Tintin et le temple du sommeil, Miracle sur la rue Machin, Mister Bean et le coup de la dinde, Flipper et les ours polaires de Découverte… Elvis à La Fureur… Paix sur la terre aux téléspectateurs de bonne volonté! Durant le temps des Fêtes, tout le Québec est en rediffusion.
Pluie de bons sentiments, avalanche de films et de documentaires usés.
Rien dans l’actualité non plus, sinon des broutilles. Le monde aurait subitement cessé de tourner? En cette période de réjouissances, la presse n’est pas pressée. Elle préfère le direct en direct du club Med, le reportage sur les plages de Puerto Bizoune.
Du 23 au 4, le haut de la profession n’est pas aux commandes. Le bas, lui, comment lui en vouloir, est un peu sur le party.
Est-ce ce qui explique cette avalanche de lapsus comiques proférés au gré des bulletins de nouvelles?
Ainsi put-on entendre:
À propos d’une chapelle profanée au nord de Montréal: "… ils ont chacagé des objets sakés." (TQS, 30 décembre 23 h 15) Probablement une chapelle japonaise. Culte shintoïste?
À propos du détournement d’un avion de British Airways vers l’Afrique: "… a tenté de faire écraser l’avion." (TVA, 29 décembre 22 h 20) Écrasé par quoi, l’avion? Un dinosaure? Le "s" apostrophe aurait été de rigueur.
Un présentateur des sports, en voulant tâter le pouls de l’auditoire habituel, mit au monde une nouvelle espèce de mollusque tentaculaire: "le poulpe de l’aubitoire hadituel".
Le reste n’est que faits divers qu’en d’autres circonstances on ne juge pas utiles de nous rapporter.
C’est sous cet éclairage jaune que j’ai cru un instant débusquer (encore) les indices d’un nouveau complot international ourdi (cette fois-ci) par les forces soi-disant déclinantes du troisième âge. C’est ainsi que durant les Fêtes:
Une petite vieille de 73 ans a fait péter l’hôpital de Pétaouchnock en s’allumant une clope sous la tente à oxygène… Bang! La cigarette tue.
Une complice flétrie a, au péril de sa vie, retardé un train de voyageurs en s’enfargeant sur les rails d’un passage à niveau…
Un couple de p’tits pépères a rameuté le Québec en tournant à gauche vers l’Ontario au risque de mourir d’ennui…
Ah, vieillesse explosive! Vieillesse extrémiste qui, joignant la parole à l’acte, conteste à la fois la qualité des soins de santé, l’efficacité des transports en commun, la pertinence de la signalisation routière par des actes kamikazes. Politiques iniques? Peut-on ajouter Yves Michaud qui continue à faire sauter le Parti québécois à la liste de ces martyrs de la patrie?
Ayant passé mes vacances à lire, j’ai retrouvé quelques individus qui écrivent tout haut ce que l’on pense tout bas. Le plaisir de lire repose plutôt dans ces prétentieuses communautés d’esprit que dans la découverte de nouvelles pistes.
Entre un Henry Miller de 1954 qui aurait pu être écrit hier: Le Cauchemar climatisé…
"Nous ne nous fions pas à nos cinq sens; nous nous fions à nos critiques, à nos éducateurs, qui sont tous autant de ratés en ce qui concerne la création.
Bref, ce sont les aveugles qui guident les aveugles. Et c’est ainsi que l’avenir, qui nous talonne, se trouve avorté, bousculé, étouffé, mutilé, anéanti parfois et que se crée l’illusion d’un univers einsteinien ni chair ni poisson, un monde de courbes finies qui mènent au tombeau, ou à l’asile de vieillards ou de fous, ou au camp de concentration, ou dans les tièdes replis du parti démocrate-républicain."
un collègue m’a prêté ce Houellebecque dont je me méfie comme de la peste. C’est Lanzarotte. Récit de voyage vaseux. L’emmerdeur qui s’emmerde passe des vacances merdiques. Entre de grands mépris aussi flagrants que gratuits (qui provoquent tout de même un plaisir puéril), le vacancier fait dans le détail: une roche, un touriste belge, deux gouines allemandes qui lui dégorgent le poireau…
Et puis ce passage savoureux sur le surréaliste de la langue:
"… peu avant mon départ j’avais acheté une méthode Marabout d’apprentissage rapide de l’espagnol. Le principe de la méthode Linkword par association d’idées consistait à visualiser avec énergie certaines situations: ces situations étaient décrites par des phrases contenant le mot français ou l’équivalent phonétique de sa traduction espagnole. Ainsi, la traduction d’étagère (estante) était illustrée par: "Imaginez que les tantes sont assises sur l’étagère"; celle du tiroir (cajón) par: "Imaginez un tiroir plein de caroncules de dindon"; celle de danger (peligro) par: "Imaginez qu’un homme pelé, gros fonce sur vous: danger!"
Le parti pris des auteurs avait beau justifier certaines bizarrerie, il n’excusait en rien la présence de phrases d’exemple, données à traduire en exercice, telles que: "Mes chiens sont sous la banque" ou "Votre médecin veut plus d’argent et mon dentiste veut plus de fromage". Amusante dans un premier temps, l’absurdité, à partir d’un certain âge, fatigue, et j’ai dû m’endormir."
Ce qui explique peut-être mes bâillements répétés devant le téléviseur.