Droit de cité : Une affaire de femmes
Société

Droit de cité : Une affaire de femmes

C’est maintenant officiel, il n’y aura pas de mairesse de Montréal. La seule femme ayant exprimé son intérêt pour la job, Vera Danyluk, s’est désistée la semaine dernière.

Le concept d’une femme maire continue de relever du domaine de la prospective. Au mieux.

Au pire, il ne demeurera qu’une question dans un sondage d’opinion: Croyez-vous très probable, probable, peu probable ou improbable qu’une femme puisse occuper un jour le poste de maire de Montréal?

Avec le désistement de Vera Danyluk dans la course à la mairie de Montréal, c’est la deuxième occasion ratée en quelques mois qu’une femme puisse enfin occuper un siège des plus hautes fonctions politiques. Ce fut d’abord Pauline, puis maintenant Vera.

Quand le nouveau premier ministre Bernard Landry a présenté son cabinet ministériel, il a tenté de nous faire croire qu’il avait fait une plus grande place aux femmes, question de se faire pardonner son jeu empreint de rudesse, d’accrochages et de coups de six pouces. Un jeu qui n’a même pas permis à Pauline Marois de terminer la partie. En fait, en présentant son cabinet comme une grande révolution féministe, il n’a usé que de la bonne vieille ruse des miroirs donnés aux Indiens: si tu casses le miroir en une dizaine de morceaux, tu pourras multiplier par 10 ton nombre de fourrures. Ainsi, il y a peut-être plus de femmes assises au bunker, mais globalement, elles se partagent toujours le même espace de pouvoir.

Qu’il n’y ait que trois femmes dans le Top 50 du pouvoir de la classe d’affaires québécoise (voir la revue Commerce) n’est pas tragique en soi. Le monde des affaires n’a pas à être représentatif. Il n’a qu’à faire balancer les chiffres dans les rapports trimestriels. Et quand les chiffres ne s’équilibrent pas, il faut couper. Que ce soit un homme ou une femme qui tranche, le résultat est le même: des gens perdent leur boulot. C’est ce qu’il y a de bien avec les chiffres. Ils sont asexués, dénués de toute valeur.

Mais la politique, c’est d’abord une question de valeurs. Dans les institutions politiques, toutes les valeurs et les sensibilités rencontrées dans la population doivent être présentes. Or, quand les postes politiques sont occupés en grande majorité par des hommes blancs de 50 ans et plus, il n’y a pas seulement un problème de représentativité, il y a aussi une question de biodiversité. Ça ne laisse de l’espace que pour les valeurs et les préoccupations d’hommes blancs de 50 ans et plus. La tare génétique qui en résulte, c’est une population qui se sent de plus en plus loin de son pouvoir politique. Ce n’est pas pour rien que les organisations dites de la société civile attirent de plus en plus de sympathisants, et qu’ils seront des dizaines de milliers à défiler dans les rues de Québec ce week-end. C’est le seul endroit où ils ont l’impression que leurs valeurs et leurs sensibilités ont droit de cité. Sans jeu de mots.

Bientôt, un méchoui?
À regarder le cours de la campagne de Gérald Tremblay jusqu’à maintenant, c’est à se demander si les pontifes du parti de la banlieue, l’Union de Montréal, avec Georges Bossé dans le rôle du prélat domestique, ne se mordront pas les pouces cet été d’avoir si peu considéré la candidature de Vera Danyluk.

C’est sûr que son petit look de mère supérieure pète-sec et tyrannique lui a probablement valu d’être écartée rapidement par les maires de la banlieue. À force de mettre les points sur les i avec autorité comme elle l’a fait tout au long de sa présidence à la Communauté urbaine, elle s’est s’est retrouvée avec beaucoup d’ennemis parmi ses collègues.

Mais entre la verge rigide de Vera et la poigne mollassonne de Gérald, il est probable que l’opposition au maire Bourque ait fait le mauvais choix des armes.

Parce que jusqu’à maintenant, la campagne de l’Union de Montréal et de son chef Gérald Tremblay ne fait pas grand bruit. À peine un petit touf touf d’un petit train qui ne va pas bien loin. "Gnan gnan, Pierre Bourque me réduit au silence sur les questions d’urbanisme, puisqu’il m’a fait signer un engagement à me la fermer pendant un an quand j’ai accepté la présidence du comité sur la consultation publique."

So what? Pierre Bourque serait-il bête à ce point de se prévaloir de cette clause du contrat devant les tribunaux pour faire taire un candidat à la mairie?

"Gnan gnan, le budget balance, mais c’est plein de nids-de-poule." On ne gagne pas des élections sur des nids-de-poule. Rien ne sert de les couver; le 4 novembre, il n’y en aura plus de nids-de-poule, et l’électeur ne se souviendra plus du printemps horrible que les rues de Montréal ont fait subir à sa voiture.

Jusqu’à maintenant, Gérald Tremblay s’est défilé devant toutes les possibilités de confrontation, d’abord avec Vera Danyluk, puis avec Michel Prescott, le chef du RCM.

C’est à se demander s’il aura les reins suffisamment solides comme maire. Il laisse l’impression d’un agneau qui va se faire dévorer tout rond par les loups qui hantent la politique montréalaise, à commencer par Louise Harel et Jean Lapierre, le redoutable président du syndicat des cols bleus. Ça pourrait saigner.