Droit de cité : Nouvelles du front
Société

Droit de cité : Nouvelles du front

Deuxième offensive de Pierre Bourque, en zone de résistance depuis le coup de départ de la campagne pour la mairie. En début de semaine, le maire a tenté un abordage du côté de Sainte-Anne-de-Bellevue, au coeur du maquis antifusion, là où la lutte a pris la forme d’une insurrection judiciaire contre la loi 170.

Cette révolte n’inquiète guère le maire. En effet, les insurgés judiciaires sont bien mal armés.

Ce n’est pas parce que leurs avocats sont incompétents. Guy Bertrand, qui fait partie du premier bataillon, est un redoutable plaideur. Il pourrait persuader un juge qu’il est en fait un hermaphrodite.

Un exemple: depuis sept ans, l’avocat réussit à éviter la déportation du Canada à un présumé criminel de guerre, Léon Mugesera, un docteur accusé d’avoir incité au génocide les Hutus contre les Tutsis lors d’un discours qu’il a prononcé juste avant le massacre du Rwanda. Maître Bertrand a réussi ce tour de force en comptant le nombre de "si" dans le texte du discours. De l’avis de l’avocat, ces nombreux "si" prouvent que ledit discours n’était pas un ordre enjoignant au massacre, mais un appel à la défensive passive en cas d’un hypothétique événement. Cela dit, les Tutsis n’ont pas compris le même message, puisque la panique s’est installée dans leurs rangs dès la fin du discours du docteur. Enfin…

Le talon d’Achille des antifusion, c’est que la jurisprudence dans les affaires municipales n’est pas aussi sujette à interprétation que les subtilités de la langue kinyarwandaise. Il n’y a pas de doubles sens dans les textes de loi sur lesquels repose la réforme municipale. La loi 170 est blindée, la Constitution sur l’autonomie des provinces en matière d’affaires municipales est claire: Do whatever you want.

Devant une telle armada de papier, les tactiques de Guy Bertrand ne feront pas le poids.

Ça, c’est pour la bataille judiciaire. Pour la quête des coeurs, la banlieue est à des années-lumière de prêter allégeance au maire Bourque.

Avec une demi-poignée de personnes venues l’entendre, et des dizaines d’autres venues le conspuer, force est de constater que le maire a fait patate. Et, pour paraphraser un grand stratège de l’échec-avant, il n’y en aura pas de faciles pour Pierre Bourque. "Il faut expliquer le contenu de la loi 170, faire de la sensibilisation", a commenté le maire. Le hic, c’est que les manifestants n’exprimaient pas une opposition aux principes de la loi, mais une opposition de principe, point. Le veau a beau être maigre, les végétariens ne le mangeront pas.

Mais les forces alliées contre Bourque doivent bien se garder de pavoiser devant les échecs de leur ennemi. La grogne des antifusion se dirige maintenant vers la majorité des maires de la banlieue, dont l’abdication devant l’inévitable apparaît aux yeux de plusieurs comme un abandon. Les citoyens se sentent lâchés. Georges Bossé, maire de Verdun et éventuel candidat à la super mairie, est dans leur mire. Ça sent la division du vote.

Monsieur Grappes
Tel que promis la semaine dernière, je poursuis mon survol des candidats non annoncés à la mairie de la nouvelle mégaville.

Premier nom: l’ex-ministre Gérald Tremblay. Monsieur Tremblay n’est pas vigneron, mais il fut un temps où il était fort en grappes… industrielles. Rappelez-vous: lorsqu’il était ministre sous Bourassa, il présentait ce "modèle québécois" comme un antidote à la récession économique que vivait le Québec d’alors.

Il n’en reste plus de traces, des fameuses grappes industrielles. Ou enfin si, mais elles n’en portent pas le sceau: la Cité du multimédia et l’industrie aéronautique autour de Bombardier sont des produits dérivés de la politique des grappes.

Gérald Tremblay a donc une part dans le capital-action du nouveau Montréal. Mais le gros de son capital est plus récent: la Commission sur les consultations publiques à Montréal, qu’il a présidée l’an dernier. Ce n’est pas un rapport de commission que Gérald Tremblay avait remis à Pierre Bourque: c’était une leçon de démocratie. Le rapport de monsieur Tremblay suggérait rien de moins que de faire table rase du système actuel, et "varlopait" furieusement l’administration Bourque. Les Montréalais, surtout ceux qui ont souffert des décisions douteuses de la Ville en urbanisme, ont apprécié.

Ce rapport est à la fois le point fort et le point faible de Gérald Tremblay. Car, comme au judo, en politique, il faut savoir bénéficier de la force de ses adversaires. Aussi pertinent qu’ait été ce rapport sur la consultation publique, ses conclusions deviendront suspectes. L’ex-ministre préparait-il sa future candidature à la mairie quand il l’a rédigé? La réponse importe peu; en fait, on s’en sacre. L’important, c’est de poser la question. Si j’étais conseiller auprès de Bourque, je lui suggérerais fortement de poser la question dès que le candidat Tremblay se pointera le début du bout du nez.

L’important, c’est de poser la question. De semer le doute dans un clip de cinq secondes, excellent format pour les nouvelles et les titres de journaux.