Droit de cité : Sus au spaghatte!
Société

Droit de cité : Sus au spaghatte!

Le dossier du parti du maire Bourque occupe toute une bibliothèque du bureau du directeur général des élections. Presque tout ce qui est proscrit en matière de financement électoral s’y retrouve: prête-noms, contributions de l’extérieur, contributions de corporations, dons en liquide, etc. Un guide, je vous dis.

Pour la prochaine élection, Pierre Bourque s’est promis qu’on ne l’y reprendrait plus. Le parti Équipe Bourque/Vision Montréal a trouvé le système de financement idéal: chaque candidat doit verser une contribution personnelle de 1000 dollars à la caisse du parti, accompagnée d’une caution bancaire de 10 000 dollars, afin de pouvoir porter la bannière Vision Montréal.

(Si le pouvoir vous intéresse, il y a un poste de premier ministre actuellement disponible à Québec et il n’en coûte rien, sauf un maigre cinq dollars, pour poser sa candidature.)

De cette manière, le parti récoltera à peu près un million de dollars. Pour financer le reste de la campagne électorale, comme l’a dit Pierre Bourque, il suffira d’organiser "un souper-bénéfice et quelques soirées spaghetti", et l’affaire sera ketchup. Fini, les épuisantes campagnes de souscriptions par téléphone et les éreintantes tournées de porte-à-porte!

En soi, la pratique n’est pas inédite. Des candidats indépendants ou de petits partis incapables d’organiser de grandes campagnes de financement empruntent régulièrement auprès de leur Caisse pop pour régler les factures de leur campagne.

C’est normal: une grande société finance ses projets en faisant appel à la Bourse; le dépanneur emprunte à la banque. Le tycoon paie sa nouvelle demeure en vendant quelques titres de son portefeuille boursier; l’ouvrier emprunte à la banque pour rénover sa galerie. Le gros lance un appel public, le petit hypothèque sa maison. C’est le principe.

Ce n’est pas nouveau, mais ce qui l’est, c’est qu’un grand parti l’adopte comme mécanique de financement. Pierre Bourque, tel le président du conseil d’une grande société à capital ouvert, exige que les investissements de la société soient désormais financés à même les poches des petits actionnaires.

Le maire a affirmé que ça assurait à son parti un financement à l’abri de toute influence.

Ou bien le maire est naïf et facile à mystifier, ou bien il est encore plus tordu qu’on ne le croyait. Car Pierre Bourque se place ainsi en aval, en se déresponsabilisant de la source: "C’est propre, ça vient de la banque."

Oui, mais en amont de la banque? N’importe qui peut obtenir une garantie de 10 000 dollars à la banque, assure le maire. Vraiment?

Si la banque refuse votre demande, dit le maire, vous pouvez être endossé par quelqu’un d’autre. Évidemment, aucune règle n’édictera le profil de ce "quelqu’un d’autre", et, le cas échéant, il serait impossible de contrôler quoi que ce soit, secret bancaire oblige.

Équipe Bourque/Vision Montréal confond transparence et invisibilité.

L’avènement
L’avez-vous vue? Cette chose grandiose dont on nous promet qu’elle révolutionnera nos vies, mais qui tarde à se montrer le bout de la fraise?

Non, je ne parle pas de la machine à téléporter. Je parle du parti qui s’opposera à Pierre Bourque et dont la banlieue nous a promis son avènement pour hier. C’est qu’il y a du grenouillage pour lui trouver le chef idéal.

Mais le mode de sélection du chef achoppe aussi. Certains veulent une course à la direction, d’autres ne jurent que par le couronnement.

Difficile de faire consensus autour d’une candidature quand il n’y a pas consensus sur la façon d’atteindre ledit consensus. Imaginez ce que ce sera lors de la rédaction de la plate-forme électorale…

Arrêtez de nous faire languir! On le sait que ce sera Gérald Tremblay. Maintenir l’espoir d’une course pour les autres prétendants, c’est pratiquer l’acharnement thérapeutique.

Comme on le dit en ces circonstances: le sort en est jeté, et balancez-moi tout ça aux lions, qu’on en finisse.

Tout se fait derrière des portes closes, dans les restos chics; on se troque le scotch, tu me grattes le dos pis j’attends de voir si ça fait effet.

C’est tout de même divertissant d’entendre les maires de la banlieue s’égosiller sur les beaux principes de la démocratie et de l’action plébéienne, quand la création de leur parti et le choix de son chef sont dignes des meilleures intrigues de palais d’un quelconque sultanat du Moyen-Orient.

Et ce n’est pas terminé. Puisque ce parti, qui n’a ni nom ni chef ni candidats ni programme, devra disposer d’ici quelques semaines d’au moins un million de dollars. Comment? En cautions bancaires?

Sortez le balai
Tous ces amuse-gueule préélectoraux démontrent bien que la démocratie municipale a grand besoin d’être disciplinée.

Pour ça, la loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, doit être resserrée. Malheureusement, elle ne l’est pas et ne le sera pas avant le printemps prochain. Et d’ici à ce que les modifications entrent en vigueur, il y a des chances que la nouvelle ville de Montréal ait déjà un maire.

Pire: rien ne nous assure qu’on fera le grand ménage dans la loi actuelle. Il pourrait ne s’agir que d’un coup de plumeau sur la commode du salon, puisque ce sont les maires qui assistent la ministre Louise Harel dans la révision de la loi.

On n’est jamais si bien servi que par soi-même…