Questions : Entrevue avec Chantal Fontaine
Société

Questions : Entrevue avec Chantal Fontaine

Véritable phénomène de la télévision, le téléroman quotidien Virginie amorce cet automne sa sixième saison. Au fil des ans, on a étroitement associé l’interprète CHANTAL FONTAINE à son personnage, tant et si bien qu’aujourd’hui le Québec tout entier ne semble plus discerner l’une de l’autre. La principale intéressée nous entretient de ce qu’est la cohabitation au quotidien avec Virginie.

Est-ce que le personnage de Virginie a été écrit expressément pour vous?

"Non, parce qu’à la base Fabienne ne pensait pas à moi quand elle l’a écrit. Le casting a été particulier. Ils ont casté tous les rôles périphériques et il restait la Virginie à trouver. Il y avait des filles qui en étaient à leur troisième tour d’audition pour ce rôle quand j’ai été appelée. Comme j’étais dans Urgence, Fabienne me connaissait déjà, mais c’est le réalisateur-coordonnateur de l’époque qui avait vu un court-métrage que j’avais fait et qui m’a convoquée en audition."

Le rôle de Virginie est devenu l’essentiel de votre travail et une grande part de votre vie. Que représente le personnage pour vous?
"C’est une vie parallèle. Je me fais plus souvent appeler Virginie que Chantal. Je réponds au nom de Virginie. Je dirais même que pendant l’année, sauf durant la période estivale, je passe plus de temps en Virginie qu’en Chantal. […] C’est un alter ego très fort, elle me devance partout: les photos, les publicités, etc. Elle a une vie en soi et ça c’est particulier. Souvent on vient chercher Chantal Fontaine, mais en fait, c’est Virginie que l’on vient chercher."

N’est-ce pas schizophrénique?
"C’est bien séparé. Virginie ce n’est pas moi, on n’a pas le même discours, on n’a pas la même vie. Mais il y a une vie parallèle parce que comme c’est tourné en chronologie, quand je parle dans Virginie de ce qui m’arrive, ça m’est vraiment arrivé. Si je dis que je me suis chicanée avec ma mère, je l’ai vraiment fait: on l’a tourné dans le studio d’à côté. Virginie a donc sa vie à elle. Son frigo fonctionne et le beurre d’arachide n’est pas passé date parce qu’on a plein de scènes de déjeuner! Moi, ça ne m’embête pas. Virginie est en avant et moi ça me permet de rester en arrière et de garder mon intimité et ma vie privée. Je ne suis pas fâchée qu’elle soit là, elle me permet de gagner ma vie, c’est une bonne fille!"

Vous ne craignez pas d’être étiquetée Virginie?
"Il n’y a pas de crainte, il y a une certitude. Les gens qui me croisent dans la rue m’appellent Virginie. Quand est-ce que le contrat va finir? Je ne sais pas. Je n’ai jamais atteint la moitié du contrat: je termine une année et Fabienne en signe deux. Alors avec les années, j’ai arrêté de m’en faire parce que je ne sais pas quand ça va s’achever, et en même temps, ça va me permettre d’avoir une plus grande liberté après. Je n’aurai pas à attendre que le téléphone sonne pour me remettre à travailler, j’aurai la liberté de monter moi-même des projets que j’aime."

Est-ce que Virginie influence Chantal Fontaine et vice-versa?
"C’est dur de répondre à ça. Il y a des moments où je dois tourner une scène qui va me faire penser à ce que je vis, mais c’est sporadique. Sûrement que Chantal influence Fabienne, on est des copines, et avec les années, elle me connaît tellement que je dois l’influencer. Mais on est deux femmes différentes moi et Virginie, elle est beaucoup plus carrée, plus traditionnelle, moi je suis un peu plus flyée, un peu plus bohème."

Certaines séries offrent un dépaysement, de l’évasion, mais Virginie s’attarde plutôt à la réalité. C’est un divertissement calqué sur le quotidien…
"Les gens se reconnaissent. Je me fais dire: "Tu ressembles à ma cousine, tu ressembles à ma fille, tu es pareille comme ma soeur…" Les gens me disent même "salut", puis ils se rendent compte qu’on ne se connaît pas. Mais tous les jours, je suis dans leur salon. Ils connaissent ce monde-là. C’est la réalité, c’est leur famille. Alors c’est très différent d’univers que l’on ne connaît pas et qu’on se plaît à regarder. Je ne sais pas si on pourrait avoir la dimension quotidienne avec une série d’évasion. C’est le quotidien parce que ça parle du quotidien."

Virginie est un condensé de la réalité, mais demeure aussi une fiction. Virginie prend quasiment l’allure d’un modèle à suivre…
"Pour Fabienne, Virginie est une héroïne qui est pure. Il n’est pas question qu’elle attrape de maladies honteuses! C’est comme ça qu’elle la voit, c’est comme ça qu’elle la veut. Il n’est pas question que mon chum me trompe, c’est impossible. Alors elle continue à enrichir Virginie de cette image-là."

Comment expliquez-vous le succès et la longévité du téléroman?
"C’est vraiment attribuable aux personnages. Les gens se sont attachés. Le milieu scolaire, c’est un mélange de toutes les générations, ça touche beaucoup de monde, des jeunes aux plus vieux. Et ça touche vraiment beaucoup de classes; un juge va me parler de la série, tout comme un ouvrier ou un décrocheur. Les gens nous disent souvent qu’écouter Virginie avec leurs ados, ça les fait parler de choses dont ils ne parleraient pas nécessairement sinon, ça amène la discussion."

Êtes-vous rendue à un point où vous vous sentez une responsabilité sociale?
"Des fois oui. On me demande beaucoup de marrainer ou d’être présidente d’honneur d’événements pour décrocheurs ou autres. C’est probablement l’influence que Virginie a eue sur ma vie: devenir cette espèce de modèle de femme qui est proche de ceux qui n’ont pas la vie facile. Ça m’a amenée à faire beaucoup de choses qui n’ont pas rapport à mon métier de comédienne, mais à l’être humain."

Propos recueillis par Nicolas Houle