Un logiciel contre les pédophiles qui sévissent sur le Net? C’est du moins l’intention des créateurs de Noped, le premier virus moralisateur à se frayer un chemin sur le réseau Internet. Selon le magazine Wired, Noped "est programmé pour rechercher des images dégradantes sur le Web". Une fois trouvées, ces images sont automatiquement détruites.
Moralement correct, mais illégal, le virus n’est pourtant pas si intelligent que ça. Le hic, c’est que Noped, dans sa quête de fichiers à caractère pornographique, ne tient compte que du nom des fichiers sans toutefois pouvoir analyser tout leur contenu. Si vous avez le malheur de posséder un fichier portant un nom à connotation pornographique, eh bien, il risque d’être détruit par Noped, qu’il soit pornographique ou pas. Comme quoi il faudra désormais faire attention avant d’écrire des lettres cochonnes à sa copine en format Word…
Le virus Noped serait transporté par un courriel intitulé "Help us ALL to END ILLEGAL child porn NOW" (Aidez-nous à mettre fin à la pornographie infantile illégale). Dans le corps du message, on y trouverait un texte en anglais: "Bonjour, voici un courriel bref. Lisez le document en annexe dès que possible. Merci." Le fichier en annexe, intitulé "End illegal child porn NOW.txt ou .vsb", enclenchera son processus destructeur du virus si vous l’ouvrez.
Noped, bien que réel, tient pourtant encore de la légende urbaine. Ainsi, moins d’une centaine d’ordinateurs auraient été déclarés infectés par Noped. Contagieux ou pas, efficace ou pas, Noped, qui doit faire sourire la droite américaine, met en lumière le potentiel politique des virus informatiques. Si la morale stéréotypée du hacker oscille entre le rebel without a cause et le défenseur de la liberté d’expression, Noped nous rappelle que les virus peuvent facilement se retourner contre leurs apôtres. Un virus de la censure? Un virus pro-vie qui s’attaque aux groupes pro-choix?
L’art du virus
La Biennale de Venise s’est ouverte avec la présentation controversée de Biennale.py, un virus informatique que l’on tente d’élever au rang de création artistique. Pour ses créateurs, Epidemic (www.epidemic.ws) et www.0100101110101101.org, le virus est "une forme de contre-pouvoir global. Il s’oppose aux pouvoirs les plus importants, les soumet à un nouvel équilibre, les secoue, les rassemble. Une idée neuve, celle d’un virus qui n’est pas simplement un virus, est en train de se faire accepter."
Les auteurs espèrent vendre leur virus à différents musées et galeries d’art à travers le monde à des fins d’exposition et de collection. Une attitude qui n’est pas sans soulever certaines questions d’ordre éthique. Bien que le virus soit accompagné de son antidote (un dossier informatique explique comment s’en débarrasser), il s’agit, qu’on le veuille ou non, d’un produit illégal. Simple provocation ou véritable oeuvre d’art?
Présenté dans le Pavillon slovène de la Biennale, le virus s’inscrit dans une démarche visant "à questionner le rôle de l’artiste dans le processus de globalisation". Le code du virus est exposé sur certains ordinateurs de la Biennale de Venise (www.labiennaledivenezia.net), mais aussi sur des centaines de t-shirts distribués parmi les participants.
L’art de pirater
Il n’y a pas que des virus qui s’affichent désormais sur des t-shirts. Et si, pour les uns, ces codes informatiques subversifs tiennent de l’art, pour d’autres, ils répondent au droit fondamental de la libre expression, au même titre que n’importe quel discours. C’est du moins le point de vue défendu par Eric Corley, un jeune Américain à la tête du site www.2600.org, qui a réussi, il y a deux ans, à percer le code qui empêchait la reproduction illégale de DVD. La réaction d’Hollywood, qui risquait des millions dans l’affaire, ne s’est pas fait attendre. À la suite d’un procès houleux, la Motion Picture Association of America (MPAA) avait même réussi à convaincre un juge d’empêcher Corley de diffuser ce code. Réaction de Corley et de ses partisans? La vente sur le Net (www.copyleft.net) d’un t-shirt où l’on trouve l’inscription du code en question. Corley a depuis porté la cause en appel devant une cour de New York. Il a obtenu, entre autres, l’appui inconditionnel de l’Electronic Frontier Foundation (www.eff.org).
Le site de Copyleft, qui sait manier le sens de l’humour, propose aussi la vente d’un t-shirt pour venir en aide aux programmeurs victimes de la dégringolade boursière et des nombreuses faillites dans le domaine de la nouvelle économie. Le t-shirt, portant l’inscription "dot com refugee", s’adresse aux "millions de réfugiés des Point-com qui doivent s’exiler au Mexique où, à tout le moins, ils trouveront une chambre pour coucher".
La réclame nous annonce aussi que le temps où l’on était payé pour surfer est bel et bien révolu. À lire dans l’excellent dossier de Libération (www.liberation.fr) consacré au piratage informatique.