Droit de cité : L'exotique Michaud
Société

Droit de cité : L’exotique Michaud

Voici les nouvelles télévisées de dimanche dernier. Première manchette: le tremblement de terre au Salvador.

Comme c’est coutume chaque fois qu’un drame se produit ailleurs dans le monde, les journalistes se dépêchent auprès de la diaspora locale, pour entendre ce qu’elle a à dire: qui d’une guerre en Yougoslavie, qui d’une élection en Haïti (parce que c’est un drame, les élections là-bas), qui d’un tremblement de terre au Salvador.

La communauté salvadorienne à Montréal est relativement jeune; à peine 20 ans qu’il y a des Salvadoriens chez nous. "Vous avez de la famille là-bas? Des nouvelles d’elle? Faites-vous une collecte?"

Or, tous, sans exception, et ils étaient nombreux à avoir été interviewés par les journalistes, répondaient dans un français tout à fait compréhensible – mieux en tout cas que la moyenne des ours aux Amateurs de sports -, certains avec une très forte touche québécoise dans l’accent. Tout juste y avait-il un peu d’exotisme dans leur inflexion.

Puis, vient la deuxième manchette: l’affaire Yves Michaud, son retrait de l’investiture de Mercier (la mythique circonscription de Gérald Godin), pour les raisons qui nous accablent depuis trop longtemps. Trouvez l’erreur.

Poème maudit?
Mercier, c’est le Plateau-Mont-Royal. Autour de la station de métro, il y a la place Gérald-Godin, nommée ainsi pour perpétuer la mémoire et les valeurs de celui qui a représenté le quartier à l’Assemblée nationale. Sur le mur aveugle d’un triplex jouxtant la place, les concepteurs ont eu la bonne idée de tirer profit de la brique pour y inscrire un poème de Godin, Tango de Montréal.

Dans ce texte, on reconnaît son affection et son respect pour les Québécois issus de l’immigration. On pourrait même dire que c’est un poème politique pour les convaincre à voter Oui à la souveraineté. Même en cas de refus, il les aimait toujours.

Il s’agit peut-être là de sa plus grande oeuvre inachevée: établir un pont entre les communautés immigrantes et les velléités nationalistes d’un bon nombre de Québécois francophones. C’est ce qui a marqué le plus sa vie politique dans le quartier. Le poème sur la place publique est une sorte de témoignage évoquant le célèbre "Que l’on continue" de Bouchard.

Et à l’association péquiste de Mercier, où l’on se prétend gardiens de l’héritage de Godin, l’exécutif soumet la candidature de Michaud… qui pense qu’il y a "nous", qu’il y a "eux", et que c’est la faute à "eux" si "nous" n’avons pas "notre" pays.

Dans sa lettre de résignation, Michaud nous prévenait qu’une réflexion sur le projet indépendantiste prêcherait "l’entrée dans l’ère du vide et du déracinement, rapetissant ainsi la société québécoise à une atomisation de citoyens férocement individualistes et n’ayant d’autres raisons de vivre que d’assouvir leur rage de consommation". Ça rappelle les cabales des évêques du 19e siècle contre l’industrialisation, l’immigration non catholique, l’urbanisation et les choses de l’argent. "À vos terres, mes ouailles, ce sont les seules gardiennes de votre foi et de votre race."

Le Plateau, secteur postmoderne, à l’avant-garde, symbole du Québec de l’avenir…

Trouvez l’erreur, bis.

Nouvelles conquêtes
Une île-une ville désormais acquise, notre homme à la mairie part vers de nouvelles aventures au pays des boules à mites. Maintenant, Pierre Bourque veut s’attaquer à un autre fantasme montréalais rangé aux oubliettes: le TGV Montréal-New York. Cela fait plus de 20 ans que Montréal rêve d’un lien ferroviaire à grande vitesse avec New York.

On se moque joyeusement de la dernière mégalomanie du maire Bourque. Soyez sur vos gardes, bande de pharisiens! Vous aviez aussi eu un fun noir quand le maire avait évoqué la première fois son projet de fusionner toutes les villes de l’île. Voyez le résultat.

(Si j’étais militant péquiste, j’émettrais très sérieusement l’hypothèse "Bourque" ces jours-ci. Vous avez besoin d’un commis voyageur capable de vendre des télés à des Amish? Je pense que j’ai votre homme…)

Le chef de l’opposition à l’Hôtel de Ville, Michel Prescott, a fait remarquer avec une certaine justesse que le maire maintenant allègre avec la réussite de son plan de fusions, allait ressortir tous les vieux projets abandonnés.

Si tel est le cas, c’est inquiétant. Car il y en a eu, des projets farfelus à Montréal! Comme celui de relier l’île Sainte-Hélène et le mont Royal par un téléphérique. Ou encore celui, extrêmement curieux, de creuser l’intérieur de la montagne pour permettre aux touristes de vivre l’expérience d’un voyage au centre de la Terre. Ou bien d’ériger l’équivalent de la Tour du CN de Toronto sur le mont Royal.

ans ce dernier cas, il y a moins d’inquiétudes, puisque le projet a été repiqué par d’autres. Ils veulent la construire au sommet d’une colline en bordure du village de Sainte-Adèle. Et les notables du village ont été assez idiots pour les accueillir à bras ouverts. Peu importe où vous vous trouveriez dans un rayon de 50 kilomètres, vous verriez la tour depuis votre petit chalet en bois rond emmitouflé dans les sapins.

Le projet est novateur, promet-on. Une tour de 150 mètres avec un restaurant tournant en forme de soucoupe volante. Il y aurait des arcades, des manèges, des salles de spectacle.

Mais où vont-ils chercher tout ça?