![Droit de cité : Un test pour le futur maire](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2012/01/9421_1;1920x768.jpg)
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Droit de cité : Un test pour le futur maire
Éric Grenier
Vous souvenez-vous autour de quel thème la dernière campagne électorale municipale avait orbité?
Je l’avoue, c’est une colle. Je m’y suis pris moi-même, cherchant désespérément le thème principal de la campagne de 1998. La réponse? Autour de rien. Seul le dépotoir de la carrière Miron, où la bataille électorale s’était déplacée au bord du gouffre, avait été l’objet d’un débat digne de ce nom, avec l’enflure de promesses qui vient avec. À telle enseigne que si la campagne avait duré trois semaines de plus, le trou Miron serait aujourd’hui un second mont Royal.
À la décharge des aspirants d’alors, il faut dire qu’ils s’inscrivaient dans leur époque, alors que sont déclenchées des élections sans qu’on ne sache trop pourquoi. Sans autre raison que parce qu’il le faut bien.
Cette fois-ci, il semble y avoir une raison pour laquelle on va se déplacer le 4 novembre prochain. Il y a la création de la nouvelle ville, que ses premiers administrateurs auront le privilège de former à leur image. La nouvelle ville prendra la personnalité de son premier maire. L’enjeu n’est pas banal.
Mais il y a un autre enjeu qui se pointe: celui de la gestion de la croissance. Comment gérer la croissance dont profite Montréal depuis trois ou quatre ans, et qui s’amplifie?
C’est un joyeux casse-tête, puisqu’il n’y a ici aucune expertise en la matière. Il va falloir importer le know-how. Car, depuis 25 ans, on n’a, dans ce pays, géré que la décroissance. Nos mandarins, nos politiciens et autres lutins sont passés maîtres en la matière. On les consulte partout dans le monde en décroissance.
La dernière fois que nous avons importé du savoir-faire, c’était pour la construction du Stade olympique…
Un hôtel de 44 étages
Nous connaissons déjà la manière Bourque de gérer la croissance, qui est son leitmotiv électoral: on dit oui à tout ce qui pèse un million de dollars et plus. Un style de gestion motivé par un raisonnement en trois actes: il faut ramener la richesse à Montréal; les promoteurs sont confrontés à suffisamment d’embûches administratives pour ne pas leur en ajouter; et le train du développement pourrait ne passer qu’une seule fois, on a donc intérêt à ne pas le rater.
Il y aura le style Gérald Tremblay, que nous ne connaissons pas encore. Actuellement, monsieur Tremblay attribue une partie des récents développements de Montréal à sa stratégie des grappes industrielles, qu’il a élaborée comme ministre sous Robert Bourassa. À toutes les tribunes, il nous rebat les oreilles avec ça: "Faites-moi confiance, je sais comment faire. Par exemple, quand j’ai implanté les grappes industrielles…"
C’est autour de la Maison Notman, entre Sherbrooke et de Maisonneuve, Saint-Laurent et de Bleury, que les différents styles de gestion proposés par les trois candidats à la mairie pourraient se démarquer.
Hormis les alentours du Palais des Congrès, ce gros quadrilatère sera le plus actif au cours des prochaines années. À chaque jour suffit son projet: il y a l’hôtel qu’on veut ériger sur le terrain de la maison patrimoniale. Il y a aussi le pâté de maisons entre Saint-Laurent et Clark qui pourrait être complètement rasé, pour faire place à des condos de luxe et des hôtels.
Puis un autre projet, considérable celui-là, qui suggère la construction d’un hôtel de 44 étages au coin de Sherbrooke et de Bleury!
Quoi que dans ce dernier cas, il nous ait été impossible d’obtenir confirmation du projet. Tant au service du développement économique et urbain qu’au comité exécutif, on n’en avait eu mot, même si le projet a été annoncé dans le journal Les Affaires, en mai dernier. Nous n’avons pu joindre le promoteur, Jesta Capital, et, fait étrange pour une société réputée détenir un portefeuille immobilier d’un demi-milliard, il n’y avait pas de réponse au numéro que nous avons composé. Ni réceptionniste ni boîte vocale!
Quoi qu’en pense le maire Bourque, la Ville ne pourra pas permettre tous ces développements comme s’ils étaient isolés les uns des autres. Il devra y avoir un examen d’ensemble, une planification à l’échelle du quartier, pas seulement par adresse.
Cela pourrait être l’occasion du premier exerce pratique soumis aux trois candidats. Le quartier changera radicalement de visage, de couleur et de saveur. De plus, chacun des trois projets frappe un os spécifique.
Le premier menace le caractère patrimonial de la Maison Notman. Le second chasse déjà la centaine d’artistes qui y avaient élu domicile, et qui commençaient à faire du quartier un petit SoHo du Nord. Et le troisième, compte tenu de l’altitude du terrain convoité (plus de 30 mètres à l’altimètre, j’ai vérifié), rivaliserait en hauteur avec la croix du mont Royal! Ce qui masquerait la vue sur la montagne, notamment à partir du bureau du maire, à l’hôtel de ville.
Ils devraient ainsi nous dire comment ils entendent permettre le développement du quartier. Doit-on chasser un grand segment de la vie culturelle du centre-ville à tout prix? Y a-t-il encore de la place pour de nouveaux hôtels? Menace-t-on la présence des nombreux festivals dans le coin? De quelle manière préserver le visage de la rue Sherbrooke, sans se priver de projets de développement?
La parole est à eux.