige un peu de visibilité. Faute de quoi, il filera sa facture à Ottawa.

Aucun doute, les casseroles sont déjà au four. Il doit y avoir du fonctionnaire sur le téléphone ce matin pour booker les ministres de la Condition bovine paraguayen et du Contre-terrorisme guatémaltèque. Refilons déjà ce bill d’interurbains à Ottawa.