![Trafic d'urine : Monsieur Pipi](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2012/01/9243_1;1920x768.jpg)
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Trafic d’urine : Monsieur Pipi
Pour protéger votre vie privée, iriez-vous jusqu’à substituer l’urine d’un autre à la vôtre lors d’un test de dépistage au travail? C’est la solution proposée par KENNETH CURTIS, du Privacy Protection Services.
Sandra O'Connor
En 1996, Kenneth Curtis, résidant de Marietta en Caroline du Sud, décide de faire de l’urine son gagne-pain et son cheval de bataille. Il fonde alors PPS (Privacy Protection Services) et propose aux intéressés d’utiliser sa propre urine lors de tests de dépistage en milieu de travail, leur permettant ainsi de protéger leur style de vie et leur information personnelle. "Ce que j’offre aux gens depuis cinq ans, c’est le contrôle sur leur vie privée, nous a expliqué Curtis en entrevue. Je suis en faveur de la sécurité au travail et je dénonce l’usage des drogues; mais les tests de dépistage sont inconstitutionnels en soi!"
Selon une étude réalisée par l’American Management Association, le pourcentage de compagnies américaines procédant à des tests de dépistage aurait bondi de 21,5 % à 82,7 % entre 1987 et 1994. Si la pratique est dénoncée pour son irrespect de la vie privée, elle peut tout de même être justifiée par les pertes qu’engendrent les consommateurs d’alcool et de drogues illicites: on estime que 70 % de ces derniers sont présentement sur le marché du travail aux États-Unis, occasionnant à leurs employeurs des dépenses directes et indirectes dépassant 110 milliards de dollars annuellement. Ces employés sont également plus enclins aux absences répétées, aux blessures au travail et aux maladies (source: Department of Drug and Alcohol Programs of California). Toutefois, Curtis persiste à croire que les tests d’urine ne viendront pas à bout du problème. "L’Académie nationale des sciences a prouvé à plusieurs reprises qu’il n’y avait aucune relation entre la sécurité au travail et les tests d’urine. Je prône plutôt une méthode de contrôle de la sécurité au travail basée sur les facultés réelles des employés, appelée impairment testing."
Curtis offre donc, pour 69 $ US plus frais de manutention, un ensemble de substitution d’urine comprenant cinq onces de son fluide humain préalablement testé en labo privé; une pochette s’attachant à la taille accompagnée d’un mince tube dissimulable; et un sac chauffant qui conserve l’urine à la température adéquate jusqu’au moment du test. L’initiative de PPS a encouragé la naissance de quelques entreprises similaires aux États-Unis – la compagnie Mystique, par exemple, offre un kit de substitution rattaché à un pénis artificiel, idéal lorsque le sujet doit être observé pendant le test. Très James Bond!
Curtis dit s’être lancé dans cette lutte aux tests de dépistage pour dénoncer la façon dont ils sont utilisés par l’Amérique corporative: "C’est un véritable outil de discrimination! Non seulement est-il possible de détecter plusieurs substances illicites dans l’urine; mais on peut également savoir si une personne est enceinte, souffre de diabète, ou consomme certains médicaments prescrits tels les antidépresseurs. Cette information médicale permet aux entreprises de sélectionner leurs employés selon des critères injustes et inacceptables."
Au Canada, le test de dépistage en milieu de travail est beaucoup moins répandu que chez nos voisins du sud. Mais cela pourrait changer sous peu, selon Curtis: "Les corporations canadiennes devront bientôt se plier aux exigences de leurs partenaires américains si elles veulent conserver ou obtenir un contrat", avance-t-il. Curtis avoue d’ailleurs faire de plus en plus d’affaires chez nous, où il expédie sa manne dorée à une clientèle régulière.
Si son précieux liquide traverse les douanes sans heurt, il n’en est pas de même dans son propre État: en 1999, la Caroline du Sud rendait illégale la "vente d’urine dans le but d’adultérer un test de dépistage".
Curtis fut donc arrêté il y a quelques mois, lors d’une descente à son domicile où plusieurs documents, mais non son stock d’urine, furent saisis. Il devait comparaître en cour au lendemain de notre entrevue téléphonique. "Je fais face à six ans de prison ou à une amende de 60 000 dollars", lance-t-il, sceptique. Une histoire à suivre…
Privacy Protection Services
www.privacypro.com
Mystique Urine Transport System
www.p-sample.com
Purifiez votre urine!
Pour ceux qui sont moins préoccupés par leur vie privée que par l’imminence d’un test d’urine, il existe sur le marché une myriade de produits visant à éliminer rapidement les traces de THC laissées par la consommation de marijuana. "Les plus populaires sont les breuvages purifiants comme les jus ou les tisanes, dit Allan Lento, de Chanvre en ville. Leur effet est rapide et ils sont efficaces pour le fumeur occasionnel."
À titre d’exemple, la compagnie TestPure propose une boisson à base de créatine qui masquera le THC dans l’urine pendant quelques heures. Malgré un prix faramineux, soit de 30 à 60 dollars, Allan vend une douzaine de breuvages du genre par semaine, la plupart à des employés gouvernementaux, policiers (!), membres de l’armée ou employés dans le domaine des transports. Plusieurs marques, comme Detoxify, proposent également des suppléments purifiants sous forme de capsules et des comprimés à ajouter directement dans l’échantillon d’urine. "Il est très important de souligner que ces produits ne fonctionneront pas si l’on consomme de façon importante", souligne Sonja Kleiman, propriétaire de la boutique Je l’ai.
Chanvre en ville
3418A, avenue du Parc, 845-4993
Je l’ai
159, avenue Duluth Est, 284-5393
Testez vos ados!
La compagnie pharmaceutique Novopharm (www.novopharm.com) lançait récemment, à l’intention des familles, le premier test de dépistage multidrogue offert en vente libre au Canada. Le test KnowNow permet de déceler dans l’urine la présence de six catégories de drogues illicites. Outil pratique pour les parents inquiets ou attaque à la vie privée des ados?
Au Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (www.ccsa.ca), on s’inquiète: "Avec ce test, on demande aux parents de s’improviser médecins, s’indigne Richard Garlick, porte-parole du Centre à Ottawa. Ça n’a aucun sens." Comme plusieurs de ses collègues, monsieur Garlick croit en fait qu’un tel test n’aurait pour effet que de nuire aux relations parents-enfants. "En demandant à son enfant d’uriner dans une coupelle de plastique, on lui prouve qu’on ne lui fait pas confiance. À partir de ce moment, ce dernier essaiera probablement d’échapper au contrôle des parents au lieu de partager son expérience avec eux."
Dans la luttre contre les drogues, le Centre prône plutôt une approche humaine favorisant le dialogue ouvert, la compréhension et le respect. "Plusieurs parents semblent oublier que la plupart des jeunes diront la vérité si on les questionne respectueusement quant à leurs habitudes de consommation, avance monsieur Garlick. Je crois personnellement que les tests de dépistage ont leur place dans certains milieux, mais certainement pas à la maison!"