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Nouveaux médias : Viser pour tuer
Carlos Soldevila
La violence dans les jeux vidéo se retrouve de nouveau au banc des accusés. Et, encore une fois, la relation de cause à effet qu’on semble vouloir établir entre une oeuvre et le comportement de ceux qui y ont été exposés risque de faire déraper une société à la recherche de boucs émissaires. La violence fait rage dans la société américaine? C’est la faute à Internet, à Sylvester Stallone et aux jeux vidéo! Bientôt, des recherches vont même démontrer qu’Adolf Hitler était accro des pièces de Shakespeare et que les Japonais ont attaqué Pearl Harbor après une partie de Battleship.
Ainsi, les parents des victimes du massacre de l’école secondaire de Colombine, au Colorado, ont choisi de poursuivre les principaux fabricants de jeux vidéo pour la rondelette somme de cinq milliards de dollars américains. Selon les avocats des familles, les jeux vidéo violents et les sites pornographiques (je bande donc je tue?!?) ont eu une influence déterminante sur le comportement des jeunes Eric Harris et Dylan Klebolod. "Sans la dépendance de ces jeunes aux jeux vidéo extrêmement violents, les meurtres et ce massacre ne se seraient pas produits", peut-on lire dans la poursuite déposée la semaine dernière. La preuve? Dans une vidéo maison réalisée par les jeunes criminels, l’un d’eux montre une arme à feu qu’il appelle affectueusement Arlene, du nom d’un personnage du populaire jeu Doom.
Les résultats d’une étude universitaire portant sur l’influence des jeux vidéo violents sur les comportements des jeunes ne sont sans doute pas étrangers à cette poursuite. Un article, paru un an jour pour jour après le drame de Colombine dans le Journal of Personality and Social Psychology, concluait avec éclat que les jeux vidéo constituaient probablement "l’un des facteurs possibles expliquant le geste des étudiants de Colombine". Et cette poursuite n’est pas la première du genre. Dans une cause presque identique, une tuerie à Paducah, au Kentucky, en 1997, la poursuite contre les producteurs de jeux a été rejetée par un juge. Heureusement. Parce que cette chasse aux sorcières est en train non seulement de menacer la liberté d’expression, mais aussi d’occulter les véritables problèmes à la source de la violence.
Le fait que les jeunes imitent leurs héros, qu’ils soient de la télévision, des jeux vidéo ou des comic books, c’est une chose indéniable. Quand j’étais gamin, un ami s’est lancé d’une terrasse parce qu’il se prenait pour Peter Pan. Résultat? Un bras cassé et, du coup, il a même arrêté de croire au père Noël. On organisait des discos pour imiter les personnages de Grease, et, quand les filles retournaient vers leurs Barbies, on se massacrait à coups d’épées lumineuses en se prenant pour Luke Skywalker.
La différence avec aujourd’hui? Le garage de papa n’était pas rempli d’armes automatiques (ni de vraies épées laser). Comme quoi certains Américains n’ont pas encore compris que ce n’est pas le fait d’appeler un fusil Arlene qui est scandaleux. Ce qui est scandaleux, c’est que le jeune ait eu un fusil en sa possession, qu’il s’appelle Arlene, Goldorak ou Bobinette. Ce sont les parents des enfants qu’on devrait poursuivre. Mais j’imagine qu’ils n’ont pas, contrairement à Sony, Nintendo et les autres, cinq milliards en banque.
Bush en Tamagotchi
L’Amérique se cherche donc un modèle pour sa jeunesse. Ne devrait-elle pas s’inspirer de son commandant en chef, George W. Bush? (Après tout, on imagine mal un adolescent bombarder l’Irak parce qu’il a vu Bush le faire à CNN…)
Vous pouvez, pour la modique somme de 4,99 $, télécharger un logiciel qui vous permettra d’incarner le vénérable George W. dans votre agenda électronique Palm Pilot. Vous pourrez lancer des attaques aériennes (même contre le Vatican si ça vous chante), flirter avec des stagiaires, organiser des barbecues texans et même casser la gueule à Al Gore. Mais comme il s’agit d’un jeu inspiré des Tamagotchis, l’idée principale consiste à maintenir en vie votre personnage. Un indice de popularité vous permettra de savoir quelle direction prend votre carrière politique, puisque des procédures d’impeachment planent sur votre tête comme une épée de Damoclès.
Selon Transfert.net, le personnage virtuel de Bush serait cent fois plus populaire que son plus proche rival, Pamela Anderson. Bush serait particulièrement prisé des Chinois ces jours-ci. Pour télécharger le logiciel et sa démo gratuite: www.eruptor.com