![Églises à vendre : Au nom du fric](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/12/10052_1;1920x768.jpg)
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Églises à vendre : Au nom du fric
Abandonnées par leurs fidèles, plusieurs institutions religieuses sont maintenant reluquées par des promoteurs immobiliers et, du coup, défendues par les citoyens de ces paroisses. Voici leur nouvelle croisade…
Alexis de Gheldere
Dès que l’on s’éloigne des grands centres urbains comme Montréal, on remarque un dénominateur commun parmi la plupart des villages que l’on croise sur la route. La construction qui, par sa majestueuse beauté et sa hauteur, attire le plus l’attention est presque toujours l’église.
Symboles communautaires par excellence, les églises se font plus invisibles à Montréal, camouflées par un tissu urbain serré où les tours à bureaux et les immeubles d’habitation les ont dépassées depuis plusieurs décennies. Si les églises échappent à notre vue à Montréal, les fidèles, eux, sont invisibles dans les églises elles-mêmes.
L’église Sacré-Coeur, à l’angle des rue Ontario et Plessis, compte 1800 places et n’est remplie qu’à 10 % de sa capacité lors de la messe du dimanche. Quant à l’église St. Augustine de Notre-Dame-de-Grâce, on y a carrément célébré la dernière messe en avril dernier.
L’archevêché de Montréal se retrouve donc avec 450 bâtiments religieux dont les coûts d’entretien deviennent de plus en plus lourds. À titre indicatif, la facture de chauffage d’une église moyenne s’élève à plus de 20 000 $ par an. L’archevêché pourrait ainsi se départir d’une centaine de bâtiments à vocation religieuse au cours des prochaines années…
À Notre-Dame-de-Grâce, un regroupement de citoyens ayant eu vent du projet de vente et de la construction de 60 condominiums sur le terrain de l’église St. Augustine, a décidé de réagir. "On se disait que ce n’était pas possible qu’ils démolissent le peu de patrimoine qu’il reste à Montréal, explique Marie-Claude La Salle, citoyenne de NDG à l’origine du regroupement Consultation St. Augustine. Mais surtout, poursuit-elle, que ça se fasse sans consulter les citoyens, sans essayer de trouver une solution pour réutiliser ces édifices-là."
Il faut dire que ce quartier a déjà perdu plusieurs édifices patrimoniaux ces dernières années, comme une synagogue rue Terrebonne et l’ancien couvent des dominicains de la rue Notre-Dame-de-Grâce. Une vingtaine d’arbres centenaires avaient alors été coupés derrière le couvent pour permettre la construction d’une vingtaine de maisons. Le monastère du Précieux-Sang, voisin du Collège Villa-Maria, a récemment perdu, malgré l’opposition des citoyens, une trentaine d’arbres matures au profit d’un projet immobilier.
Jeu de pouvoir
Pour mieux comprendre la problématique, il faut s’intéresser aux détenteurs du pouvoir. D’abord, la paroisse St. Augustine, et son conseil de fabrique qui administre les biens. Celui-ci détient le pouvoir de vente. Ultimement, ce conseil relève de l’archevêché de Montréal.
Par ailleurs, il y a le promoteur immobilier qui, bien sûr, possède le pouvoir d’acheter la propriété. Cependant, le pouvoir politique municipal, en décidant d’accorder ou non un permis de construction, peut bloquer le processus. Enfin, et non le moindre, le pouvoir démocratique, celui des citoyens représentés par le regroupement Consultation St. Augustine.
Ce regroupement a donc décidé d’attirer l’attention des instances municipales en invitant le maire Bourque sur les lieux. Avec lui est apparu un cinquième pouvoir, celui des médias. "La presse écrite, les stations de télévision et de radio se sont déplacées pour entendre le maire déclarer qu’il allait tout faire pour préserver cette église faisant partie du patrimoine de Notre-Dame-de-Grâce, raconte Marie-Claude La Salle. La Ville allait refuser les permis de démolition ou de changement de zonage."
Cette décision était d’autant plus surprenante que les promoteurs immobiliers et les élus municipaux sont réputés pour marcher main dans la main. Et pour cause, puisque les nouvelles constructions amènent avec elles de nouveaux payeurs de taxes foncières qui aideront à remplir les coffres de la Ville (pour ceux qui se le demanderaient, les institutions religieuses sont exemptées de taxes foncières).
Des négociations sont en cours entre la Ville de Montréal et l’archevêché pour discuter de la transformation des églises. Une chose est certaine, monseigneur Turcotte et le maire Bourque sont tous deux sensibles à la question. De plus, la ministre d’État à la Culture et aux Communications, Diane Lemieux, étudie un plan pour protéger le Mont-Royal et ses environs, où se trouve une forte concentration d’institutions religieuses courtisées par les promoteurs immobiliers.
Nouvelle vocation
Nombre de citoyens et d’associations suggèrent de redéfinir le rôle des églises. On pourrait alors conserver leur beauté tout en leur trouvant une nouvelle fonction. L’idée des mairies d’arrondissement a été adoptée par le maire Bourque qui espère ainsi sauver une dizaine d’églises de la région montréalaise.
Mais ce n’est pas la seule idée sur la table. Consultation St. Augustine propose de transformer le presbytère de l’église en garderie. Dans un quartier familial comme NDG qui manque cruellement d’espace en garderie, la suggestion semble géniale.
Toutes ces propositions sont présentement à l’étude. La Ville de Montréal, suivant la recommandation de Marie-Claude La Salle, a engagé un architecte pour étudier les coûts de transformation des églises selon les différentes options. Un rapport est attendu sous peu.
Ce qu’il faut espérer, c’est que le cas de l’église St. Augustine fera en quelque sorte jurisprudence en la matière, c’est-à-dire que les citoyens seront consultés avant une vente d’église. Après tout, ce sont eux ou leurs ancêtres qui ont financé ces institutions tout au long de leur vie. Pourquoi ne pas continuer à accompagner l’église vers une résurrection prochaine?