Médias : Concentration de mauvais goût
Société

Médias : Concentration de mauvais goût

Mardi matin dernier, dans un kiosque à journaux du centre-ville, j’aperçois la première page du Journal de Montréal. Haut-le-coeur instantané. Au lendemain de la mort tragique d’un petit garçon de trois ans; qui s’est noyé dans les eux glacées de la rivière Saint-Esprit, le quotidien offre en spectacle à ses lecteurs la photo de la mère  éplorée.

Mardi matin dernier, dans un kiosque à journaux du centre-ville, j’aperçois la première page du Journal de Montréal. Haut-le-coeur instantané. Au lendemain de la mort tragique d’un petit garçon de trois ans; qui s’est noyé dans les eux glacées de la rivière Saint-Esprit, le quotidien offre en spectacle à ses lecteurs la photo de la mère éplorée. Assise sur la banquette arrière d’une voiture, le front appuyé contre la fenêtre, la mère a le visage décomposé, tordu de douleur. Au nom de quel grand principe journalistique les dirigeants du Journal ont-ils décidé de publier cette photo, je l’ignore. À dire franchement, je n’ai même pas le goût de leur poser la question. Je me demande simplement comment on peut faire une job aussi sale, rentrer chez soi, embrasser ses enfants et aller se coucher tranquillement comme si de rien n’était. Avait-on vraiment besoin d’une photo pour comprendre la douleur de cette femme? La réponse me semble évidente.

Depuis quelques mois, comme si c’était possible, Le Journal de Montréal redouble d’ardeur dans le domaine du scabreux et du mauvais goût. Pendant le procès du couple Krafft, accusé d’avoir négligé leur poupon, mort à l’âge de deux mois et demi, le quotidien s’est empressé de publier (sur plusieurs colonnes, s’il vous plaît) la photo du cadavre squelettique d’un bébé. Récemment, on a également pu voir la photo d’un policier français qui venait de perdre une partie de son bras à la suite de l’explosion d’une bombe, lors d’une manifestation. Une belle photo couleur d’un homme hurlant sa douleur et tenant dans ses mains le bout de bras manquant. De l’information avec un grand I.

Il semble que le sensationnalisme n’ait pas de limites au 4545 de la rue Frontenac.

Dommage car Le Journal de Montréal ne se limite pas à cela. Il compte quelques bons chroniqueurs, dont l’analyste politique Michel C. Auger, ainsi qu’une excellente section économique.

Mais les patrons du Journal misent-ils là-dessus? No way. Leur fonds de commerce, c’est la détresse et le désespoir des gens. Plus c’est laid, plus ça vend de la copie.

Pas surprenant que l’emprise de Quebecor sur les médias québécois fasse frissonner tant de gens. Depuis lundi dernier, le président de Quebecor, Pierre-Karl Péladeau, et sa suite participent aux audiences du CRTC sur l’achat de Vidéotron.

Parmi les nombreuses questions que soulève cette transaction, le principe d’étanchéité entre les différentes salles de nouvelles des composantes de l’empire Quebecor Media.

Peut-on être assuré que les salles de nouvelles de TVA et du Journal de Montréal resteront indépendantes? Que la promotion croisée ne se fera pas aux dépens de la liberté de presse? Que le journal ne deviendra pas le véhicule publicitaire de TVA et vice versa?

En filigrane, dans les milieux journalistiques et ailleurs, il y a la crainte que le style Quebecor (nouvelles "cheapo" et scabreuses, esprit démagogique) ne se répande comme la gangrène à travers le Québec. En d’autres mots, le spectre de la concentration des médias serait moins inquiétant s’il s’agissait d’une entreprise plus respectable. Personne ne le dira publiquement, mais on n’en pense pas moins.

La rationalisation des ressources
Les employés de Radio-Canada ont jusqu’au 30 mars pour répondre à un sondage interne sur les valeurs de la société, la communication interne, les relations patrons-employés, etc.

C’est une firme de recherche de Toronto, le groupe Hay, qui a élaboré le questionnaire distribué à tous les employés à travers le pays.

Certaines questions portent sur l’efficacité de la gestion des ressources. Je ne suis pas employée de Radio-Canada, mais j’aimerais tout de même porter le cas suivant à l’attention des chercheurs de la firme Hay.

