Droit de cité : La contradiction des libéraux
Société

Droit de cité : La contradiction des libéraux

Je n’étais pas présent au Congrès de fondation de l’Union des citoyens et citoyennes de l’île de Montréal de dimanche dernier, pour cause de décalage horaire; mais à ce qu’on m’a raconté, ça grouillait de libéraux là-dedans.

Si c’est vrai, la politique est bel et bien un éloge au paradoxe. Ou à la putasserie, c’est au choix. Personnellement, je choisis la seconde option. Je ne crois pas que chez les libéraux de Jean Charest, on passe les journées à résoudre la quadruple racine du principe de raison suffisante d’Arthur Schopenhauer.

Voyez-vous, depuis le dépôt du projet de loi sur les fusions de novembre dernier, les libéraux ne cessent de démoniser la réforme municipale des péquistes. Pas juste en prétextant qu’il s’agit d’un geste antidémocratique parce que forcé; mais parce que le projet lui-même est mal foutu, improvisé, et qu’il faudra de toute façon recommencer à zéro.

Et soudainement, pouf! Il y a des libéraux qui croient aux fusions municipales telles que présentées par le PQ! Ils y croient tellement qu’ils se portent même candidats pour un poste de conseiller municipal dans cette nouvelle ville qu’ils comparaient pourtant à un Titanic en devenir.

C’est à se demander si Jean Charest n’est pas en voie de "stockwelldaylisation". Car il n’est pas question ici d’un petit désaveu. Le droit à la défusion sera au coeur des arguments libéraux lors des prochaines élections provinciales, c’est même une pièce maîtresse de leur programme. Et, à ce que je sache, le programme de l’Union des citoyens et citoyennes de l’île de Montréal ne prône pas le retour en arrière. Et selon toute vraisemblance, le parti de Gérald Tremblay s’opposera à ce qu’il y ait des référendums dans chacune des 28 villes pour savoir lesquelles veulent bien continuer avec la grande ville.

Il faut se souvenir que la promesse libérale est issue d’une proposition soumise à la dernière minute lors du dernier Congrès d’orientation du PLQ, à quelques jours du dépôt du projet de loi sur les fusions. Une proposition improvisée qui a valu au parti de Jean Charest d’être traité de guidoune par certains maires de la banlieue. Ils s’expliquaient mal une attention si soudaine à leurs griefs de la part des libéraux, alors que ces derniers étaient demeurés quasi silencieux sur la question jusque-là.

La proposition de défusion valait à elle seule tout un congrès. Mais on l’a passée dans les dernières heures du Congrès, sans débat véritable, sans même y réfléchir, dans l’unique but de capitaliser sur un événement chaud, sans trop savoir comment la défusion allait s’articuler. On ne le sait toujours pas, d’ailleurs, bien que Jean Charest répète à satiété que le processus se fera en trois étapes.

D’abord, un registre que les citoyens mécontents signeront. S’ils sont en nombre suffisant (on ne sait pas combien il en faudra), une campagne d’information sur les pour et les contre suivra. Puis il y aura un référendum. Après, c’est le trou noir, l’aventure pour l’aventure.

Ça va être du joli, vu d’ici: des libéraux, qui se sont fait beaucoup d’amis chez les élus des villes de la banlieue en leur promettant la défusion, cabalant soudain contre la défusion lors d’un référendum sur la question!

Pourquoi arguer contre le défusion si cette option paraissait une bonne idée il y a quelques jours? Tout simplement parce que plusieurs libéraux de Montréal constatent, après de plus mûres réflexions, qu’il s’agit d’un engagement invraisemblable, aussi vertueux soit-il. Que ce sera tout un noeud à démêler. Imaginez: le prochain conseil municipal sera élu avec le mandat clair de la population de créer la nouvelle ville. Et les libéraux pourraient être élus à l’Assemblée nationale avec le mandat de mettre en branle le processus de défusion. Quelle démocratie aura préséance sur l’autre?

On comprend mieux pourquoi plusieurs conseils municipaux des villes qui disparaîtront à la faveur des fusions votent ces semaines-ci des résolutions pour exiger du parti de Jean Charest qu’il tienne promesse. Ça sent le retour sur la parole.

Pour s’expliquer, les libéraux associés à Gérald Tremblay ont dû faire preuve d’acrobaties intellectuelles spectaculaires. Parce que si ce n’est pas un désaveu de la position officielle du Parti libéral sur la question, je me demande bien ce que c’est. Une marque d’amour pour Gérald Tremblay, peut-être?

C’est ce qu’a soutenu le député Cosmo Maciocia, quand il a dû expliquer sa candidature au conseil municipal sous la bannière de l’Union des citoyens et citoyennes de l’île de Montréal, et à quelques collègues libéraux venus soutenir l’Union. "Jean Charest a dit qu’il répondrait aux demandes de ceux qui veulent défusionner. Si une bonne équipe est élue à la direction de la Ville de Montréal, le jugement des citoyens sera positif et peut-être ne sera-t-il pas la nécessaire de la faire", a dit Maciocia. Plus volontariste que ça, tu crois que la méditation transcendantale imposera la paix dans le monde.

Ce qui est triste, c’est qu’au bout du compte, peu importe où cette promesse libérale nous mènera, les citoyens se sentiront une fois de plus trahis par les élus. Rien pour éteindre le cynisme et la méfiance du peuple à l’égard des politiciens.