Société

La semaine des quatre jeudis : Le bon usage

Sujet infini de passion, la langue, comme chacun le sait, est une matière en mouvement, muant au fil des ans, des cultures et des incultes. Du verlan au chtimi, en passant par le franglais, pour d’aucuns. Chaque mue entraîne de nouvelles dépravations du langage. Pour d’autres, la langue devrait pouvoir se pétrir à loisir, se manipuler selon des règles simples et floues, et la moindre virgule reste un interdit. Chose certaine, il est loin le temps où nos enseignants se formalisaient que le Larousse ait presque accepté chevals en tant que pluriel pour la plus noble conquête de l’homme, révolue l’époque où l’on débattait des mérites comparés de clé et clef.

Où en sommes-nous? Afin de mettre les pendules à l’heure, Yvon Delisle, que l’on peut qualifier du poétique vocable de "chercheur du bon usage", publie cette semaine la deuxième édition d’un petit ouvrage intitulé Mieux dire mieux écrire dont je me suis inspiré pour rédiger le paragraphe suivant. Littérateux, enseignants, correcteurs et distingués amateurs de langue, saurez-vous trouver l’erreur dans cette aventure surréaliste? J’en doute… Pour la solution, faites comme les Chinois… mettez-vous la tête en bas.

À tous les jours, sur les heures d’affaires, le petit chien aboie en passant devant l’abreuvoir, précisément au moment où je parle dans l’acoustique du téléphone afin de prendre appointement pour une application à l’aréoport, car j’en ai assez de vivre sur le bien-être social.

L’horrible cabot ressemble à une balayeuse qui aurait manqué son appointement chez le barbier. Anyway, la ligne est engagée. Je rappelerai à charges renversées.

Je suis cassé à cause que je me suis fait clairer en débutant la journée à cause des coupures budgétaires, comme un produit discontinué. Franchement, j’enligne les échecs! Au bureau, il y avait des chuchotages; le chat est finalement sorti du sac.

Shitt, c’est ennuyeux, il va falloir que je fasse des applications. J’ai les bleus, j’ai bien besoin de me faire booster la batterie, de me remuer la clutch, au moins de me trouver un violon dingue, n’importe quoi pour me sortir des boules à mites; comme, par exemple, cirer des skis, passer des circulaires… Mais à quoi bon gagner 7 $ de l’heure? J’ai beau brainstormer à m’en faire de la broue dans le toupet, le coeur me débat, je crois que je vais définitivement péter un breaker. Va falloir que je me fasse faire un check-up au plus crisse…

Moi qui suis en charge d’une vieille peau en chaise roulante, j’essaie de figurer mon deadline au chômage. Fini la flanellette, là, j’ai frappé un noeud.

Oh Willie, tchèque le beau gars là-bas! C’est le lifegard! Qu’est-ce qu’il fait en jaquette dans l’allée de gravelle? Je sais, ce ne serait qu’un plaster sur le bobo, mais j’irais bien tirer un joint avec lui et je me ferais bien faire un petit changement d’huile pour changer le mal de place!

Tous les jours, pendant les heures d’ouverture, le petit chien jappe en passant devant la fontaine, précisément au moment où je parle dans le combiné du téléphone afin de prendre rendez-vous pour une demande d’emploi à l’aéroport, car j’en ai assez de vivre de l’aide sociale.

L’horrible cabot ressemble à un aspirateur qui aurait manqué son rendez-vous chez le coiffeur. De toute manière, la ligne est occupée. Je rappellerai à frais virés.

Je suis sans le sou parce que je me suis fait congédier en commençant la journée à cause des restrictions budgétaires, comme un produit qui n’est plus sur le marché. Décidément, j’aligne les échecs! Au bureau, il y avait des chuchotements. J’ai finalement découvert le pot aux roses.

Merde, c’est ennuyeux, il va falloir que je fasse des demandes d’emploi. Je broie du noir, j’ai bien besoin de me faire ranimer la batterie, de me remuer la pédale d’embrayage, au moins, de me trouver un violon d’Ingres, n’importe quoi pour me sortir de la naphtaline; comme, par exemple, farter des skis, distribuer des cahiers publicitaires… Mais à quoi bon gagner sept dollars l’heure? J’ai beau me remuer les méninges, m’en faire de la mousse dans le toupet, le coeur me bat, je crois que je vais assurément sauter un disjoncteur. Il va falloir que je me fasse établir un bilan de santé au plus vite…

Moi qui suis en charge de ma vieille mère en fauteuil roulant, je tente de prévoir l’échéance de l’assurance-emploi. Fini la finette, là, je me heurte à un problème.

Oh William, regarde le beau garçon là-bas! C’est le surveillant de piscine! Que fait-il en chemise de nuit dans l’allée de gravier? Je sais, ce ne serait que recouvrir la blessure d’un pansement adhésif, mais j’irais bien jointoyer avec lui et je me ferais bien faire une petite vidange d’huile pour me distraire!

Précisons que l’usage permanent des expressions de ce corrigé risque de vous attirer une méchante volée dans un des nombreux bars de Vannier.

Mais s’il vous reste des dents, comptez vos erreurs. Divisez par la distance qui sépare Bernard Landry de la présidence, multipliez par l’héritage de René-Charles, ajoutez-y le quotient intellectuel de Dave Hilton et vous aurez votre note sur cent. Filisiittation.

Mieux dire mieux écrire
De Yvon Delisle
Les Éditions Septembre, collection "Réussir"
2001, 72 pages