Radio-Canada.ca: bande à part
Société

Radio-Canada.ca: bande à part

À force de mises à pied, de fermetures et de compressions budgétaires, les grands médias de ce monde ont commencé de bonne heure leur grand ménage du printemps. Mais un petit village résiste: radio-canada.ca.

À force de mises à pied, de fermetures et de compressions budgétaires, les grands médias de ce monde ont commencé de bonne heure leur grand ménage du printemps. Mais un petit village résiste: radio-canada.ca.

Quand CNN a coupé 400 postes, il y a quelques semaines, majoritairement dans sa division Internet, personne n’a été surpris. Pas plus que lors de l’annonce, quelques jours plus tard, de la suppression de 1000 autres emplois à la suite de la fusion des géants AOL-Time-Warner, propriétaires de CNN. La tendance se maintient, comme dirait l’autre. Depuis décembre 1999, les mises à pied dans la nouvelle économie atteignent des niveaux records chez l’Oncle Sam, puisque 610 sociétés américaines ont supprimé 54 343 emplois, selon la firme Challenger, Gray & Christmas. Et, depuis le début de l’année, on note une augmentation des mises à pied de l’ordre de 23 % comparativement au mois précédent. Les coupures sont si importantes que les sites consacrés à la recherche d’emploi font des affaires d’or.

Le site www.monster.com, par exemple, a reçu plus de 36 000 nouveaux curriculum vitae dans la seule journée du 9 janvier 2001, un record! Si toutes les entreprises de la nouvelle économie sont touchées par la morosité ambiante, et plus particulièrement celles liées au commerce électronique, d’autres persistent et signent. Comme le dit l’analyste américain John Challenger dans un communiqué repris par Multimédium, "il est possible que les seules sociétés qui tireront leur épingle du jeu seront celles dont les revenus ne dépendent pas seulement d’Internet". C’est en plein le cas du secteur des Nouveaux Médias de Radio-Canada qui annonçait, la semaine dernière, le lancement de bandeapart.fm, un site destiné à la musique alternative d’ici avec un joli budget de un million de dollars.

Show me the money
Le budget des Nouveaux Médias pour l’ensemble de la SRC, dans les deux langues et d’un océan à l’autre, se chiffre à environ 12 millions de dollars, selon Sylvain Lafrance, vice-président des Nouveaux Médias et de la Radio française de la SRC. Un budget et un nombre d’employés difficiles à comptabiliser, puisqu’ils sont nombreux, tout comme monsieur Lafrance, à porter deux chapeaux au sein de l’entreprise. En termes bureaucratiques, on appelle ça un "financement croisé".

"Je ne suis pas surpris par les coupures opérées dans les grands groupes de presse, dit Sylvain Lafrance en entrevue. Il y avait une sorte d’ébriété générale dans le milieu et tout le monde allait à fond de train. Un budget de 12 millions de dollars pour les nouveaux médias, ça paraît beaucoup sur le coup, mais c’est moins de 2 % des budgets totaux de la SRC. Nous avons donc une approche plus prudente. Le fait de ne pas être coté en Bourse nous permet de demeurer enthousiastes et critiques à la fois. On n’a pas besoin, comme d’autres, de changer pour changer. On investit dans des secteurs solides comme la culture, la musique et les nouvelles."

Les nouveaux médias, à la SRC, c’est aussi une question de recyclage. En plus de contenus originaux exclusifs au Web, les sites de la SRC sont surtout suralimentés par de fortes doses de contenus provenant des émissions de télévision et de radio. Ces mêmes contenus sont de plus refilés à des partenaires d’affaires de la SRC, que ce soit des portails Internet tels que Sympatico ou des téléphones cellulaires. Un t-shirt avec ça?

"On est un producteur de contenus, et ce qu’on produit, c’est de la radio et de la télévision, explique Sylvain Lafrance. Avec ces partenariats, on s’assure de donner de nouvelles vies à nos contenus tout en proposant aux nouveaux médias un modèle économique différent, puisque nos sites sont majoritairement non commerciaux. On y trouve quelques opérations commerciales, par exemple dans la section des sports où l’on retrouve de la pub annonçant la diffusion d’un match de hockey, ou une émission de La Fureur, par exemple. Mais les sites Nouvelles, Culture et Jeunesse demeurent rigoureusement non commerciaux."

Une petite vite?
On ne peut d’ailleurs reprocher à Radio-Canada de trop jouer la carte commerciale. Régie par un code d’éthique, par un code journalistique et par toutes sortes de contraintes liées à son mandat de société publique, la SRC ne s’est pas égarée, comme la Société des alcools du Québec, par exemple, dans la frénésie, coûteuse aujourd’hui, des promesses liées au commerce électronique.

Avec Bandeapart.fm et son budget de un million de dollars, la SRC cherche à tout prix à ramener dans le giron Internet de la SRC les 13 à 21 ans. De plus, à l’heure où les artistes de la scène musicale sont en train de se faire plumer avec tous les Napster de ce monde, la SRC paie en bonne et due forme les cachets des artistes présentés sur Bandeapart.fm. Plus de 150 artistes québécois dits alternatifs squattent le site; on y trouve des portraits, des reportages vidéo, des chansons. Bref, une version Internet d’un gros show de tivi, sauce alternative. Et ça marche!

"On embauche les artistes, et c’est de l’argent bien investi, explique Sylvain Lafrance. Nous faisons la promotion de nos artistes afin de lutter contre l’américanisation complète de l’univers numérique. C’est une façon d’assurer la diversité culturelle. Si nous ne le faisons pas, qui va le faire?"