Société

Dépêches du Sommet

Dans une semaine, Québec sera l’hôte du Sommet des Amériques. Déjà, avant même sa tenue, de petits événements rocambolesques se déroulent. Voici les dernières nouvelles sur ce happening unique en son genre.

– À défaut d’avoir la place qu’il convoitait au Sommet, le gouvernement québécois entend installer sur la colline parlementaire, juste en face du boulevard René-Lévesque, un écran géant de 40 pieds de hauteur et 45 de largeur qui diffusera des messages sur les vertus de la nation québécoise. Ce n’est pas tout: banderoles de 27 étages, panneaux publicitaires et drapeaux décoreront la Vieille Capitale pour impressionner les pays sud-américains. Si Fidel Castro était là, il apprécierait sûrement cette idée. Et vive la propagande!

– Refusant de se laisser doubler, le gouvernement fédéral réagit à l’offensive de Québec. Dans ce but, il entend installer des poteaux ornés du drapeau canadien pour bloquer la vue de l’écran. Et vive… vous savez quoi!

– Les journalistes ne sont pas à l’abri du zèle des organisateurs du Sommet. Après avoir fait une demande d’accréditation pour couvrir les activités, le journal L’Itinéraire se voit refuser la couverture du Sommet par le gouvernement fédéral. "L’accès au centre des médias est limité aux organes de presse reconnus", leur a-t-on répondu. Pourtant, L’Itinéraire fait partie de l’Association des médias écrits communautaires du Québec, alors que les reporters du journal font partie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. C’est quoi, le problème? Pourtant, les itinérants ne sont pas dans la rue que lors des manifs…

– Jamais les frontières du Canada n’auront été aussi sûres. Les services de l’immigration ont en effet reçu des directives claires du gouvernement fédéral: les agents sont sommés de refuser l’entrée au pays à toute personne, s’ils ont des motifs de croire qu’elle pourrait être un danger pour le public. À l’heureuse exception de José Bové. Car le militant français, après moult débats et tergiversations, pourra, en fin de compte, se rendre à Québec. Il pourra traverser les frontières sans se faire arrêter par les douanes canadiennes, malgré son casier judiciaire et l’avis des services d’immigration qui souhaitaient lui bloquer le chemin. Tous les McDo de Québec, attachez vos tuques…

– Les derniers préparatifs vont bon train à Québec pour éviter tout saccage. Les employés de la Ville ont soudé les bouches d’égout, afin d’éviter l’installation de bombes. Ils ont aussi retiré de quelques chemins des pavés, afin qu’ils ne servent pas de projectiles aux manifestants. À bien y penser, il faudrait aussi enlever les panneaux de signalisation: ils pourraient servir de javelots. Tant qu’à y être…

– Visiblement, les mesures de sécurité s’intensifient. Quelque 5000 policiers de la GRC, de la Sûreté du Québec et de la police municipale préparent boucliers, bâtons, poivre de Cayenne et tout leur attirail, non pas en vue de la négociation de leur prochaine convention collective, mais bien afin d’assurer, paraît-il, la paix. En espérant qu’ils la foutent aux manifestants…

– Le port du foulard camouflant le visage sera finalement permis à Québec. C’est que la Ville voulait créer un règlement municipal pour l’interdire. Le but? Arrêter des manifestants à l’allure louche. Les autorités ont le mérite de ne pas manquer d’imagination. Si seulement ils en avaient davantage pour réparer les nids-de-poule…

– Avant même le début des "festivités", les manifestants n’ont pas la vie facile. Les autorités leur mettent des bâtons dans les roues. C’est le cas de le dire. Car il est bien difficile de se louer un autobus pour les groupes qui désirent se rendre à Québec. En effet, la Sûreté du Québec et la GRC auraient "conseillé" aux propriétaires de parcs d’autobus de s’abstenir de louer des véhicules à des groupes de manifestants durant la période du Sommet.

– Les agents de la paix continuent de vider la prison d’Orsainville de ses 600 prisonniers. Elle pourra enfin être convertie en méga-centre commercial. Oups! Ce n’est pas tout à fait ça… En fait, elle servira plutôt à accueillir les manifestants arrêtés par la police, de dangereux malfaiteurs qu’il est vraiment nécessaire d’emprisonner et de déporter. Comble de tout, au lieu d’être détenus 24 heures, comme c’est le cas habituellement, les manifestants subiront jusqu’à trois jours de détention provisoire. Serait-ce un des résultats directs de la nouvelle loi antigang?

– Le Mur de Québec (version locale de la Muraille de Chine) est fin prêt. La clôture, qui délimite le périmètre de sécurité, fait quatre kilomètres de longueur et est constituée de blocs de ciment et de barrières grillagées totalisant trois mètres de hauteur. Un bijou architectural, je vous dis. Mais n’oubliez pas: il est interdit de nourrir les êtres qui se trouvent dans cette grande cage. Car, malgré les apparences, ce n’est pas un zoo…

– Au moins, bonne nouvelle: les policiers ne pourront pas se permettre de commettre des bévues ou des abus de pouvoir. C’est qu’une escouade d’observateurs, dominée par la Ligue des droits et libertés, se chargera de veiller à la bonne tenue des policiers à l’égard des manifestants. Le représentants de l’ordre mettront-ils vraiment de l’eau dans leur poivre de Cayenne?