L'obsession de la météo Du lait S.V.P.! Quebecor: l'art de personnaliser le débat
Société

L’obsession de la météo Du lait S.V.P.! Quebecor: l’art de personnaliser le débat

L’obsession de la météo

Si vous croyez que les Québécois sont obsédés par la météo, rassurez-vous: nous ne sommes pas les seuls. C’est une passion que partagent presque tous les peuples de la planète. C’est du moins le constat de Josh Freed, chroniqueur à The Gazette et documentariste qui compte une dizaine de films à son actif.

Wild for Weather, son dernier film, est une enquête sur l’univers tumultueux de la météo. Une heure pendant laquelle on apprend beaucoup de choses, certaines très troublantes, quant à l’intérêt que porte l’être humain au temps qu’il fait.

Nous ne sommes peut-être pas les seuls à triper sur l’index humidex et le facteur vent, mais c’est ici, au Canada, que tout a commencé. C’est la CBC, en 1952, qui a présenté le premier bulletin météo de l’histoire de la télévision. Son animateur, un certain monsieur Saltzman, a atteint un statut de vedette (un peu comme notre prof Lebrun).

Il faudra toutefois attendre les années 80 pour que la météo devienne un passe-temps reconnu, grâce à l’arrivée du Weather Channel, "la programmation télé la moins coûteuse qui soit", comme dit l’un des patrons du célèbre canal.

Aujourd’hui, le Weather Channel attire en moyenne 74 millions d’Américains par semaine!

Mais attention, les gens ne regardent pas ce type de télévision pour qu’on leur annonce du soleil pour demain. Ils veulent de l’action, de la météo extrême: des tempêtes, des ouragans, des désastres naturels.

Josh Freed n’hésite pas à parler de storm porn (pornographie de la tempête) pour expliquer la popularité des canaux, émissions et sites Internet consacrés aux dérèglements météorologiques. "Il y a une sorte de voyeurisme chez les gens, explique le journaliste. Comme dit l’un des intervenants dans mon film: "They want to see bad things happen to other people’s houses.""

Mais le plus incroyable est à venir… Josh Freed a découvert qu’il existait des agences de tourisme qui organisaient des chasses à l’ouragan. "La plupart des gens veulent être assurés qu’il fera beau pendant leurs vacances, lance Freed en riant. Ces gens-là, des Britanniques pour la plupart, paient pour passer des vacances pluvieuses. Quand j’ai appris leur existence, j’ai su que j’avais un film." Ils sont fous, ces Anglais!

L’obsession de la météo est partout. Au Nebraska, on peut regarder The Weather Channel sur les pompes à essence, pendant qu’on fait le plein. Dans son film, Freed nous apprend également que notre tempête de verglas a fait des envieux à travers le Canada, en particulier à Toronto qui s’est rattrapée l’année suivante avec sa tempête de neige du siècle. Autre information hallucinante et qui n’est pas dans le film (Freed l’intégrera sans doute à la version internationale): The Weather Channel exporte sa programmation en Amérique du Sud où elle présente les bulletins de météo locaux AINSI QUE les bulletins d’ici. Quel est l’intérêt pour un citoyen du Guatemala de savoir que Montréal est ensevelie sous la neige? "Nos écarts de température contribuent à faire de la bonne télévision, explique Freed. Comme les gens là-bas ne connaissent rien du vocabulaire relié à la météo, 60 % du contenu est éducatif, c’est-à-dire qu’on leur explique ce qu’est la pression barométrique, le facteur vent, etc. afin qu’ils puissent apprécier la programmation."

Freed a passé près de dix mois à travailler sur son film. Il est lui-même devenu maniaque, espérant qu’un désastre se produise. "Je l’avoue, je souhaitais que la Floride soit détruite par un ouragan" dit-il, pince-sans-rire.

Il conclut: "Notre seule interaction avec la nature se fait par le truchement de la télévision. Avant, quand on voulait savoir quel temps il faisait, on regardait par la fenêtre. Aujourd’hui, on allume la télé. La météo est devenue un objet de commercialisation. Ça dit des choses sur notre époque."

