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Droit de cité : Leçon de non-violence
Éric Grenier
Photo : Hughes Mailhot
Ç’a été la redite de la fin de semaine dernière: on n’obtient rien en brisant le mobilier et en cherchant la chicane avec la police.
Et la remontrance prescrite aux extrémistes de gauche présents à Québec vient de haut dans l’Église syndicalo-populaire. C’est l’archevêque lui-même, Henri Massé, ci-nommé le secrétaire général de la FTQ – visiblement pas content que la Marche des peuples syndiqués de samedi ait été détournée par la CLAC, le Black Bloc et autres Germinal -, qui s’est fait gigoter l’index.
L’excitation à outrance, ça ne gagnera pas le public à votre cause, les a-t-il sermonnés.
(Petite parenthèse de précision: les membres de ces organisations s’en crissent, que vous achetiez ou pas leurs discours. L’opinion publique est selon eux aveugle, because la grosse poutre capitaliste qu’elle a dans l’oeil. Ils se sont donné la mission de libérer le peuple prisonnier des paradis artificiels du libéralisme en renversant le régime actuel. Fin de la parenthèse.)
C’est à se demander où ces jeunes voyous vont chercher toutes ces idées dans une société si démocratique. Quand la Bonne Parole vient de gens aussi bien intentionnés que les chefs syndicaux, ces papes de l’égalitarisme, pourquoi se plaindre?
Avec la désapprobation qu’il a servie aux manifestants qui ont ignoré la défense de s’approcher de l’infâme clôture, Henri Massé avait l’air de ces baby-boomers qui ont fait la bamboula tout au long de leur jeunesse et qui interdisent aujourd’hui à leurs enfants ne serait-ce que de sniffer un bouchon de bière avant 18 ans.
Les jeunes activistes n’ont pas le droit de défoncer des portes et d’intimider les élus. Mais les syndicalistes, eux, peuvent le faire sans rougir.
À Montréal, où la population vit sous le joug du syndicat des cols bleus et de son menaçant président Jean Lapierre, on ne le sait que trop. En 1993, lors d’une période de renouvellement de convention collective, plusieurs dizaines de cols bleus (soutenus par 2000 autres), la plupart masqués comme Freddy-the-Halloween-Monster, ont foncé sur l’hôtel de ville de Montréal, un bélier de bois en main, et armés de 2 x 4. La casse s’ensuivit avec, comme résultat, des dommages de plus de 32 000 dollars. Autant qu’au grabuge de samedi soir dernier.
Pour ces actes, Lapierre et son fidèle bras gauche, Denis Maynard, ont été reconnus coupables à deux reprises, par quatre juges, de complot en vue de commettre une introduction par effraction à l’hôtel de ville de Montréal dans un dessein criminel, et de participation à une émeute.
Henri Massé avait-il dénoncé la violence dans ses propres rangs? Au contraire, il s’était porté à leur défense en les assimilant à de pauvres prisonniers politiques. "Cet exercice nous porte à conclure qu’on a voulu servir un exemple pour tenter d’éteindre (…) le militantisme syndical à un moment où le ras-le-bol s’exprime contre les coupures dans les services publics, contre un appauvrissement accentué de la population, contre les profits faramineux et non répartis des banquiers et de la grande entreprise…"
Quand on sait que c’est à coups de gestes d’intimidation, de grèves illégales, de sabotages et de casses que les cols bleus de Montréal, soutenus par la FTQ, ont obtenu la convention collective de cols bleus la plus béton en Amérique, il ne faut pas trop s’interroger sur les motivations des 2000 activistes qui ont fait le pied de grue devant la clôture du Sommet de Québec.
Encore moins lorsque l’on se rappelle que l’invité-vedette du Sommet des peuples, José Bové, a fait connaître à travers le monde sa lutte pour un monde de roquefort en saccageant un McDo.
Et qui avaient-ils face à eux, les activistes, durant tout le week-end? Des policiers de la Sûreté du Québec, qui ont intimidé de leurs armes les élus du Parti québécois afin qu’ils leur consentent l’augmentation de salaire souhaitée.
Comment les éleveurs de porcs du Québec sont-ils devenus les travailleurs autonomes les plus grassements subventionnés? En parlementant? Non: en bloquant illégalement l’autoroute 20 avec leurs cochons.
À L’Annonciation, le mois dernier, la population de la Vallée de la Rouge a sauvé son hôpital en fermant la route 117. Parce que toutes les représentations démocratiques qu’elle avait précédemment faites n’avaient touché personne parmi les autorités.
Avant que les Mohawks ne tirent des salves de AK-47 en juillet 90, personne ne prenait au sérieux leurs revendications territoriales à Oka. Après, les gouvernements leur en ont donné presque plus que ce que le client demandait.
Il ne faut pas chercher loin pour trouver les sources des actes violents du Sommet. Personne ne gagne à jouer la résistance non violente. Le message avait été lancé par le premier ministre Chrétien lui-même, qui se moquait du Sommet des peuples et de sa Marche, une semaine plus tôt.
Les citoyens qui se sont battus contre la ligne Hertel-Des Cantons n’ont enfreint aucune loi. Non seulement ils ont respecté la loi, mais ils s’en sont servis pour donner tort trois fois au gouvernement qui leur imposait illégalement la ligne de transport d’électricité. Une lutte exemplaire, propre, propre, propre, digne d’Erin Brockovich. Résultat: la ligne a passé quand même.
Peut-être que s’ils avaient dynamité un pylône…