Nouveaux médias : Couverture alternative
Société

Nouveaux médias : Couverture alternative

Le CMAQ (www.cmaq.net) a bel et bien réussi son coup avec sa salle de presse indépendante pendant le Sommet. Et ce, malgré des conditions souvent difficiles. "Nous avons eu près de 600 inscriptions, tous des bénévoles, dit Chad Lubelsky, du CMAQ. Parfois, ça sentait le gaz lacrymogène, et la panique s’est même installée pendant quelques minutes à un moment donné: on ne savait pas si la police allait entrer. On avait des gens à la sécurité; d’autres pour les soins médicaux. Et tout le monde travaillait ensemble. Est-ce qu’on avait démontré qu’il y a une autre façon de produire de l’information et de gérer des médias? La réponse est oui, carrément."

Si, pour avoir des images en direct des manifestations, il fallait ouvrir la télé à RDI, et même à CNN par moments, le Net aura surtout permis la diffusion de contenus alternatifs de la part de manifestants qui se trouvaient dans le feu de l’action. Ainsi, c’est sur le Net qu’on a diffusé les premières informations concernant les misérables conditions de détention à Orsainville et le traitement réservé aux manifestants arrêtés, qui devaient patienter de longues heures dans les fourgons de la police couverts de gaz lacrymogènes. On y a aussi diffusé la déclaration finale du Sommet avant qu’elle ne soit publiée officiellement. Des informations toutes reprises, ou confirmées, par les médias traditionnels quelques heures plus tard.

"On avait des rapports sur les mouvements des troupes à la seconde près, explique Christian Dubois, du CMAQ. Spontanément, les journalistes affiliés au CMAQ se sont concentrés sur ce qui se passait dans la rue, à la fois pour rapporter l’information et pour protéger les manifestants. Mais c’est aussi la seule critique que j’aurais à faire sur notre travail puisque, dans le feu de l’action, on est tombé dans le piège de la couverture sur le terrain, tout en délaissant un peu les véritables enjeux du Sommet."

À part quelques photos montrant l’arrestation du militant Jaggi Singh par des policiers en civil, et d’autres des fameuses balles en caoutchouc, force est d’admettre que ni la vidéo ni les photos n’ont joué un rôle important dans ces diffusions alternatives sur Internet. "Mais ces images risquent de sortir un peu plus tard, explique Christian Dubois. Et c’est sur le site d’Indymedia Vermont que les gens ont posté la majorité des documents vidéo. On va classer tout le matériel et on verra."

En plus de son site Internet, le CMAQ a publié un journal quotidien intitulé Autre Voix, et a diffusé une émission de radio sur le Net. On pouvait aussi suivre, par l’entremise d’Indymedia.org, affilié au CMAQ, les manifestations parallèles qui se déroulaient au Brésil. Le CMAQ rapporte quelques blessés et arrestations parmi ses troupes.

Le forum de discussion sur le site de Voir consacré au Sommet a aussi connu un franc succès. On y trouvait parfois des commentaires éclairants sur la situation. Le babillard de Pssst! (www.pssst.qc.ca), habituellement consacré aux nouvelles technologies, nous a aussi permis de suivre les chroniques de Xanax (nom d’emprunt), une dizaine d’épisodes, accompagnées de nombreuses photos. On y voit ainsi, à la ceinture d’un policier de l’escouade anti-émeute, de véritables balles de fusil; aussi, d’autres photos montrent des snipers postés sur les toits des hôtels.

Branché au Sommet
Des millions de citoyens latino-américains n’ont pas d’eau potable, pas d’électricité et pas de téléphone, mais ce n’est pas grave: Jean Chrétien et sa bande veulent brancher tout ce beau monde à Internet, question d’en finir avec la "fracture numérique" qui sépare les pays riches et les pays pauvres de l’hémisphère.

Ce sont donc 20 millions de dollars que notre gouvernement a consentis pour fonder l’Institut pour la connectivité des Amériques. Ensuite, cet institut s’efforcera de ramasser des fonds auprès d’organismes internationaux, de fondations, de la société civile (un autre mot à la mode ces jours-ci), et, bien sûr, auprès du secteur privé. Le but? Fournir aux citoyens d’Amérique latine de meilleurs systèmes de communication, dont l’accès à Internet.

Les entreprises canadiennes de la nouvelle économie viennent donc de recevoir un joli coup de pouce de la part de Jean Chrétien. Sous le couvert de l’aide internationale, on essaie ainsi de leur ouvrir encore davantage les portes de cet immense marché. Les premiers bénéficiaires de ces nouveaux investissements? Les entreprises d’ici, bien sûr, qui devront fournir les infrastructures et tout le savoir-faire nécessaires à la mise en oeuvre d’un tel projet.

C’est drôle comment la pensée magique peut agir lorsqu’il s’agit d’Internet. C’est la nouvelle recette pour "accéder à la prospérité", pour permettre "un meilleur dialogue démocratique" et pour "empêcher l’exclusion de millions d’individus". Faut croire que l’Amérique a besoin de vendre beaucoup d’ordinateurs et de modems. Et que c’est plus payant que de creuser des puits d’eau potable ou que d’offrir de meilleures conditions de travail à ceux qui oeuvrent à assembler ces mêmes ordinateurs.