Droit de cité : Croisement raté
Société

Droit de cité : Croisement raté

Les chemins de la science sont parsemés d’insuccès. Pour une réussite en manipulation génétique, il y a 100 échecs. Vous en parlerez à Raël dans 10 ans. Pis, mon homme, il y a combien de petits Raël manchots? Et de Raëlle à barbe?

Le dernier bide en lice, c’est celui d’un groupe d’apprentis sorciers qui ont tenté, en vain (et ce n’est pas sans avoir essayé beaucoup), de réaliser un croisement entre Michel Prescott et Gérald Tremblay.

Comme mission, ce n’était pas de la tarte, encore moins du gâteau. D’abord, les deux espèces n’ont pas l’instinct de copuler entre elles. Accoupler un féru de grappes industrielles, très porté sur la libre entreprise, avec une relique du crétacé socialiste: c’est comme "hybrider" un castor avec un ours. L’un est végétarien, et croit dur comme bois à la vie en communauté et à la possibilité de bâtir ensemble un étang égalitaire (imposé à tous). Et l’autre est omnivore – un opportuniste, qui mange tout ce qui lui tombe sous la dent -, et sort de sa tanière après six ans d’hibernation en lançant un percutant "qui m’aime me suive"… pour, lorsque le risque s’avère trop grand, se défiler.

Même en usant d’insémination artificielle, ou en isolant des gènes de l’un et de l’autre, l’aboutissement demeure extrêmement aléatoire.

Ce coup-ci, il n’y a carrément pas eu d’aboutissement. L’embryon du futur monstre est mort avant même d’avoir vu le jour. Après analyse des causes de l’échec, les apprentis sorciers ont découvert qu’il y avait trop d’incompatibilités entre les deux parents pour qu’on puisse mener à bien l’expérience. Le seul fait que les deux espèces cohabitent dans le même écosystème décentralisé en arrondissements et qu’elles aient comme prédateur commun Pierre Bourque n’était pas suffisant.

Mais les partisans de Prescott et de son parti, le Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM), n’abandonnent pas. Et pour cause: si le croisement ne réussit pas, c’est leur espèce même qui est menacée de disparition. Ils jouent leur va-tout.

Tandis que ceux de Gérald Tremblay et de son Union de l’île de Montréal (UIM) se tournent vers une nouvelle hypothèse afin de donner du tonus à leur créature: et si l’on greffait des éléments du RCM sur notre UIM? Ce qui implique une mise à mort lente du RCM, en le découpant morceau par morceau, membre par membre.

On aura besoin cependant d’une seule tête. C’est tout trouvé: ce sera celle de Gérald Tremblay! Reste seulement à savoir si les membres greffés sauront s’acclimater à l’UIM.

Si tel est le cas, une lutte à trois ne sera pas nécessairement suicidaire pour l’opposition au maire Bourque. Bien que les sondages de cet hiver laissent supposer que Pierre Bourque sortirait gagnant devant une opposition divisée, il est probable que l’organisation de Gérald Tremblay soit suffisamment solide pour aspirer tout l’électorat contrarié par l’administration Bourque et les fusions. Et ne laisse au RCM que des miettes de rien.

On se gratte la gale
Trois ans après les dernières élections municipales, on rappelle sans cesse la dernière joute électorale à l’issu de laquelle Pierre Bourque était sorti gagnant d’une division du vote. Comme si le passé était toujours garant de l’avenir.

Or, pour que ce soit juste, il faudrait que les mêmes conditions prévalent en 2001, ce qui n’est pas le cas.

Ce n’est pas la division du vote qui a consacré Bourque en 1998, c’est la trop grande faiblesse de ses adversaires. Ni Jean Doré ni Jacques Duchesneau n’ont pu se présenter comme une relève crédible à Pierre Bourque. Ils ont passé leurs campagnes à marcher sur des râteaux, à s’emmêler les pinceaux et à faire du damage control plutôt que de hacher menu le bilan de Vision Montréal, et d’élaborer des programmes simples, mais concrets et réalistes, à la portée de compréhension de l’électeur moyen.

Même Michel Prescott et le RCM doivent leur survie aux cabotinages de Duchesneau et de Doré. Entre deux cloches, Prescott avait l’air d’un génie.

En 1998, Pierre Bourque affrontait un amateur, un vétéran fini et une boîte à surprises. Cette fois-ci, il fait face à un professionnel de la politique (bien que junior en politique municipale). En 1998, Vision Montréal bravait deux partis créés de manière ad hoc, sans qu’il y ait un lien naturel entre leurs militants, autre que celui de préférer Doré à Duchesneau, et vice versa. En 2001, sa principale opposition viendra d’un parti avec des bases très solides dans près de la moitié de la nouvelle ville, doté d’un programme simple: l’autonomie pour les arrondissements nés des villes sacrifiées sur l’autel de Pierre Bourque.

Une idée qui pourrait avoir beaucoup d’influence dans certains quartiers de la ville de Montréal, comme le Plateau, NDG, Rosemont et Ahuntsic, où percent de fortes aspirations autonomistes contre l’autoritarisme de l’administration Bourque.

Quatre pour cent
En août 98, Pierre Bourque nous avait présenté sa recrue-vedette avec une fierté pleinement affichée: Gerry Weiner, l’ex-ministre conservateur et président du Parti Égalité. C’était son homme dans le district Peter-McGill et une grosse pointure pour le comité exécutif. Trois ans et un parfum de conflit d’intérêts plus tard, le maire le sacre à la porte sans ménagement, pour le remplacer par une parfaite inconnue. Life sucks, hein mon Gerry?