Boisé des Compagnons-de-Cartier : La coupe aux lèvres
Société

Boisé des Compagnons-de-Cartier : La coupe aux lèvres

La Commission scolaire des Découvreurs, prise avec un manque de ressources financières, tente de vendre le boisé des Compagnons-de-Cartier, une décision qui est loin de faire l’unanimité et qui est devenue l’objet d’un important  débat.

La Commission scolaire des Découvreurs, la CSD, a besoin d’argent. L’édifice qui abrite son siège social, sis au 945 rue Wolfe, est mal en point et il semble que seule la vente du boisé des Compagnons-de-Cartier, qui est sa propriété, pourrait lui permettre de mener à bien son entreprise. Inoccupé aux deux tiers depuis le départ de l’École nationale d’administration publique, l’édifice, une fois rénové, serait appelé à héberger deux nouveaux organismes: le Centre de formation professionnelle Maurice-Barbeau, ainsi qu’un autre locataire qui reste à déterminer. "C’est une bâtisse qui exige des travaux énormes de rénovation pour la mettre aux normes des années 2000, explique Claude Gélinas, président du conseil des commissaires. Ce sont des dépenses qui approchent de 10 à 11 millions de dollars. On a déjà reçu quatre millions en subventions pour le centre Maurice-Barbeau et un autre trois à quatre millions va nous venir du deuxième partenaire. Il va rester la partie de la Commission." La vente du boisé, évalué à 3,5 millions de dollars, viendrait compléter le tableau. C’est pourquoi la CSD a cru bon de mettre en vente 100 000 m2 des 126 000 m2 du boisé afin de financer une partie de ses dépenses, et de demander l’autorisation au ministère de l’Éducation pour vendre les 26 000 m2 restants.

Du bois au béton
Pour Réjean Bernier, président des Amis des boisés de Sainte-Foy, la démarche de la CSD est d’autant plus discutable qu’en 1993, la commission avait vendu 30 % du boisé à un promoteur immobilier et avait demandé à la Ville de Sainte-Foy de changer le zonage du boisé afin de mieux le protéger, ce qui n’a pas eu lieu. "Ça donne un total de 12 millions pour rénover un édifice qui est évalué à peu près à quatre millions, ce qui est un non-sens, explique-t-il. Si l’école professionnelle peut avoir une subvention, on peut en construire une nouvelle ou l’établir ailleurs, parce que la Commission a des locaux vides comme l’école Saint-Thomas-d’Aquin. De plus, il semblerait que les rénovations de la bâtisse vont dépasser les prévisions, parce que l’évaluation a été très serrée."

"On a étudié toutes les options; la plus économique et la plus réaliste dans les circonstances, c’était de rénover cet édifice-là pour que l’on puisse y loger notre centre de formation professionnelle, notre centre administratif, et avoir des dispositions pour un troisième locataire", rétorque M. Gélinas. Selon le président du conseil des commissaires, la meilleure solution serait celle qu’il avait mise de l’avant avec la Ville de Sainte-Foy, mais qui a finalement échoué avec l’adoption du projet de loi sur les fusions municipales: vendre le boisé à la Ville, construire des résidences aux extrémités et transformer le centre du boisé en parc urbain. Or cette solution ne satisfait pas non plus les exigences des Amis des boisés qui désirent conserver le boisé tel qu’il est, car il représente un écosystème en soi et peut être considéré comme forêt avec sa quarantaine d’espèces d’arbres et ses chênes rouges, une espèce qui est en voie de disparition dans la ville en raison du développement résidentiel.

Conscience collective
"C’est une question d’éthique et de conscience collective et c’est ça qui manque dans notre société, croit pour sa part Claude Lemieux, président du Comité de protection de l’environnement de l’ouest de Québec. On a des raisons esthétiques, biologiques et historiques pour agir. Il n’est pas question de vendre un bien que l’on estime appartenir à la communauté, qui a des centaines d’années d’âge, qui est dans un milieu urbain, qui est unique, pour acheter du plastique, du placoplâtre, du bois, des fils électriques qui vont durer 20 ans, alors que la clientèle est en baisse. La solution est d’en faire une forêt urbaine avec une histoire, une accessibilité, et qui va répondre à un certain nombre de critères plus ou moins d’ordre didactique."

L’adoption du projet de loi sur les fusions municipales a quelque peu changé les acteurs du débat. La mairesse Boucher a décidé de se retirer du dossier et le comité de transition de la nouvelle Ville, ainsi que certains des éventuels candidats à la nouvelle Ville de Québec, ont été approchés. Ainsi, M. Gélinas, convaincu que son projet de vente, qui permettrait de conserver le coeur du boisé, est le meilleur, a commencé à solliciter le comité de transition. "Ce projet-là, on y croit, insiste-t-il. On est certain que c’est la meilleure solution et celle qui devrait être retenue par la future Ville."

Messieurs Lemieux et Bernier ont fait de même, d’abord du côté de la Commission de la capitale nationale, qui, selon leurs dires, paraît intéressée, mais ne veut pas trop se mouiller, et du côté du maire L’Allier, qui leur a donné son appui dans l’éventualité où le dossier lui reviendrait après la création de la nouvelle Ville de Québec. Entre-temps, rien n’est réglé et M. Bernier croit que la meilleure façon de procéder serait que la Commission de la capitale nationale adopte un décret pour créer une réserve publique. "Ainsi, toute spéculation serait impossible sur le terrain pendant une certaine période de temps. Ce qui nous donnerait du temps pour que l’on trouve le moyen de sauvegarder le boisé."