
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Droit de cité : C’est un départ!
Éric Grenier
Bourque laisse tomber les Alouettes.
Bourque octroie 90 millions de dollars de contrats à des souscripteurs de son parti.
Bourque accorde des contrats à des amis du régime.
Bourque embauche à son cabinet des employés de son parti.
Ça y est: la campagne vient de démarrer pour de vrai. Pierre Bourque, qui avait joui jusqu’ici d’une partie gratuite, est rattrapé par son statut de favori. À partir de maintenant, il devra essuyer des attaques vicieuses, des jambettes, des coups bas. Parfois admissibles; parfois pas.
De toute façon, pour ses adversaires, l’objectif n’est pas de dénicher de vrais scandales. Seulement d’avoir assez de jus suspect qui permette d’abreuver les conférences de presse jusqu’au 4 novembre.
Par exemple, il n’est pas nécessaire d’avoir raison de reprocher à Bourque d’embaucher au sein de son cabinet ses p’tits amis. (De toute facon, qui d’autre voulez-vous qu’il embauche? Jean Chrétien s’est adjoint un nouveau chef de cabinet, la semaine dernière. Comment croyez-vous qu’il l’a déniché? En passant une petite annonce dans les pages Carrières et Professions de Voir? "Notre client, un homme de hautes fonctions, est à la recherche d’un chef de cabinet. Expérience de caddy serait un atout.")
L’idée n’est pas que la plainte soit justifiée. Il suffit de laisser planer le doute et de donner un os à gruger à la presse. Idéalement, vous lancez vos allégations au moment où vous divulguez une partie de votre programme électoral. Ainsi, votre dévoilement d’un plan "en six points pour restaurer le respect des citoyens à l’égard de leur administration municipale" vient de passer de la page sept du cahier Montréal Plus dans La Presse à la une de tous les quotidiens. Pendant que Pierre Bourque prend 24 heures pour se sortir du pétrin, vous avez le champ libre.
Les supporters de Pierre Bourque n’ont rien à craindre, Gérald Tremblay aura aussi son tour à devoir se mettre sur la défensive. Le candidat autoproclamé ne s’est pas hissé à la tête de son parti sans écraser quelques orteils au passage; et certains n’attendent que le moment propice pour lui rendre la monnaie de sa pièce.
Pour une dernière fois
Selon une légende rurale, les poules, quand vous leur coupez la tête, battent des ailes pendant une minute encore après, comme pour faire un baroud d’honneur à leur bourreau. Comme pour lui dire: "M’as au moins t’avoir fait chier jusqu’à la fin."
C’est une blague. Il n’y a pas de légende rurale, les poules font bel et bien des sparages une fois leur cou soulagé du poids de leur tête.
Ce vendredi 11 mai, les opposants aux fusions – il y en a encore – iront eux aussi d’un baroud d’honneur. Cette manifestation sera probablement la der des ders contre les fusions municipales forcées.
Qui disait qu’il n’y avait plus d’idéalistes? Les organisateurs de la manifestation, et ceux qui y participeront, croient encore possible le renversement de la décision du gouvernement. La loi 170, disent-ils, est peut-être adoptée, mais la fusion n’est pas encore réalisée, leurs villes existent toujours, et tant qu’il y a de la vie…
Je ne sais pas comment se déroulera leur événement, mais si j’étais eux, je ferais de cette manifestation une marche en forme de majeur levé bien droit au gouvernement québécois, un dernier battement d’ailes. Après, ils devront admettre que la partie est perdue.
Toutefois, pour cette dernière, ils seraient bien avisés de jeter hors du peloton tout député ou chef libéral qui oserait s’y immiscer pour accumuler du capital politique. Parce que la promesse de Jean Charest de permettre les "défusions" tient de moins en moins la route. Avec les rumeurs d’élections hâtives qui s’estompent, jamais un chef libéral ne pourrait tenir sa promesse avant que les fusions ne soient consommées. Après, ça serait comme de démonter la station spatiale internationale sous prétexte qu’elle a coûté trop cher à construire.
Jean Charest le sait, et il cherche à se sortir de ce piège à cons dans lequel il s’est lui-même casé. La semaine dernière, il a affirmé que certaines des fusions forcées pourraient être maintenues, puisqu’elles seraient appropriées (en Outaouais, par exemple). Tiens donc. "Il fallait le faire en Outaouais, parce que la ville voisine, Ottawa, l’a fait."
Puis, il a tenu à préciser qu’il n’avait jamais promis le retour en arrière, seulement de mettre à la disposition des citoyens mécontents une sorte de registre des lamentations et, à la lumière des propos recueillis, voir si peut-être on ne pourrait pas regarder la possibilité d’étudier la faisabilité d’envisager une probable fragmentation des villes fusionnées, selon des critères dont on a, en ce moment, aucune espèce d’idée.
Ce qu’il faut retenir de la bataille des banlieusards contre les fusions, c’est que lorsque vous vous frottez au pouvoir politique, vous êtes seul. Vous ne pouvez compter sur personne, surtout pas sur les politiciens.
Ainsi, les libéraux fédéraux, qui ne s’étaient pas mêlés de leurs oignons en appuyant les opposants aux fusions pendant leur campagne électorale de l’automne dernier, s’activent aujourd’hui autour du plus grand promoteur des fusions forcées, Pierre Bourque.
En politique, il n’y a ni bleus ni rouges. Il n’y a que des bruns.