Droit de cité : Montréal n'a rien à dire
Société

Droit de cité : Montréal n’a rien à dire

Montréal n’a pas eu un mot à dire sur le réarrangement de la rue Notre-Dame. Au mieux, le dieu de la "gorrnotte", pour reprendre l’accent et le vocabulaire de truck stop du ministre des Transports, Guy Chevrette, lui a demandé son avis, qu’il prendra en considération si cela sied bien.

Le projet est important en termes financiers – 280 millions de dollars -, mais aussi pour la qualité de vie des résidants de tout le Sud-Est de Montréal. Cela fait des décennies qu’on leur promet la fin de leur calvaire jonché de bruit, de poussière, d’ozone au sol, qu’ils sont barricadés derrière une frontière infranchissable entre eux et le fleuve.

Montréal n’a jamais eu un mot à dire sur le développement de son infrastructure routière. À cet égard, l’argent et le pouvoir sont à Québec. Jamais les Montréalais n’ont pu décider eux-mêmes si une rue de leur ville pouvait devenir un prolongement de l’autoroute Ville-Marie. Pendant des décennies, les différents ministres des Transports l’ont voulu ainsi, et se sont gardé le mot de la fin.

De sa main droite, le King de la "gorrnotte" promet aux résidants d’Hochelaga-Maisonneuve le bonheur dans le pré avec la nouvelle rue Notre-Dame. Mais de la main gauche, il promet aussi un nouveau pont aux résidants de la Rive-Sud, qui aboutira… dans Hochelaga-Maisonneuve! Montréal n’aura pas un mot à dire sur cette idée, insensée et ruineuse, de jeter un nouveau pont entre son centre et la toujours plus éloignée banlieue, qui annulerait les effets positifs du réaménagement de la rue Notre-Dame.

Si Montréal avait le contrôle sur son destin autoroutier, il y a longtemps qu’on ne transiterait plus par la rue Notre-Dame pour convoyer des croustilles fabriquées à Québec et destinées à l’Ontario. Il y a longtemps qu’elle aurait cessé d’encourager ses habitants à la quitter pour la Rive-Sud ou la Rive-Nord, en leur déroulant des ponts d’or et des voies royales, dont les seuls bénéficiaires auront été les Beaver Asphalte, les promoteurs du bungalow en brique rose et les vendeurs de "gorrnotte".

Montréal n’aura pas plus son mot à dire sur le soixante-dixième plan de sauvetage de l’industrie des courses de chevaux, qui, bizarrement, passe par des machines de loteries vidéo. Des milliers de plus, faisant du vieux Blue Bonnets un second casino en plein quartier résidentiel. Un casino pour les pauvres: pas besoin de classe, surtout pas de vêtements chics pour entrer dans cette caverne d’Ali Baba de la cupidité et du racket étatisé. Parce que les loteries vidéo et les machines à sous, plus encore que les casinos et les gratteux, sont un véritable danger public. Or, Montréal n’a rien à dire sur l’installation, en son centre, d’une barbote gouvernementale, comme si elle était de l’intérêt général de la nation. Et qu’une seule partie de cette nation ne pouvait priver le pays de cet outil indispensable pour des raisons bêtement égoïstes.

Comme Montréal n’a rien à dire sur le développement de ses aéroports. Voilà-t-y pas qu’Aéroports de Montréal, le gestionnaire des installations aéroportuaires répondant aux diktats d’Ottawa, envisage d’ouvrir un troisième terminal, à Saint-Hubert. Un troisième aéroport, dans une ville qui arrive à peine à remplir quelques avions par jour. Pourquoi, et surtout, au profit de qui? Certainement pas de Montréal, puisqu’elle n’a rien à dire.

Quant au port, Montréal n’a qu’un pouvoir de suggestion, moins efficace que celui d’un hypnotiseur, au sujet de son développement et surtout, des limites de ce développement.

Montréal n’a rien à dire sur le déploiement de son réseau de transports en commun. C’est ainsi qu’il y aura un métro à Laval et trois autres stations sur la Rive-Sud, même si c’est au détriment de Montréal. Même si les besoins sont trois plus criants sur l’île qu’à l’extérieur.

Montréal n’a pas l’initiative de son développement économique. Encore une fois, l’argent et le pouvoir sont entre les mains de fonctionnaires à Québec et à Ottawa. La Cité du multimédia, ça vient de Québec. Au plus, a-t-on demandé à Montréal de gérer les bécosses, c’est-à-dire la gestion des immeubles. La Cité du commerce électronique? Une autre bonne idée coulée dans le moule du modèle québécois – du béton, des lampions et une bonne pelotée de subventions – dont Montréal n’aura qu’à assumer seule une éventuelle crise de l’immobilier en cas de pépin.

Montréal n’aura plus de grande bibliothèque. Ce sera celle de Québec désormais. Montréal n’a eu qu’à présenter son offrande à la mère patrie.

Vive Montréal libre!
Les libéraux de Jean Charest défendent l’autonomie des petites villes de l’île. Mais jamais nous ne les entendons réclamer l’autonomie de Montréal. Ce Montréal qui dépasse largement les frontières du fief Bourque et les rives de son archipel. Normal, les amis de Charest n’attendent que leur tour pour en prendre le contrôle.

Gérald Tremblay et Vera Danyluk promettront dans la prochaine campagne l’autonomie des arrondissements. Comme si Montréal n’était rien d’autre qu’une courtepointe de quartiers! Pierre Bourque lui, soutiendra l’autonomie de son cabinet, trop redevable face à Québec pour le sauvetage de son administration.

À quand l’autonomie de Montréal?