Droit de cité : Un nuage de rumeurs
Société

Droit de cité : Un nuage de rumeurs

Un Indien a dit un jour à Des Groseilliers et à Radisson, entre deux inspirations de calumet: "Il n’y a pas de fumée sans message", ou quelque chose comme ça.

Alors, quoi penser de toutes ces rumeurs flottant sur la ville, telle de la fumée de mer, au sujet du futur opposant à Pierre Bourque pour la mairie? Bossé, Trent, Danyluk, Johnson, Frulla, Tremblay, Prescott… Quel est le message?

Le message, pour le moment, est plutôt flou. En fait, c’est qu’il y a trop de messages. En radio amateur, on appelle ça du "skip", un flot ininterrompu de transmissions radio tous azimuts provenant de centaines de kilomètres de distance et qui masquent les vraies communications. Pendant que les rumeurs circulent, la confrérie de politiciens s’agite dans des jeux de coulisses.

C’est qu’avec la ville unifiée, Montréal s’est enrichie – façon de parler – d’une flopée de maires, habitués à régner en maîtres absolus sur leurs royaumes locaux.

Du côté de ces maires, certains ne se contenteront pas de jouer les gérants de McDonald’s. Et Dieu sait – l’employé du mois itou – que c’est difficile ces jours-ci d’être gérant de McDonald’s. Il a beau être ni plus ni moins le progrès social et humanitaire fait homme, les méchants syndicats lui tombent dessus comme la boulette de farine sur la plaque chauffante.

Enfin, des noms circulent, beaucoup de noms, mais qui, dans les meilleurs cas, ne sont célèbres que chez eux à l’heure des repas, ou presque. Comme l’affaire ne semble pas vouloir se tasser rapidement, nous prendrons donc quelques semaines pour étudier chacun des candidats non annoncés, mais toujours en réflexion: Georges Bossé, Vera Danyluk, Peter Trent, et Gérald Tremblay.

Il a marché sur Verdun
Le maire de Verdun est aussi le chef de la brigade légère de l’opposition aux fusions. Ce chapeau lui a permis de se faire voir sur toutes les tribunes ces sept ou huit derniers mois. C’est donc l’un des plus connus.

Son entêtement et celui d’autres candidats potentiels à ne céder aucun centimètre de terrain pourraient mener à une lutte à trois à la mairie, une sorte de répétition de 1998. Mais si Bossé s’entête, c’est qu’il a des appuis, des gens qui le croient seul capable de s’opposer au maire Bourque.

Sa candidature souffrirait cependant de quelques squelettes dans le placard. Car, non seulement Georges Bossé ressemble physiquement à Pierre Bourque, il tente aussi de lui ressembler dans sa façon de gouverner.

Parfois même, l’élève dépasse le maître. Ainsi, les frictions entre Bourque et le syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal, c’est de la chamaillerie de fillettes à côté du conflit entre l’administration du maire Bossé et ses cols bleus. Une des plus longues grèves au Canada, soit 18 mois. À la fin de la grève, il y avait plus de nids-de-poule que d’habitants, la moitié des feux de circulation étaient brisés, et les égouts pluviaux débordaient, faute d’un entretien digne de ce nom.

Autre trait de ressemblance avec Bourque: le parti du maire de Verdun a été reconnu coupable d’avoir sollicité des contributions financières illégales lors de la campagne électorale de 1997.

Mais surtout, son obstination contre la fusion avec Montréal a été perçue par les Montréalais comme un rejet de Montréal. Il avait notamment suggéré, en réponse au projet Bourque, de démanteler Montréal en une dizaine de villes. La banlieue l’aimera peut-être, mais Montréal? C’est douteux.

La mystique Danyluk
Vera Danyluk, née Mystuc, une autre des grosses candidatures probables, est peut-être en train de subir le supplice de Pauline. Qu’est-ce que le supplice de Pauline? Avoir des visées très sérieuses sur un poste prestigieux, mais hésiter tellement longtemps que nos adversaires ont le temps de s’organiser. Et plus nos adversaires s’organisent et nous chipent des appuis, plus on hésite.

Vera Danyluk est fort peu connue du public. Pourtant, elle est peut-être parmi tous les candidats à la mairie – y compris Pierre Bourque – celle qui connaît le mieux la mécanique politique du grand Montréal.

Elle est née à Montréal, dans Hochelaga-Maisonneuve, sa famille y a toujours habité, même quand elle était maire de Ville Mont-Royal. Son français d’ailleurs, appris dans les ruelles d’Hochelaga-Maisonneuve, résonne encore de l’accent du quartier.

Il y a maintenant presque sept ans qu’elle préside la Communauté urbaine de Montréal, à jouer les arbitres entre Montréal et les villes de banlieue, et entre les villes de banlieue elles-mêmes. Sa façon de gérer les conflits internes lui a valu plusieurs inimitiés, dans la banlieue comme à Montréal. Elle a, entre autres, accusé les maires de la banlieue de "construire dans toutes nos baronnies locales une flopée de petites forteresses plus ou moins vouées à résister au changement". Ça fait mal.

Si elle a survécu jusqu’ici à la présidence de la CUM, c’est presque un miracle.

On la dit conservatrice, notamment à cause de son air austère et de sa ferveur catholique. Pourtant, elle a été une femme de premières: première femme à être élue maire de Mont-Royal; première femme présidente de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal; première femme présidente de la CUM.

Première femme à la mairie de Montréal? Il lui reste peu de temps, le supplice de Pauline faisant des ravages…