Société

Nouveaux médias : Aux mots, citoyens!

Pas de reconnaissance, pas d’accréditations au Sommet, donc pas de journalistes à l’intérieur des murs du Sommet pour les membres du plus innovateur et dynamique regroupement de presse alternative dans le monde à l’heure actuelle.

Les organisateurs du Sommet des Amériques ont choisi de ne pas reconnaître les membres du CMAQ (Centre des médias alternatifs Québec-2001) comme une agence de presse établie. Pas de reconnaissance, pas d’accréditations au Sommet, donc pas de journalistes à l’intérieur des murs du Sommet pour les membres du plus innovateur et dynamique regroupement de presse alternative dans le monde à l’heure actuelle.

"On diffuse principalement par Internet, et cela semble être un problème pour les responsables des accréditations du Sommet des Amériques, explique Christian Dubois, un des coordonnateurs du CMAQ. Est-ce une fausse raison? On ne le saura sans doute jamais."

Le CMAQ www.cmaq.net est membre du prolifique Independent Media Center www.indymedia.org, un regroupement de presse alternative créé par des groupes antimondialisation à la suite des événements de Seattle contre l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Véritable centre névralgique de récolte et de diffusion d’information lors d’importants événements portant sur la mondialisation, Indymedia se prépare donc pour le Sommet, et ce, malgré les contraintes imposées par les organisateurs de l’événement.

"C’est devenu un canal d’information international extrêmement important, dit Véronica Rioux, qui travaille aussi à la coordination du CMAQ. Lorsqu’il y a des événements comme Seattle, Prague, Washington, ou Québec, des centaines de milliers de personnes suivent tous les jours ce qui se passe lors de l’événement. C’est donc, potentiellement, des millions de personnes qui vont s’informer sur le Sommet via le Net. Cela permet d’avoir accès à de l’information qui fait contrepoids aux canaux traditionnels, et également d’avoir une vision plus complète des événements, une vision moins dépendante des sources officielles."

Avec ou sans accréditation, le CMAQ entend répondre à la demande croissante d’information alternative sur ce genre d’événement. "Ne pas avoir accès aux lieux officiels du Sommet ne nous empêchera pas d’être bien informés, puisque nous avons des ententes avec des partenaires qui ont obtenu des accréditations comme journalistes, explique Véronica Rioux. Mais notre objectif, c’est surtout de couvrir ce qui se passe à l’extérieur du Sommet, dans les rues, là où il y a de la formation, de l’action directe. Il s’agit de faire contrepoids à ce qui ressort souvent dans les grands médias, soit une vision simplifiée de ce qui s’est réellement passé lors des manifestations."

Alternative branchée
Pour mener à bien son projet, le CMAQ prépare déjà la mise en place, dans ses bureaux au Complexe Méduse, à Québec, d’une salle de presse pouvant accueillir des dizaines de journalistes du monde entier. Des journalistes membres de l’Independent Media Center et de la presse alternative en général, bien sûr. On y trouvera une salle équipée d’ordinateurs, de connexions Internet, de matériel pour le traitement des images et du son. "On ne peut pas fournir tout le matériel, dit Véronica Rioux, mais des journalistes indépendants et des membres d’Indymedia au Canada et aux États-Unis se sont engagés à apporter de l’équipement et à fournir de l’aide technique, notamment pour le site Web."

Le site du CMAQ propose une section de textes d’analyse, un fil de presse, que ce soit des nouvelles écrites, des reportages photo ou vidéo, un calendrier des événements, un forum de discussion et un moteur de recherche. Mais surtout, la possibilité pour les gens de publier eux-mêmes leurs articles sur le site.

"Nous avons une équipe de validation qui va vérifier les textes qui nous seront soumis via notre site, poursuit Véronica Rioux. Nous apporterons des corrections, mais si le texte ne répond pas à certains critères de qualité, ou que l’on y trouve des propos discriminatoires, qu’ils soient ouvertement sexistes, homophobes ou haineux, ils seront retirés du site."

Le CMAQ, c’est un petit budget, et beaucoup d’entraide. Une subvention de 9000 dollars de l’AQOCI (Association québécoise des organismes de coopération internationale) et du gouvernement québécois leur a permis de mettre en place le site Internet. "Quand on sait que certains sites gouvernementaux dépensent des centaines de milliers de dollars, ça nous fait sourire, poursuit Véronica Rioux. Pour le reste, on compte sur l’appui de diverses collaborations, que ce soit avec les syndicats, les organismes communautaires ou le public."

Bouchers d’enfants
Peut-on écrire n’importe quoi sur le Net? Un groupe anti-avortement peut-il publier une liste de médecins pratiquant l’avortement dans des posters "Most Wanted", à la manière du FBI, tout en les qualifiant de "criminels" et de "bouchers d’enfants"? Eh bien oui, ça se fait en toute légalité, du moins si l’on en croit le jugement controversé rendu la semaine dernière par une cour d’appel de l’Oregon, qui a choisi de renverser un jugement précédent qui condamnait les instigateurs du site "The Nuremberg Files".

Ainsi, selon le plus récent jugement, les créateurs du site aux connotations d’extrême droite sont protégés par le sacro-saint Premier Amendement américain sur la liberté d’expression et ce, malgré l’évidence même que la publication des adresses de ces médecins pratiquant l’avortement est une véritable menace pour leur vie. Sur le site, aujourd’hui fermé (mais qui pourrait rouvrir sous peu), ces médecins étaient déclarés "coupables de crimes contre l’humanité" et devaient donc "être jugés à la façon des nazis lors du procès de Nuremberg".

Le juge de Portland a donc choisi de ne pas tenir compte du fait que trois médecins ont été tués aux États-Unis après que leurs noms et adresses eurent été publiés sur ces listes. Selon le juge, les créateurs du site auraient été reconnus coupables s’ils avaient ménacé directement de commettre des actes violents. "Mais si leurs mots ne font qu’encourager des terroristes qui ne sont pas reliés au groupe, alors ils sont protégés par le Premier Amendement", explique le juge.