Nakednews.com : Les dessous de l'information
Société

Nakednews.com : Les dessous de l’information

5,6 millions de voyeurs fréquentent quotidiennement Nakednews.com, un site où quatre jeunes femmes présentent un bulletin de nouvelles sérieux et complet, tout en jouant les effeuilleuses. Peut-on concilier information et sexe? Nous avons rencontré l’une des présentatrices de l’émission, particulièrement populaire au Québec.

Vous désirez prendre un petit congé de Stéphan Bureau? Simon Durivage vous ennuie un brin? Vous réservez vos commentaires sur Jean-Luc Mongrain? Vous voulez tout de même vous informer… un peu, tout en vous distrayant et en libérant le voyeur en vous? Eh bien Nakednews, un nouveau site Internet d’information pour le moins original, a peut-être ce que vous recherchez. Son leitmotiv "The program with nothing to hide" fait foi de tout. Parce que ses présentatrices de nouvelles, Carmen, Holly, Victoria et Diane, ont cette particularité qu’elles font lecture des événements de la journée au même rythme qu’elles retirent leurs vêtements. Au menu: bulletins nationaux, internationaux et sportifs, sans oublier la météo et les affaires. Et qui sait, peut-être aurez-vous enfin accès aux véritables dessous de l’information?

La foi
Le très volubile Torontois Elliot Shulman est le producteur de Nakednews, une création de la compagnie E Galaxy Multimedia. Il a été engagé pour développer le concept au Canada; le site est en fonction depuis le 28 décembre 1999.

Votre site est-il très achalandé?
"Au début, nous avions environ 6 000 visiteurs par jour. Mais nous sommes en progression constante et, pour le mois de janvier 2001, nous en étions à 5,6 millions de personnes, un chiffre stupéfiant!"

À ce jour, quelle est la réaction du public?
"Unanimement élogieux! Le public nous a reçus à bras ouverts, la réaction des Québécois fut incroyable! Et il y a de bonnes raisons à ça, je crois que ce que nous offrons, au-delà de femmes très séduisantes, ce sont des bulletins de nouvelles très diversifiés qu’on ne peut retrouver ailleurs. Évidemment, nous offrons des nouvelles dures et tragiques, mais nous offrons aussi des nouvelles plus amusantes et bizarres. Vous savez, la condition humaine n’est pas seulement tragique, on essaie donc de glorifier le meilleur sans oublier de porter attention au pire."

Quel public visez-vous?
"Au départ, nous nous adressons aux 18 ans et plus. Notre auditoire se compose d’hommes à 65 % et est de plus en plus large et varié; on a également beaucoup de gens plus âgés. On reçoit aussi parfois plus de 1 000 courriels par jour de gens nous faisant part de leurs impressions et nous disant qu’ils ont cessé de regarder les nouvelles télévisées pour se tourner vers nous."

Vous considérez-vous davantage comme un site de divertissement ou d’information?
"Nous sommes les deux à la fois, on doit jumeler les deux si on veut que les gens soient fidèles; on doit aussi offrir du contenu."

Est-ce que votre contenu est comparable à celui des stations de télévision?
"Euh… dans l’ensemble, cela se rapproche, mais on a une solide équipe de quatre recherchistes qui font du bon boulot. Notre avantage est que l’on peut offrir des nouvelles que n’offrent pas certains réseaux américains, par exemple des nouvelles de l’Afghanistan à cause des tensions entre les Taliban et le gouvernement américain. On a le privilège de pouvoir offrir plus d’information, sans censure."

Croyez-vous que des stations de télévision pourraient être tentées par le concept?
"Pourquoi pas! Mais je crois que nous sommes les seuls à pouvoir mener à bien ce type de projet. C’est d’ailleurs une de nos ambitions, on a une formule gagnante, une solide équipe et on connaît le public. En fait, en ce moment, ce que l’on fait, c’est de la télévision sur le Web, comme CBC, en vendant de la publicité."

Avez-vous d’autres projets? Envisagez-vous, par exemple, d’engager des hommes pour élargir votre auditoire?
"Bien sûr! C’est à l’ordre des priorités, on commence les entrevues en ce moment. On est pour l’égalité des sexes et on désire diversifier notre présentation. On veut plus de femmes également. Une programmation continue est aussi envisagée. Mais la télévision demeure un grand rêve. J’ai une question pour vous: si vous aviez le choix entre Dan Rather ou Carmen, Holly, Victoria et Diane, qui est-ce que vous regarderiez à la télé? Je suis sûr que vous nous choisiriez, c’est bien évident! La télévision et les affaires fonctionnent toujours avec un principe de base: satisfaire le public et le commanditaire. Je suis donc convaincu que les gens embarqueraient, je voudrais importer ici, en Amérique du Nord, la notion européenne de nudité. Vous savez bien qu’au Québec, mais surtout en Europe, les gens ne sont pas choqués par la nudité. Je suis allé récemment à Hollywood pour la première fois, mon Dieu qu’ils sont différents des Canadiens, qu’ils sont prudes et rigides! Ils devraient reconnaître que la nudité est une très belle chose. Bref, on est très fier et on veut continuer à aller de l’avant."

