Société

Front de libération de la Terre : Des éco-terroristes au Sommet?

Un groupe d’éco-terroristes, l’Earth Liberation Front (ELF), a lancé par voie de communiqué un appel à l’action dans le but de protester contre l’instauration de la ZLÉA en Amérique. Selon un porte-parole rejoint à Portland, il est fort probable que des sabotages majeurs soient à l’agenda de certains activistes radicaux qui pourraient éventuellement frapper à  Québec.

Le communiqué anonyme, publié dans Internet, appelle les cellules de l’ELF ainsi que celles de l’Animal Liberation Front (ALF), d’Earth First! et de tout autre groupe intéressé à agir "en solidarité avec ceux qui seront sur la ligne de front de la résistance écologique dans les rues de Québec". Le document dénonce "cette nouvelle escalade de la guerre capitaliste contre la terre et ses habitants". Acte d’un jeune écervelé américain qui agit seul du sous-sol de ses parents ou première manifestation québécoise d’hypothétiques cellules du Front de libération de la Terre? Impossible de le dire.

Ce qui est connu, c’est que l’arme de prédilection de ceux qui se réclament de l’ELF est le sabotage, souvent opéré à l’aide de bombes incendiaires. Le groupe et son cousin, l’ALF, ont causé des dommages évalués à plusieurs dizaines de millions de dollars au cours des dernières années en Amérique du Nord. Il faut dire que leur bassin de cibles est considérable, et que toute incartade environnementale risque d’être suivie d’actes de représailles. On trouve dans la mire de l’ELF autant des multinationales de tous genres, que des entreprises forestières, des agences gouvernementales, des laboratoires de recherche et de riches propriétés privées.

Leslie James Pickering agit, avec Craig Rosebraugh, à titre de porte-parole de l’ELF depuis Portland, en Oregon. Lors d’une entrevue téléphonique qu’il nous a accordée la semaine dernière, il a expliqué que le hasard a voulu qu’une importante perquisition policière soit menée à leur domicile la veille par une trentaine d’agents du FBI. "Ils ont saisi tous nos ordinateurs, nos dossiers, nos livres et des photos, et ce, pour la deuxième fois depuis février 200, et sans qu’aucune accusation ne soit portée contre nous", a-t-il exprimé sur un ton de dépit.

Au sujet de l’appel à l’action lancé en vue du Sommet des Amériques, le porte-parole de l’ELF affirme qu’il est "fort probable que des attaques aient lieu à Québec… ou n’importe où ailleurs." Pickering explique que le mode de fonctionnement de l’ELF, constitué de cellules anonymes et autonomes, est garant de l’efficacité des actions. "Ils frappent là où on s’y attend le moins", dit-il, excluant toutefois tout geste pouvant être posé au coeur même d’une grande manifestation. L’activiste américain se dit conscient que les autorités sont depuis longtemps avisées des intentions de l’ELF et que le fait d’avoir annoncé d’avance une action a influencé le déploiement, à Québec, de mesures de sécurité jamais vues. "Les autorités savent que l’ELF veut passer à l’action. Mais il y a tellement d’endroits où frapper qu’il leur sera impossible de tout protéger", dit-il.

Le FBI sur les dents
L’Earth Liberation Front est né en 1992 en Angleterre d’un schisme survenu au sein d’Earth First! entre les éléments violents et pacifistes du groupe. En 1997, l’ELF a fait son entrée officielle en Amérique du Nord. Deux activistes de Portland qui agissaient déjà officieusement à titre de porte-parole américains de l’ALF, Leslie Pickering et Craig Rosebraugh, ont alors ajouté au bas de la carte d’affaires de leur petit restaurant végétarien un titre surprenant: North American Earth Liberation Press Office. Ils ont aussi commencé à distribuer des communiqués de cellules de l’ELF revendiquant des dizaines d’attentats.

À ce jour, ce comportement leur a valu deux perquisitions du FBI et cinq citations à comparaître devant un grand jury qui se penche secrètement depuis quatre ans sur l’éco-terrorisme au pays. Pickering et Rosebraugh disent que leur rôle se limite à recevoir puis à transmettre aux médias des courriels anonymes de cellules de l’ELF revendiquant et justifiant des attaques. Évidemment, ils vivent sous étroite surveillance policière depuis des années. L’équipe du FBI qui a investi leur maison la veille de notre entrevue téléphonique est la même qui a enquêté sur l’attentat du World Trade Center et sur celui d’Oklahoma City.

Selon un décompte mené par le journal The Oregonian, l’éco-terrorisme américain est à la base de plus de 100 incidents survenus au cours des 20 dernières années, lesquels ont causé pour plus de 40 millions de dollars de dommages matériels. Depuis cinq ans, plusieurs dizaines de ces événements ont été revendiqués par l’ELF, pour un total de près de 30 millions de dollars de dommages. Le coup le plus "fumant" de l’ELF fut l’incendie criminel, en 1998, de la majeure partie des bâtiments et équipements d’un centre de ski de Vail, au Colorado, dont le projet d’expansion horripilait depuis de nombreux mois les écologistes du coin. Les installations ont été complètement rasées, et les dommages ont été évalués à plus d’une douzaine de millions de dollars.

Au Canada, la présence de l’ELF est plus difficile à cerner, bien qu’apparemment concentrée dans l’Ouest. Aucune estimation du nombre de personnes qui se réclament de l’ELF n’existe, vu le mode de fonctionnement autonome et anonyme des cellules qui le constituent. Sur son site Internet, le groupe communique ses "règles". 1) Le sabotage ne doit causer aucune blessure ou décès, stratégie qui a miraculeusement porté fruits lors des dizaines d’attaques menées en Amérique du Nord depuis cinq ans, dont plusieurs à la bombe incendiaire. 2) L’action doit viser toute cible accusée de nuire sérieusement à la nature et ses habitants et être suivie de l’émission d’un communiqué justificatif visant l’éducation populaire.

Est-ce qui nous attend à Québec? Pour l’instant, nul ne le sait…