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L’ennemi est dans votre assiette
Nathalie Collard
Tous les spécialistes le disent: le combat des prochaines années se fera autour de notre assiette. On a beau se fendre en quatre pour bien manger, encore faut-il être bien informé.
Dans la foulée de la vache folle, de la tremblante des moutons, de la céréale génétiquement modifiée et des poissons au mercure, le consommateur moyen a toutes les raisons du monde de devenir complètement parano. Parallèlement à cela, on nous brandit au visage des études alarmantes sur le nombre de plus en plus inquiétant d’obèses, surtout en Amérique du Nord. De quoi faire trembler d’inquiétude notre triple menton.
Dans ce contexte, et parce qu’il s’intéresse de plus en plus au travail des petits producteurs, Daniel Pinard monte aux barricades et nous offre trois émissions spéciales consacrées au défi alimentaire quotidien.
En compagnie d’un cardiologue de l’Institut de cardiologie de Montréal, Marc-André Lavoie, et d’un chef de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, Philippe Métayer, Pinard et sa comparse Josée di Stasio s’attaquent aux maux de notre époque: gras, obésité, cholestérol, diabète, etc.
Le docteur Lavoie serait-il le nouveau gourou de l’heure? Il nous suggère en tous cas de retourner à l’alimentation paléolithique, soit avant l’invention de l’agriculture et de l’élevage des animaux de boucherie: viande, poisson, légumes et fruits. Le blé et le lait, deux piliers de l’alimentation québécoise, sont absents de leur menu idéal.
Ici, Daniel Pinard et le docteur Lavoie s’en prennent à des lobbys puissants: celui de l’Ouest du Canada, les producteurs de blé, qui prétendent qu’on devrait manger environ 10 portions de blé par jour (impossible!); et le lobby chéri des Québécois, la Fédération des producteurs de lait du Québec (FPLQ). Ces derniers, qui nous font beaucoup chanter avec l’album du lait, risquent de déchanter en entendant Pinard et son invité affirmer qu’"on peut ne pas boire de lait à l’âge adulte et avoir un apport calcique suffisant par les fruits, les légumes verts et les os de poisson". J’ai hâte d’entendre la riposte de la FPLQ. La chanson Menteur de Bourbon Gauthier?
La série d’émissions de Pinard pose donc d’excellentes questions et risque de soulever les passions. À voir: vendredi 19 janvier, 21 h (L’ennemi est dans votre assiette); vendredi 26 janvier, 21 h (La Cuisine arc-en-ciel), et vendredi 2 février, 21 h (Mon REÉR santé). Le 26 janvier à 20 h, Droit de parole consacrera son forum de discussion à la question suivante: "Notre alimentation est-elle en train de nous tuer? Une question pertinente qui risque de faire hurler les lobbys de producteurs." À suivre.
Cinéma-vérité: le moment décisif
En 1952, Henri Cartier-Bresson publiait Le Moment décisif, un livre qui a fortement inspiré un groupe de cinéastes canadiens qui décidèrent d’appliquer l’approche du maître de la photographie au cinéma. Aux poubelles, les trépieds et les scénarios! Jusque-là, le documentaire était aussi excitant qu’un mode d’emploi IKEA. Au commencement était l’ennui, dit-on dans le film.
Le documentaire de Peter Wintonick (coproducetur et coréalisateur de Manufacturing Consent: Noam Chomsky et les médias) se penche donc sur les débuts de ce qu’on appelle le cinéma-vérité, caractérisé par l’absence de canevas et la caméra à l’épaule. Une approche plus populaire que jamais puisqu’elle est au coeur de la démarche des sites Internet webcams et des reality shows qui envahissent la télé depuis quelques années.
Quant à sa forme, caméra instable et image tremblotante, elle fait désormais partie des nouveaux codes du cinéma et de la télévision.
Le réalisateur rencontre donc ces pionniers du cinéma-vérité, parmi lesquels on retrouve Michel Brault (Les Raquetteurs) et Donn Pennebaker (Don’t Look Back), et nous fait découvrir de nombreuses images d’archives (dont un entretien avec Cartier-Bresson). Le film, en nomination pour le Génie du meilleur documentaire, est présenté en primeur à Télé-Québec le 21 janvier, à 21 h 30.
Le départ de Bouchard
Pour tout media junkie qui se respecte, un événement comme le départ inattendu du premier ministre Lucien Bouchard, c’est du bonbon. Quel plaisir d’assister au déploiement de l’arsenal journalistique. Il y a de la fébrilité dans l’air.
Mercredi soir dernier, j’ai surtout regardé Radio-Canada (même si c’est à TVA – du moins, c’est ce qu’ils s’évertuent à nous dire dans leurs publicités – que les Québécois ont appris la nouvelle en premier).
Première surprise: l’absence de Stéphan Bureau qu’on avait pourtant fait revenir d’Australie l’automne dernier au cas où Pierre Elliott Trudeau rendrait l’âme.
Où était le chef d’antenne ce soir-là? Sur la Lune?
Daniel Lessard s’est tout de même très bien acquitté de sa tâche. Il a toutefois mal dissimulé son embarras à la présentation d’un reportage sur la carrière de Lucien Bouchard qui avait toutes les allures d’une viande froide inachevée.
Souvenez-vous, l’automne dernier, le service de l’information de Radio-Canada interdisait à Jean-René Dufort et son équipe d’utiliser la viande froide de Pierre Bourgault pour un de ses reportages, sous prétexte que ça ne se faisait pas. Mercredi soir dernier, on ne s’est pourtant pas gêné. Daniel Lessard a dû préciser que le reportage n’avait pas été complété et qu’il manquait quelques informations au topo, comme l’élection du chef du Parti québécois au poste de premier ministre. Disons que c’était un peu gênant et que ça faisait amateur.
Le lendemain matin, c’est Bernard Derome, monsieur émissions spéciales, qui prenait la relève. Est-ce la retraite qui fait cet effet aux individus? Toujours est-il que Bernard Derome affiche vraiment l’image du gars qui a tout prouvé et qui n’a plus rien à perdre. Il n’a plus aucune retenue et semble dire tout ce qui lui passe par la tête. On dirait quelqu’un qui commente les événements assis dans son La-Z-boy, en pyjama, bière à la main. Ça manque un peu de décorum.
Un exemple: quelques instants avant l’arrivée de Bouchard au Salon rouge, durant ces interminables minutes où les commentateurs invités meublent le silence en disant à peu près n’importe quoi, la caméra se promenait parmi les ministres présents. Arrêt sur Pauline Marois et Bernard Landry qui échangent quelques mots. Pour ma part, j’ai cru entendre le mot "pâtes" (ils parlaient de ce qu’ils avaient mangé la veille?). Bernard Derome interrompt ses invités et dit en substance: "Écoutons ce qu’ils disent, ça pourrait être intéressant." Ah, les dérapages du direct!
Une bonne note à la communauté journalistique: le très faible taux d’erreur. Outre les informations voulant que Lucien Bouchard et sa famille déménagent en Californie, ou encore que le premier ministre aille travailler pour Bombardier (informations qui ont été démenties le lendemain), les médias d’information québécois sortent de cet événement avec un bulletin plutôt positif.