C’est fou comme il s’en est passé, des choses, en un mois. Comme quoi les vacances ont davantage servi les sujets de cette chronique plutôt que son auteur.
Michel Prescott et Gérald Tremblay qui ont signé une sorte de traité germano-soviétique pour le partage de l’hôtel de ville, donnant forme à une improbable alliance contre l’ennemi. Une trâlée de maires contestataires qui se sont finalement ralliés à Tremblay. Le RCM qui se saborde. Pierre Bourque qui a perdu des plumes dans les sondages. La banlieue qui le boude toujours.
Et il y a eu les squatteurs. En fait, heureusement qu’il y eu le squat de la rue Overdale! Tout l’été politique montréalais peut se raconter autour de cet événement.
Ledit événement est venu nous rappeler que c’était finalement une bonne chose que le RCM soit mort de sa belle mort, le parti de Michel Prescott étant dans une position indéfendable dans ce dossier. Parce que si les squatteurs ont un lieu à squatter, c’est qu’il y a eu dans le passé une administration municipale RCM (dont Michel Prescott faisait partie) qui avait autorisé la démolition de cet ensemble de logements sociaux au nom du développement économique par le marché.
Le squat est venu également nous démontrer que la fusion du RCM avec l’Union de l’île de Montréal, le parti de Gérald Tremblay, paraît toujours aussi improbable, et loin d’être scellée. Sinon, comment expliquer la présence à titre personnel de Michel Prescott (devenu, en dépit du bon sens, l’une des figures de proue de ce parti) aux côtés des squatteurs? N’y avait-il personne au sein du parti pour lui rappeler que, désormais, tous ses gestes et toutes ses paroles impliqueraient le parti?
Le squat a donc fait la preuve par A + B que l’organisation de Gérald Tremblay éprouvait des difficultés. Tout au long de la crise, et ce, jusque 24 heures après son dénouement, pas un mot, pas un communiqué de Gérald Tremblay sur le squat. Les squatteurs emménageaient au Centre Préfontaine quand Gérald Tremblay est apparu pour la première fois. Facile de condamner le cap choisi par le capitaine quand on se cantonne à l’abri pendant la tempête. L’occasion était pourtant belle de servir une gauche au maire…
En bon opportuniste, Gérald Tremblay compte maintenant capitaliser sur la grogne populaire inspirée par le dénouement de cette affaire.
Parce que cela vous a mis en boule. Vous avez prétexté que vous payiez des taxes, un loyer pour vous loger. Que vous attendiez dans les règles depuis belle lurette vous aussi un logement subventionné. Vous avez piaillé que les contribuables étaient les dindons de la farce dans cette histoire, et que les "jeunes" avaient obtenu le beurre, l’assiette, l’argent, la baratte, la vache et même la belle crémière.
D’abord, l’immeuble était inoccupé depuis quatre ans. Depuis quatre ans, la Ville payait déjà l’électricité, le chauffage, et entretenait l’édifice pour… rien, si ce n’est pour lui éviter la ruine. Plusieurs groupes avaient demandé à occuper les lieux, mais leurs projets auraient coûté une fortune à la Ville. Et cette dernière, selon une sagesse que nous ne lui connaissions pas, n’a pas donné suite. Les squatteurs, eux, ont demandé, en échange de la fin de leur siège, un autre toit. Et ils l’ont obtenu. (D’ailleurs, la Ville ne leur a jamais promis les lieux pour l’éternité. Dès les premiers contacts, il fut mentionné que le Centre Préfontaine était une solution provisoire).
Bref, la solution de la Ville ne vous coûtera pratiquement pas une cenne.
Vous avez traité les squatteurs de pouacres alors qu’ils n’ont fait qu’illustrer le ridicule d’une crise du logement dans une ville à moitié vide, et dont le tissu urbain est troué comme un gros gruyère.
En fait, votre mauvaise humeur n’a rien à voir avec l’argent de vos taxes. Ce qui vous trouble, c’est que la Ville ait toléré un crime de lèse-capital en reconnaissant à des anarchistes le droit au viol de la propriété privée. Il est inconcevable, dans notre société nord-américaine, de s’approprier un lieu sans en payer le prix. Comme si la propriété privée n’était pas accompagnée de certaines responsabilités. Peut-on laisser à l’abandon, sans autre utilité que de déparer le décor, un immeuble qui pourrait fort bien servir? Auquel cas, une occupation, bien qu’illégale, n’est pas injustifiée. Surtout si elle tient lieu de manifestation.
Le collègue Roch Côté écrivait dans ces pages, il y a quelques années, que la vraie manifestation politique est un acte révolutionnaire, c’est-à-dire qu’il contrevient aux règles établies.
Ce qui a fait le succès des squatteurs, c’est qu’ils n’ont pas revêtus les oripeaux du peuple pour défendre leur cause. Ils n’ont jamais prétendu être appuyés par le peuple. Ils ont juste dit: on veut un toit. C’était sincère. Et ça a marché.
Et qu’ils aient été appuyés par les incontournables convergences anticapitalistes, et par l’omniprésent Jaggi Singh, ne défait en rien leur propos.
Cette histoire est une sacrée bonne nouvelle pour la démocratie. Si une toute petite bande de cégépiens désorganisés, sans le sou et sans amis dans les coulisses du pouvoir, ont pu mettre à genoux une puissante administration municipale, tout est possible.