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Nouveaux médias : La mort en direct
Carlos Soldevila
Le Net et les reality shows font bon ménage. Depuis qu’une fille de 23 ans, du nom de Jenni, a donné des leçons d’érotisme sur le Net via sa webcam il y a quelques années, on n’en finit plus de vouloir nous montrer l’intimité des plus illustres nobodies du monde entier: mariages et accouchements en direct, la tonte du poil d’un chien, mais aussi, bien sûr, baise et fellation.
Et quand Joe Arpaio, de Phoenix, en Arizona, le "shérif le plus dur des États-Unis", a décidé de mettre des webcams dans ses prisons (www.mcso.org) pour que le monde puisse épier ses prisonniers, on a compris que les choses commençaient réellement à déraper. Et c’est justement dans le Sud des États-Unis que le prochain écueil risque d’être franchi: celui de l’exécution en direct sur le Web de Timothy McVeigh, condamné à mort pour l’attentat à la bombe qui a fait 168 morts dans un bâtiment fédéral d’Oklahoma City en avril 1995.
Au lieu de sombrer dans l’oubli, Timothy McVeigh aura réussi à attirer l’attention des médias depuis qu’il a fait la demande formelle d’être exécuté en direct à la télévision. Une requête qui, à première vue, est restée lettre morte, puisque aucune chaîne ne semble avoir manifesté l’intention de procéder à la première diffusion télévisuelle d’une exécution.
Mais McVeigh, dont la mort est prévue pour le 16 mai prochain, c’est du bonbon pour le Net; et surtout pour l’ENI (Entertainent Network Inc.) de Tampa Bay, en Floride, créateur controversé de Voyeurdorm.com, un site qui permet d’avoir accès à l’intimité d’une résidence pour jeunes étudiantes par l’entremise de nombreuses webcams.
ENI, qui a d’ailleurs poursuivi CBS cet été pour avoir copié le concept de l’émission Big Brother, a fait parvenir une demande aux autorités carcérales fédérales pour pouvoir diffuser en direct l’exécution de Timothy McVeigh sur un site payant. Après tout, payer 1,95 $ pour voir l’injection fatale de McVeigh, c’est payer moins cher que pour un combat de championnat du monde de boxe à la télé payante… "McVeigh a demandé à ce que son exécution soit diffusée, a déclaré David Marshlack, président d’ENI. Et nous croyons que cette requête a un certain mérite; c’est toute une nation qui désire mettre un terme à ce terrible événement."
Charité morbide
Plein de bonne volonté (sic), le président d’ENI, qui a déjà offert à O.J. Simpson de pouvoir "chatter" directement avec les internautes, sans médiateur, sur un de ses sites (askoj.com), entend cette fois remettre les fonds obtenus par la diffusion de l’exécution de McVeigh aux familles des victimes. Après les soupers-bénéfice, les tournois de bowling pour financer les Scouts et les bingos pour remplir les coffres de votre paroisse, voici donc venu le temps des mises à mort en direct pour une bonne cause!
Malgré le ridicule de cette affaire, n’empêche que la diffusion possible de l’exécution a suscité un véritable débat aux États-Unis. Les uns prétendent que cela va montrer, enfin, le sale côté de la chose, sensibilisant par le fait même l’Américain moyen aux mouvements contre la peine de mort. Pour d’autres, il s’agit d’un droit du public américain, une façon de lutter contre le crime. Pour certains, ce n’est qu’un événement de plus pour désensibiliser l’Amérique: selon un psy américain, "les images de meurtres que l’on voit à la télé et au cinéma sont de plus en plus associées avec le divertissement, le plaisir, votre boisson gazeuse et votre tablette de chocolat préférées".
"On a dit que tout Oklahoma et les États-Unis avaient été victimes de l’attentat, écrivait Timothy McVeigh dans une lettre publiée dans un quotidien américain. Pourquoi est-ce que toute la population d’Oklahoma et du pays ne pourrait-elle donc pas voir mon exécution?"
Un p’tit pop-corn avec ça?
Cyberbabe Expo
Question de faire mousser encore davantage le phénomène des webcams, et de la pornographie sur le Net, l’Amérique s’apprête à recevoir, dès le 16 mars, à Los Angeles, le deuxième Congrès annuel pour les modèles féminins d’Internet (www.cyberbabeexpo.com). On y annonce la présence des plus célèbres modèles du Net et, bien entendu, le couronnement en direct de Miss Cyberbabe 2001. Dix heureux gagnants pourront même recevoir une photo autographiée de Miss Cyberbabe 2001! Comme quoi on a le Net qu’on mérite.
Rendez-vous Montréal-Marseille
Le problème, ce ne sont pas les webcams, mais ce qu’on en fait. Et heureusement, les bonnes idées ne manquent pas. C’est le cas du projet Rendez-vous Montréal-Marseille, qui sera installé du 2 mars au 31 octobre, entre le Webbar de Marseille et la Société des arts technologiques de Montréal. Selon Monique Savoie, la directrice générale de la SAT, "il s’agit d’une proposition intimiste, la première étape d’une série de cafés du monde reliés en temps réel par des webcams". Vous pourrez donc, pour commencer, prendre rendez-vous (et boire un café à Montréal et un pastis à Marseille) avec les clients du Webbar. Paris devrait suivre sous peu.
Pour le lancement du projet, la SAT propose une soirée intitulée Internet en tête 2001 regroupant les créateurs, les chercheurs et les industriels du domaine des technologies, "pour relancer la volonté commune de créer des ponts entre l’art et l’industrie en favorisant le maillage entre ces communautés".
Internet en tête 2001, le vendredi 2 mars dès 17 h. À la SAT, au 305, rue Ste-Catherine Ouest.