Le défenseur de Dave Hilton : L'avocat du diable
Société

Le défenseur de Dave Hilton : L’avocat du diable

Lorsque Dave Hilton lui a demandé de le défendre en cour, l’avocat PAUL SKOLNIK n’a pas hésité une seconde. "C’est juste une business", explique-t-il. Il faut dire que le procureur a l’habitude: il a défendu plusieurs personnages peu recommandables. Ce qui ne l’a pas empêché de recevoir la bénédiction du pape…

"How could you represent a piece of shit like Hilton?"

La question a fait sourire Me Paul Skolnik, l’avocat du célèbre boxeur. Certes, les accusations d’abus sexuels sur des mineures contre son client n’en faisaient déjà pas une affaire sexy. Encore moins depuis qu’il a été trouvé coupable. Mais l’homme de loi a l’habitude des causes impopulaires.

"Pour moi, c’est juste une business. Sinon, on ne défendrait plus jamais les criminels. Il faut se mettre dans la tête que le gars mérite une défense, nonobstant ce qu’il est, nonobstant ce qu’il a fait", rétorque le juriste avec cet accent anglais si souvent entendu sur les ondes au cours des dernières semaines.

De toute façon, ajoute-t-il, un avocat n’a pas besoin d’être convaincu de l’innocence de son client pour le défendre. "C’est au juge de décider." Il raconte, avec un demi-sourire, l’histoire d’un de ses clients, arrêté dans la rue avec, à la main, un sac de sport lourd de cinq kilos de coke. Il l’a fait acquitter. Et ça ne lui pose aucun problème de conscience. "C’était à la couronne de prouver que le gars savait qu’il y avait de la coke dans son sac. Ce n’est pas à moi de juger."

Aussi, quand Dave Hilton est finalement venu le trouver – Me Skolnik est le quatrième avocat à prendre en charge le dossier -, il n’a pas hésité. Il ne lui a même jamais demandé s’il était vraiment innocent. "J’ai accepté ce qu’il m’a dit, c’est tout." Malgré sa mauvaise réputation, Hilton s’est avéré un excellent client. "Si je lui donnais rendez-vous à 15 h, il était toujours là, jamais en retard. Si je lui demandais d’apporter des documents, il les avait. On avait une bonne collaboration."

Présumé coupable
Bien campé dans son fauteuil, l’oeil amusé, Paul Skolnik parle de la saga Hilton sans amertume, en dépit du traitement réservé par certains médias à son client. "Le Réseau des sports a empêché, juste avant l’heure prévue, la rediffusion d’un combat de Hilton. Pourquoi? Où est la présomption d’innocence?" Des journalistes l’ont aussi écorché personnellement au passage. Il évoque la chronique de Jack Todd, dans The Gazette, où figurent deux colonnes: Heroes et Zeros. "Sous zéros, il y avait mon nom. Parce que je défendais Dave Hilton, j’imagine. Mais en général, je ne sentais pas que les médias étaient contre moi, mais contre mon client."

Il sort un dossier où s’empilent pêle-mêle des dizaines d’articles de journaux. La revue de presse commence: Hilton, un dépravé, ou encore Dave Hilton, champion des agressions sexuelles?. Selon le procureur, ces manchettes, tirées du Journal de Montréal, sont à la limite de la faute éthique, même s’il n’a jamais songé à porter plainte. "Quant à moi, ils peuvent dire ce qu’ils veulent", lance-t-il en repoussant les coupures. S’il a collectionné religieusement tout ce qui s’est écrit sur ce procès retentissant, c’est par ambition littéraire. "Un jour, je pense que je vais écrire un livre là-dessus. Et ce sera bon d’avoir des points de vue extérieurs", explique-t-il en refermant le dossier.

L’avidité des journalistes et du public a d’ailleurs surpris le vieux routier du droit criminel. "En 25 ans d’expérience, je n’ai jamais vu autant de pression médiatique qu’avec Hilton. Habituellement, ça dure une journée ou deux, puis le monde oublie. Mais là, il y avait chaque jour 24 journalistes dans la salle, huit caméras qui attendaient dehors, et cinq ou six photographes."

Des clients notoires
Pourtant, ces gros titres ne sont pas ses premiers. Sur les murs de son bureau, entre des photos de Maurice Richard, de grands joueurs de base-ball, et de lui-même en tenue de karaté, une douzaine d’articles laminés témoignent des remous soulevés par ses anciens clients. Une fierté? Il hésite. "Non. Je ne le fais pas pour la publicité. Le lendemain, les gens ont oublié, anyway."

Il a défendu Gilles Daudelin, l’avocat du chef des Hell’s Angels, Maurice Boucher. Daudelin était accusé de complot dans le meurtre d’un agent immobilier. Skolnik sort une page de journal le montrant en train de festoyer avec ses clients au restaurant. "Cette cause-là, je l’ai gagnée." Ça n’a pas toujours été le cas: une grande photo de billets de banque – la seule en couleur – lui rappelle sa première cause de narcotrafic. "La police avait saisi pour 1,4 million de dollars de drogue. Cette fois-là, mon client a été trouvé coupable."

Il avoue avoir fait beaucoup de cas de stupéfiants. "Mais j’ai aussi défendu un juge, un vice-président de banque, pas seulement des bandits. Pour moi, ça ne fait pas de différence." Ses cas de conscience, il les trouve ailleurs.

En Thaïlande, par exemple. "Deux de mes clients étaient condamnés à mort là-bas pour trafic de drogue. J’ai pris l’initiative de les défendre, sans jamais être payé. Ça, c’était un problème de conscience. Si je ne l’avais pas fait, j’aurais eu des remords." La diplomatie canadienne refusait de s’en mêler. Il a écrit au pape, espérant que ce dernier aurait à tout le moins une influence morale. Le souverain pontife est intervenu, sans succès. Finalement, en sollicitant l’aide du premier ministre canadien de l’époque, Brian Mulroney, Paul Skolnik a obtenu la libération des deux hommes. Mais c’est la réponse du secrétaire du Vatican qui, depuis, trône sur le mur derrière son fauteuil, dûment laminée. Il la décroche et suit la dernière ligne du doigt. "His Holiness takes this opportunity to bestow his blessings upon you, lit-il. La bénédiction du pape! Ça, je garde ça dans mon coeur."

C’est aussi sa conscience qui lui a soufflé de refuser de défendre un criminel de la Deuxième Guerre mondiale. Le front plissé, Skolnik se fait tout à coup très sérieux. "Je n’ai pas voulu parce que je suis juif. Ça m’aurait vraiment posé problème."

Et si on lui avait demandé de défendre Maurice Boucher? Qu’aurait dit sa conscience? Le sourire amusé réapparaît. "Why not? Mais il ne m’a pas demandé. Il a déjà une très bonne escouade."