Wild for Weather sera présenté le mardi 12 décembre, à 21 h, dans le cadre de l’émission Witness, sur CBC. Radio-Canada étudie la possibilité d’acheter une version française du documentaire.

Du lait S.V.P.!
Aux États-Unis, la campagne Got milk? connaît énormément de succès depuis des années. À un point tel qu’on a publié un livre regroupant les photos des célébrités qui ont accepté de poser, la lèvre supérieure couverte d’une belle moustache bien mousseuse.

Le Québec ne sera pas en reste puisque la Fédération des producteurs de lait du Québec, en collaboration avec les éditions Infopresse, lance ce soir (jeudi) SON livre sur le lait.

On y retrouvera les photos des campagnes, les anecdotes derrière les tournages, les pitch publicitaires et l’élaboration des nombreux concepts qui sont tous signés PNMD, l’agence de publicité de la Fédération depuis 25 ans.

Dans quelques jours, on lancera également L’Album blanc, un CD regroupant les succès de la chanson française (Pour un flirt, C’est ma vie, etc.) redevenus à la mode grâce aux publicités du lait.

Bon, on pourrait jouer les trouble-fête, en soulignant qu’il faut être culotté pour faire payer les consommateurs pour acheter des produits dérivés d’une publicité. C’est vrai, la Fédération pourrait nous offrir le CD avec tout achat de 20 dollars ou plus de lait (qui est environ la moitié du budget de lait hebdomadaire d’une famille avec deux jeunes enfants). Mais ne boudons pas notre plaisir. Le lait demeure tout de même un produit de consommation très respectable et le livre devrait ravir les enfants de la pub qui, comme moi, ont grandi avec le slogan: "Moi j’bois mon lait comme ça m’plaît…"

Quebecor: l’art de personnaliser le débat
Un mot sur la vague des fusions qui est en train de transformer le visage des médias ces jours-ci. C’est avec beaucoup d’intérêt que les journalistes québécois suivent et rapportent les transactions qui secouent ce secteur. Normal, ils sont touchés, de près ou de loin, par le phénomène. Ont-ils porté autant d’attention et décrit avec autant de détails les fusions dans d’autres secteurs d’activités? La question est légitime.

Ce qui est fascinant, dans toute cette affaire, c’est la couverture médiatique accordée à Pierre-Karl Péladeau. C’est assez clair que le nouveau président de Quebecor personnifie le gros méchant dans le milieu des médias. Les Canadiens avaient leur Conrad Black, nous avons désormais notre Pierre-Karl.

Vous n’avez qu’à regarder les photos du bonhomme qu’on publie dans les journaux (en particulier celles du National Post, qui s’acharne à toujours publier le même cliché de PKP, les yeux sortis de la tête et le visage tordu par un méchant rictus) pour vous rendre compte de l’ampleur de la charge.

Je ne me porte pas à la défense de Péladeau (Luc Lavoie de National est grassement payé pour le faire), mais je m’interroge. Pourquoi s’en prend-on à la personnalité de l’homme au lieu d’analyser en profondeur la façon dont il gère son entreprise? Est-ce parce qu’il est plus facile de faire du people plutôt que d’effectuer un véritable travail de journaliste financier?

Lundi dernier, dans le cadre de L’Effet Dussault (du lundi au jeudi, 22 h 30, à Télé-Québec), l’animatrice Anne-Marie Dussault recevait deux journalistes économiques (Hélène Baril du Devoir et Michel Girard de La Presse). Objectif officiel de l’émission: comprendre la démarche de Péladeau, ses objectifs, la trajectoire de l’entreprise qui ressemble de moins en moins à celle que son père lui a léguée. Objectif officieux: Dish some dirt, comme disent les Anglais. On avait la nette impression que l’animatrice souhaitait entendre dire que Péladeau étaitt un gros méchant, un colérique, un cow-boy. Qu’a-t-on appris sur l’entreprise? Rien. On se contentait de discourir sur l’homme… comme on le fait de plus en plus en politique.

Si Luc Lavoie veut redorer le blason de Quebecor, il n’a donc qu’à refaire l’image de son client: distribuer une photo de PKP avec un bébé dans les bras ou encore en train de faire traverser la rue Saint-Jacques à une dame âgée.