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Football extrême : Chargez!
À compter du 3 février, le paysage sportif ne sera plus jamais le même. La Xtreme Football League fera son entrée aux États-Unis comme nouveau circuit de football professionnel. Son secret repose sur des cheerleaders sexy et des contacts physiques plus agressifs. La XFL représente le nec plus ultra du divertissement, estiment ses créateurs. La Ligue constitue un outrage au sport et fait l’apologie de la violence, affirment ses adversaires. Qui dit vrai? La XFL, est-ce du sport ou du show-business?
Tommy Chouinard
Créée en février 2000, la XFL est la copropriété du réseau NBC et… de la World Wrestling Federation (WWF). Comme l’indique Basil DeVito, président de la XFL, "la Ligue misera sur des contacts physiques intenses entre les joueurs, des artifices, des images saisissantes et des cheerleaders déguisées en super nanas". Rien de moins.
Comme la WWF avec la lutte, la XFL désire transformer le football en un véritable spectacle digne de Broadway. "Cette ligue va créer un choc, assure DeVito. À côté de nous, la National Football League (NFL) va passer pour une ligue de fils à maman. Depuis des années, les amateurs réclament plus d’action, de contacts et de rebondissements. Nous leur en donnerons."
Certes, la XFL mettra toute la gomme sur le divertissement. Toutefois, de sérieux doutes persistent à son sujet. Selon Richard Lapchick, directeur du Centre d’études sur les sports dans la société américaine de la Northeastern University de Boston, la XFL constitue une métaphore grandeur nature de l’évolution du milieu sportif au cours des 10 dernières années. "Le sport se transforme de plus en plus en show-business et en spectacle, affirme-t-il. L’enjeu n’est plus de gagner, mais d’être spectaculaire. Avec la XFL et d’autres ligues, le sport ressemble à une entreprise de marketing bien huilée. De plus, la création de cette ligue confirme une chose: le sport devient toujours plus violent et c’est encore accepté malgré tout."
Sans censure
Le 3 février prochain sonnera le coup d’envoi de la première saison de la XFL, qui se terminera à la fin du mois d’avril. Huit formations se livreront âprement bataille. Leurs noms donnent le ton agressif de la XFL: les Maniax de Memphis, les Demons de San Francisco et le Rage d’Orlando, par exemple. Le célèbre gouverneur du Minnesota, Jesse "The Body" Ventura, un ancien lutteur, sera l’analyste des parties à NBC, malgré ses responsabilités publiques!
Afin de maximiser l’action, la pyrotechnie et la technologie seront exploitées à fond. Par exemple, des artifices exploseront lors de la présentation des joueurs. De plus, le stade deviendra un véritable studio de télévision: des écrans géants seront installés partout et plus de 30 caméras seront sur place à chaque match. Les joueurs et les entraîneurs seront même munis de microphones, afin que les téléspectateurs écoutent ce qui se passe sur les lignes de côté, dans les caucus et les vestiaires. Des mini-caméras seront fixées sur les casques de certains joueurs-clés, qui devront en plus répondre aux questions des commentateurs à tout moment. "Il faut que le fan soit plus proche du jeu, qu’il sente les coups et qu’il fasse lui-même partie de l’équipe, affirme DeVito. D’habitude, les spectateurs sont passifs. Nous les voulons plutôt actifs."
Les règlements de base ont même été modifiés pour "en donner plein la gueule aux spectateurs", comme le dit DeVito. Par exemple, les receveurs de botté ne pourront plus demander l’immunité grâce au fair catch. Contrairement à la NFL, les célébrations sur le terrain seront autorisées et même fortement encouragées, puisqu’une amende sera infligée au joueur qui fera un touché sans enlever ensuite son casque et danser! Par ailleurs, aucune règle ne visera à protéger le quart-arrière. "C’est du football à la rude, affirme DeVito. C’est comme ça que ce sport doit être joué. Il n’est plus question de faire semblant. Il faut que ça fasse mal."
Poupées en faire-valoir
Une des cartes maîtresses de la XFL reste ses cheerleaders. "Je vous mentirais en disant que la sélection s’est faite uniquement sur la base de la personnalité, avoue DeVito. C’est surtout la beauté et les vêtements sexy qui sont importants. Si des gens sont offusqués, tant pis pour eux. Selon moi, il n’y a rien de mal là-dedans, car les belles femmes attirent les hommes." Par exemple, la XFL a engagé comme cheerleader la Playmate 1998 de Playboy, Karen Mc Dougal!
Alors que la NFL interdit les liaisons entre les joueurs et les cheerleaders, la XFL les encourage fortement. "L’interdiction de ces liaisons est le règlement le plus absurde de tous, a affirmé Vince MacMahon, président de WWF, en entrevue au magazine sportif ESPN. C’est anti-américain. Oui, nos cheerleaders sortiront avec les joueurs. Oui, elles seront de super nanas. On en aura trois ou quatre pour entourer les commentateurs, ça fera de belles images."
Avec de tels changements, et un salaire moyen de 45 000 $ US pour 10 matchs, la XFL a de quoi remuer les ardeurs de plusieurs joueurs de football en puissance. Plus de 2000 joueurs ont d’ailleurs tenté leur chance afin d’être repêchés par une équipe de la XFL. Quatorze anciens joueurs de la Ligue canadienne de football, une ligue qui a même reçu une offre d’achat de la XFL il y a deux ans, ont été sélectionnés au repêchage, et quelques membres du personnel entraîneur ont été mis sous contrat par le nouveau circuit. "Cette ligue ne nous inquiète pas, c’est une concurrence comme il y en a eu d’autres, affirme Louis-Philippe Dorais, directeur des communications aux Alouettes de Montréal. La XFL a une philosophie particulière du football. Reste à voir jusqu’où ils iront."
Le mystère subsiste quant à savoir si la XFL connaîtra ou non un franc succès. "L’effet de curiosité attirera bien des amateurs au début, affirme Richard Lapchick. Après tout, aux États-Unis, tout le monde du sport ne parle que de ça. Donc, je pense que la XFL aura son auditoire fidèle comme la WWF a le sien. Mais les amateurs de football traditionnel ne se laisseront pas séduire."
La résistance s’organise
La XFL fait craindre le pire à plusieurs groupes de citoyens aux États-Unis. La National Coalition Against Violent Athletes de Littleton, au Colorado, est en tête de liste. Selon Kathy Redmond, sa fondatrice, la XFL dénature l’image du sport. "Ce sera un show comme la WWF, affirme-t-elle. La XFL existe pour vendre des nanas et vanter l’agressivité. La compétition n’est qu’un prétexte pour le faire." Pour elle, la XFL n’est ni plus ni moins que synonyme de violence et de sexisme. "Les règlements augmentent la violence et en font odieusement la promotion, indique-t-elle. De plus, cette ligue traite mal les femmes, les cheerleaders. C’est comme si elles étaient des objets pour le plaisir des yeux des hommes. Quel stéréotype!" Comme bon nombre de militants aux États-Unis, Kathy Redmond n’a pas l’intention de laisser la XFL évoluer sans critique. "J’attends les premières parties, afin de savoir de quoi on parle, et nous agirons rapidement, assure-t-elle. Nous lancerons des pétitions et des campagnes de boycottage. Je pense que beaucoup de gens nous appuieront. Un tel exemple de violence ne peut pas durer."