Mardi de la semaine dernière, quelques journalistes étaient conviés à une rencontre de presse dans un restaurant du Holiday Inn du quartier chinois. But de l’exercice: s’entretenir avec Sylvain Lafrance, vice-président de la radio française de Radio-Canada, qui tenait à faire le point sur différents projets. Deux représentants du département des communications de la radio de Radio-Canada étaient présents. La rencontre a duré près de deux heures.

Trois jours plus tard, coup de téléphone d’une représentante de la firme de relations de presse Papineau-Couture pour m’annoncer que le même Sylvain Lafrance se verra décoré, l’après-midi même, de l’insigne de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres "pour son action dans le secteur de l’audiovisuel et pour son rôle significatif dans la promotion d’une francophonie moderne et ouverte".

Seriez-vous intéressée à interviewer Sylvain Lafrance? me demande-t-on. Euh… pourquoi ne pas avoir parlé de cette décoration au dîner de presse du mardi, alors que le principal intéressé était présent? Réponse de l’attachée de presse: "Bonne question, je ne sais pas."

Voilà, il me semble, un bel exemple de mauvaise gestion des ressources internes de la part de Radio-Canada qui fait affaire avec une firme privée alors qu’elle a, à l’interne, un très bon département de communications et de relations de presse.

Mais revenons sur cette rencontre de presse où on nous a entre autres appris que le projet d’émission de Christiane Charette (un concept qui aurait été diffusé simultanément sur la radio et la télévision de Radio-Canada) était loin d’être finalisé et qu’il ne serait peut-être même pas présenté cet été comme on l’avait d’abord annoncé.

Monsieur Lafrance a également beaucoup parlé de Bande à part (l’émission de radio et le site Internet consacrés aux différents courants musicaux), qui va bientôt devenir une émission de télévision. Le concept est présentement développé par Simon Vaillancourt (anciennement de La Vie d’artiste), et l’on devrait voir le résultat l’automne prochain sur la nouvelle Télé des Arts.

En toile de fond de cette rencontre, une idée maîtresse qu’on voulait communiquer aux journalistes: Radio-Canada se met à l’heure de la convergence et demande à ses employés de penser à des façons d’exploiter, de développer et de concrétiser des projets qui feraient appel aux différents médiums que sont la télé, la radio et Internet. On verra les résultats au cours des prochaines années.

Le transculturel, yes sir!
Le dernier concept à la mode à Radio-Canada? Le transculturel. Une série de fiction bilingue est présentement en développement, série dont l’action se déroulerait en partie au Québec, en partie en Ontario. Les personnages parleraient leurs langues respectives et seraient sous-titrés afin que la série soit diffusée simultanément sur les deux réseaux, Radio-Canada et CBC.

L’auteur de cette expérience surprenante n’est nul autre que Luc Dionne qui travaillera probablement en collaboration avec un auteur canadien-anglais. Radio-Canada n’en dit pas plus pour l’instant, car elle attend le feu vert de Téléfilm pour mettre la série en chantier. More details later / détails supplémentaires à venir.

Monsieur le président
C’est cette semaine (4 avril) que débute aux États-Unis, sur Comedy Central, That’s my Bush, la nouvelle série de Matt Stone et Trey Parker, les délirants auteurs de South Park. La sitcom raconte la vie familiale et quotidienne du président des États-Unis, George W. Bush. En entrevue, les auteurs ont dit qu’ils allaient rendre le président sympathique et humain aux yeux de la population.

Mais un léger parfum de scandale flotte autour de la série depuis qu’on a appris que Comedy Central avait exigé que les auteurs laissent tomber l’idée de décrire les filles du président, des jumelles, comme… un couple de lesbiennes.

Notons que Comedy Network, la version canadienne de Comedy Central, est présentement en pourparlers pour diffuser la série ici. En attendant, c’est le temps de faire jouer vos contacts américains.

Fortier, la fin
En terminant, un mot pour signaler que c’est ce soir, jeudi, que sera présenté le dernier épisode de Fortier II (TVA, 21 heures), épisode au cours duquel on devrait dévoiler le fameux secret d’Anne Fortier. La série dramatique, de loin la meilleure de l’année à la télé québécoise et supérieure à Fortier I, se termine en beauté puisque Sophie Lorain a récolté deux trophées Artis lors du dernier Gala Métrostar (meilleure comédienne dans une télésérie et personnalité féminine de l’année)

Parlant de Sophie Lorain, elle sera à Cannes la semaine prochaine en compagnie du réalisateur François Gingras pour présenter la série à des producteurs et à des diffuseurs européens. Fortier chez les Gaulois? C’est à suivre.