Notre effeuilleuse de l’information, Carmen Russo, moins loquace et plus réservée que son collègue, semblait cependant animée de la même flamme pour la cause à défendre.

Qu’est-ce qui vous a attirée vers ce travail de présentatrice?
"Je cherchais quelque chose d’excitant, de nouveau et avec des défis. Mais surtout, c’était pour moi une façon de poser un geste politique en faveur de la nudité et de la liberté d’expression, prouver que l’on a le droit de faire ce qu’on l’on veut de son corps. Faire en sorte d’implanter en Amérique du Nord la conception européenne de la nudité."

Aviez-vous déjà travaillé en information?
"J’ai été actrice et mannequin, j’ai fait des publicités et des apparitions dans des films."

Aviez-vous déjà fait des stip-teases auparavant?
"Oh non! Jamais ça, je n’ai jamais fait ça."

Quelles sont les réactions du public à votre endroit?
"Je n’en ai pas de personnelles, on ne me reconnaît pas. J’ai par contre beaucoup de commentaires positifs de mes amis et de ma famille."

Feriez-vous le même travail à la télévision?
"Oui, bien sûr. Je suis très ouverte à cela."

Vous aimez votre travail?
"Oh oui, on s’amuse beaucoup et on est très satisfait de la réaction du public et des médias, merci beaucoup. J’aimerais faire ce travail longtemps."

Le doute
Les deux pieds sur terre, Claude Cossette, professeur titulaire au département d’information et de communication de l’Université Laval et spécialiste du rôle de l’image sur Internet, appose un bémol à cet enthousiasme débordant. Selon lui, le site Nakednews "est un peu populo, mais il semble y avoir un minimum d’investissement et l’allure générale est relativement professionnelle".

Compte tenu des présentatrices et de la "chorégraphie", est-ce davantage un site d’information ou de divertissement?
"Oh c’est un site de divertissement ! Si je veux de l’information, c’est pas là que je vais aller. C’est aussi un site appelé à disparaître à courte échéance, ça va stimuler les visites parce que c’est la première fois qu’on en parle et que c’est sensationnaliste. À moins que ça commence à baiser ensemble et que ça devienne complètement pornographique… peut-être."

Information et nudité sont-elles compatibles?
"Ben… j’ai été surpris de voir à quel point c’est compatible d’une certaine façon, mais la clientèle visée, c’est des jeunes de 20 ans, tous les annonceurs sont des sites pornographiques et sportifs, visant les jeunes."

Est-ce que des stations de télé pourraient être tentées par le concept de Nakednews?
"Oh non! C’est trop accessoire, ça se périmerait trop vite."

Donc on ne risque pas de voir, disons, Michelle Viroly en tenue d’Ève au Téléjournal?
"Pas cette année en tout cas, mais c’est possible que… ce ne serait pas Michelle Viroly, mais on pourra montrer, comme on l’a vu à TQS, des scènes de baise en direct sous le couvert du reportage, comme on le voit de plus en plus dans les téléromans. On va aller de plus en plus loin vers la nudité, les réseaux de télé sont eux aussi condamnés à devenir de plus en plus sensationnalistes."

Internet a bouleversé le monde des communications, deviendrait-il maintenant un banc d’essai pour tous les projets?
"Oui, parce qu’Internet permet à n’importe qui ayant une idée de la mettre en place à un prix ridicule. Il y a beaucoup de projets qui démarrent là et qui nécessitent une programmation de base, tu peux te donner une image qui a de l’allure pour pas cher. Ces concepts n’auraient pu être mis en place ailleurs. Mais le plus important, et ce qui fait la particularité d’Internet, c’est qu’il est le premier médium de masse accessible à un individu. Avant, les médiums étaient gérés par des entreprises. C’est pourquoi il y a très peu de censure. On t’offrira, à l’extrême, d’égorger une jeune pucelle en direct, etc. En fait, Internet, c’est l’humanité dans son entièreté, dans toutes ses facettes."