L'affaire Pauline Marois : Féminisme 101
Société

L’affaire Pauline Marois : Féminisme 101

Tout le monde s’attendait à ce que les femmes ministres du cabinet Bouchard appuient la candidature de Pauline Marois à la course à la chefferie. Or, ce n’est absolument pas ce qui est arrivé. Mais est-ce une mauvaise chose? Pas sûr.

Mesdames, les jours qui ont suivi la démission de Lucien Bouchard auront été instructifs. Je ne suis pas une spécialiste de la politique et je ne m’appelle pas Michel Vastel; je ne possède donc pas d’information privilégiée sur les jeux de coulisses ayant eu lieu à Québec et à Montréal. Je commente ce que je vois. Ou, dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, ce que je ne vois PAS.

Et ce que je n’ai pas vu, au cours des dernières semaines, ce sont les femmes ministres du cabinet Bouchard se rallier autour de la ministre de la Santé, Pauline Marois.

Où était Louise Harel, vieille compagne de route de Pauline Marois? Le jour de la démission de Lucien Bouchard, elle était bizarrement absente du Salon Rouge (ou, si elle y était, les caméras ne l’ont jamais montrée). Par la suite, elle a pratiquement disparu de la circulation au moment où madame Marois vivait les moments les plus difficiles de sa carrière.

Les ministres Louise Beaudoin (amie de longue date de madame Marois, nous dit-on), Diane Lemieux et Nicole Léger, des femmes qui n’ont habituellement pas peur de la caméra, se sont faites, elles aussi, plutôt discrètes. Après quelques jours de réflexion (doit-on parler de jours ou d’heures?), elles ont toutes donné leur appui à Bernard Landry, que les sondages avantageaient, faut-il le rappeler.

Agnès Maltais, ministre de la Culture, a été la seule à appuyer publiquement madame Marois. C’est très gentil de sa part, mais soyons réaliste: madame Maltais n’a pas beaucoup de poids politique à Québec.

Un mythe qui a la vie dure
Mais où est doc passée cette sacro-sainte solidarité féminine dont tout le monde parle? Cette connivence et cette compréhension intime qui tissent des liens organiques entre toutes les femmes de la planète, quelles qu’elles soient. "Sisterhood is global", disent les féministes américaines. Ah oui?

Eh bien, je crois qu’on vient d’avoir la preuve, une fois pour toutes, qu’il s’agit bel et bien d’un mythe.

En fait, les dernières semaines ont été l’équivalent d’un crash course en politique 101. Les lendemains de la démission du premier ministre Bouchard auront permis de lever un coin de voile sur la nature des jeux qui se pratiquent dans les coulisses du pouvoir. Au menu: coups bas, tordage de bras et rudesse excessive dans les coins de la patinoire. Bref, rien de très édifiant.

Pourtant, combien d’ouvrages sont venus nous vanter les qualités – pour ne pas dire la supériorité – du pouvoir au féminin? "Les femmes sont plus consensuelles, moins arrivistes, plus fidèles. Elles écoutent davantage, sont plus douces, plus près des préoccupations des gens, plus maternelles, etc." Combien de conférences ai-je entendues sur l’importance du networking et du mentorat comme moyens d’avancement pour les femmes, en politique comme dans le monde des affaires?

Eh bien, surprise: les femmes sont des êtres humains comme les autres. Des personnalités complexes, remplies de contradictions et qui souvent pensent à elles avant de penser à leurs soeurs.

Oubliez les romans à l’eau de rose de Naomi Wolf, Lise Payette et Françoise David. La solidarité féminine n’existe pas. Il existe bien une solidarité, mais elle n’a rien à voir avec le sexe des individus. Elle transcende cette vision "Un gars, une fille" du monde. Et vous savez quoi: C’EST TANT MIEUX.

Oserait-on parler de solidarité entre Blancs? Entre Québécois de souche?

Comme l’a dit elle-même Pauline Marois l’autre jour en entrevue au Point avec Stéphan Bureau, ces femmes sont des êtres libres qui décident pour elles-mêmes.

Pourquoi une femme accorderait-elle automatiquement sa confiance à une autre femme? Pourquoi existerait-il une connivence de fait entre les femmes? Parce qu’il en existe une entre les hommes? Voyons donc! Les hommes pissent debout, faut-il en faire autant?

La vérité, c’est que les relations humaines et de pouvoir sont beaucoup plus complexes que certains écrits féministes ont bien voulu nous le faire croire au fil des ans. Et que les femmes seront vraiment libres le jour où leurs agissements et leurs questionnements ne seront pas uniquement examinés à la lumière de leur sexe. Imaginons un instant la situation contraire: "Monsieur Landry, n’êtes-vous pas déçu que Guy Chevrette, un collègue de longue date et un homme comme vous, ne vous donne pas son appui?" Impensable, non?

Une occasion ratée
La semaine dernière, Bernard, ému, et Pauline, déçue, se sont donc serré la main devant les caméras. Ce que je trouve décevant, dans toute cette histoire, ce n’est pas l’absence de solidarité féminine mais l’absence d’appuis tout court pour une candidate qui valait bien, sinon plus, Bernard Landry.

Je suis la première à admettre que la télévision peut jouer des tours, qu’elle nous renvoie une image déformée de la réalité. Reste que vendredi soir dernier, au Point, Pauline Marois m’a fortement impressionnée. "A no bullshit woman ", diraient les Anglais. Franche, directe, lucide, calme, posée. Imparfaite et consciente de l’être.

Je mettrais ma main au feu qu’au cours des prochaines années, les Louise Harel, Louise Beaudoin et Diane Lemieux vont se mordre les doigts. Pas parce qu’elles n’ont pas appuyé une femme; mais parce qu’elles sont passées à côté d’une politicienne de grande qualité.