Société

Médias : C’est à 30 ans…

C’est à 30 ans…

Méchant voyage dans le temps que nous propose Radio-Canada les lundis soir avec deux nouvelles émissions qui s’intéressent à la vie des gens dans la trentaine. L’une est ancrée dans le troisième millénaire, la seconde sent les boules à mites à plein nez.

Je ne reviendrai pas trop sur La Vie, la vie, dont on a parlé en détail la semaine dernière MAIS… j’ai revu le premier épisode et c’était encore meilleur que la première fois. La réalisation de Patrice Sauvé (bourrée de clins d’oeil cinématographiques et de prises de vue qui sortent de l’ordinaire) vaut le détour. On rigole, on s’attache rapidement aux personnages de Stéphane Bourguignon, on croit aux situations, les acteurs respirent le bonheur et la crédibilité – bref, c’est à voir. On dit souvent qu’il n’y a rien de bon à la télé, alors profitons-en quand ça passe.

À 21 h, toujours à Radio-Canada, c’est le backlash. On nous ramène au début des années 80 avec un téléroman tourné à l’ancienne, avec des décors en carton et une caméra sur roulettes. Mon meilleur ennemi, écrit par Louise Pelletier et Suzanne Aubry et réalisé par Céline Hallée, traite, lui aussi, de la vie des gens de trente ans. La différence avec La Vie, la vie, c’est qu’il s’adresse à leurs mères. Rien à reprocher aux comédiens (qui ont parfois l’air un peu figé, disons-le). Ce sont surtout les textes et l’approche même du médium télé qui font problème. C’est lourd, ça ressemble au Retour (TVA). Et puis, le point de départ (trois amis qui se sont connus en camp de vacances et qui semblent décidément éprouver de gros problèmes à se détacher de leur adolescence) est difficile à avaler. Donc, les lundis à 21 h, il y a mieux à regarder.

Une suggestion: l’excellente série Jazz de Ken Burns, diffusée en 10 parties sur PBS. Monsieur Esprit-de-synthèse frappe encore: sa série dure 18 heures! Un regard sur l’histoire du jazz qui a toutefois un parti pris pour le jazz du début du siècle, au grand dam des experts et des jazzmen qui privilégient un répertoire plus moderne. À visiter absolument, le site Internet époustouflant consacré à la série ( www.pbs.org/jazz), avec une foule inimaginable d’informations, des retranscriptions d’entrevues, des explications sur la production du documentaire, un cours d’introduction au jazz et même une section destinée aux enfants. Des heures de plaisir.

Enfin, début samedi sur TQS (23 h 30) de la série Sex-shop, produite et animée par Anne-Marie Losique, sur les dessous de l’industrie de la porno. Le sujet est intéressant. À condition que l’animatrice ne glousse pas toutes les cinq secondes…

Le cyberespace et le papier
Début d’année difficile pour plusieurs publications américaines, traditionnelles ou en ligne. À commencer par George, le mensuel sur la politique et les vedettes, qui publiera son dernier numéro en mars (édition consacrée à la mémoire de son fondateur, question de presser le citron une dernière fois).

Le magazine n’a pas survécu à John Kennedy Jr., qui portait littéralement la revue sur ses épaules. Cinq ans après sa création, le magazine n’avait toujours pas une base d’annonceurs solide sur laquelle s’appuyer.

George avait vendu 400 000 copies à la mort de John John, mais il s’agissait d’un phénomène ponctuel. Le numéro de septembre s’est vendu à 70 000 exemplaires, un chiffre inacceptable pour la maison Hachette qui publiait le magazine.

Au-delà des questions d’argent, les problèmes de George étaient surtout reliés au contenu. George incarnait une époque qui a duré très peu de temps. Souvenez-vous, c’était au lendemain de l’élection de Bill Clinton, qui entamait son premier mandat comme président des États-Unis. La Maison-Blanche était soudainement envahie par une horde de jeunes conseillers qui squattaient les bureaux entourant The Oval Office. À la suite de nombreux articles publiés dans la presse américaine, une véritable mythologie est née autour de ces jeunes: on disait qu’ils allaient travailler en jeans, qu’ils jouaient au basketball dans les couloirs, qu’ils mangeaient de la pizza et du McDo jusqu’à deux heures du mat’. C’était la consécration de l’esprit de dortoir des collèges américains.

C’était également l’époque pré-Monica et pré-Whitewater. Or, la balloune s’est vite dégonflée. Les choses ont commencé à mal aller et les démocrates ont embauché David Gergen, ex-conseiller de Reagan (Vade retro, Satana!), pour mettre de l’ordre dans la garderie.

Les George Stephanopoulos, Dee Dee Myers et compagnie sont allés faire tourner des ballons sur leur nez à CNN, ABC et NBC, et la vie à la Maison-Blanche a repris son cours. Oui, la présidence des États-Unis est plus que jamais liée au show-business (passage obligé aux talk-shows, levées de fonds avec le gratin d’Hollywood, photo-ops aux côtés de Tom Hanks et de Barbra Streisand), mais ce n’est pas assez pour faire vivre un magazine. L’intérêt que le public américain peut porter à la chose politique s’est davantage incarné autour de la série The West Wing, une émission de télé bien écrite quoique trop idéaliste à mon goût, qui remporte tout le succès dont avait rêvé le fils de John F. Kennedy pour son magazine. Dommage.

Du côté des sites Internet aussi, c’est la panique. Mardi dernier, le site du New York Times renvoyait 80 employés (soit 17 % de son personnel). Le réseau Fox de Rupert Murdoch a également mis la hache dans son site Internet. Pas assez payant.

Dans le milieu des médias américains, on laisse entendre que l’excellent magazine en ligne Salon en arrache. En entrevue au quotidien français Libération en décembre dernier, son éditeur (qui venait de remporter un prix d’excellence lors de la première remise des prix de journalisme en ligne) parlait de l’éventualité d’exiger des frais aux internautes pour l’accès à certains contenus de Salon. Il faut croire que la vente de tasses et de t-shirts ne rapporte pas assez!

Que fait-on lorsque les sites en ligne en arrachent? On se tourne vers le bon vieux papier. À signaler: la naissance du magazine Inside, dérivé papier d’un site Internet (Inside.com) spécialisé dans les médias et le divertissement qui n’a pas encore fait ses preuves (pourquoi payer pour un contenu qui sera repris par la presse généraliste le lendemain?). L’autre sortie, la plus attendue, c’est On, une version revampée du Time Digital, le supplément de l’hebdomadaire Time, qui traitera de culture et de modes de vie liés à Internet (quoi d’autre?). Ce magazine sera publié conjointement par America Online et Time. Sortie prévue en mars.