David Azran
connaît bien la politique de son pays, ayant servi en tant qu’officier dans l’armée israélienne. Nous l’avons rejoint mardi en après-midi à sa résidence de Haifa, ville du nord d’Israël.
Quelle est l’atmosphère en Israël en ce moment?
"J’ai couru toute la journée en quête d’information. Les gens ne parlent que de ça; durant les deux premières heures après l’attaque, il était impossible de se parler par cellulaire, les lignes étaient toutes occupées. Pour l’instant, nos pensées vont au peuple américain qui sait maintenant comme nous ce qu’est le terrorisme. Nous avons aussi été terrifiés par les images qu’on nous a présentées à la télévision de Palestiniens de Gaza et de Jérusalem, dansant et chantant."
Cette attaque est majeure, vu du Québec cela ressemble davantage à une déclaration de guerre…
"Oui, je ne crois pas qu’en Israël on ait vécu une si grosse attaque. Vous savez, ici, il y a régulièrement des voitures qui explosent, mais là… les gens n’auraient jamais cru cela possible, encore moins aux États-Unis. Le danger est que devant un tel succès, les terroristes pourraient être tentés de passer à autre chose. Ce qu’on a vu à New York n’est donc peut-être rien encore. Des armes biologiques pourraient bien être utilisées la prochaine fois. Il est donc impératif d’arrêter ces terroristes, car visiblement, leur objectif est de faire le plus de morts possible."
Du point de vue des Israéliens, qui est derrière cette attaque, quelle est votre explication de cet événement?
"On ne sait pas, comme tout le monde, on est confus. On parle de Ben Laden, mais il y a d’autres suspects. Des gens spéculent ici à l’effet que l’Irak pourrait être derrière l’attentat, car le pays est un terrain d’entraînement pour les pilotes destinés à ce type d’attaque. Il est aussi possible que ce soit une milice antigouvernementale américaine."
Le gouvernement israélien a-t-il pris des mesures particulières?
"La sécurité est toujours forte ici, la seule chose qui a changé pour le moment est la fermeture de l’aéroport Ben Gourion et de l’espace aérien pour 24 heures. Pour la suite, nous sommes dans l’attente des développements aux États-Unis."
Quel lien existe-t-il entre cette attaque contre les Américains et la situation entre Palestiniens et Israéliens?
"Je ne sais pas, cela n’arrangera sûrement pas les choses pour l’avenir… Ce que je sais par contre, c’est qu’on doit lutter contre la terreur."
Est-ce qu’Israël est préparé à une attaque du genre?
"J’en doute. L’État doit dépenser environ deux milliards $ US pour la sécurité et l’espionnage. Les Américains doivent être terrassés, car ils investissent des sommes bien plus grandes dans ce domaine et n’ont pas vu venir le coup. C’est donc terrifiant de voir qu’on demeure toujours vulnérable."
Les Arabes de Québec menacés
Les répercussions de l’attentat de New York se font sentir jusqu’à Québec alors qu’on apprenait que des menaces de mort auraient été proférées à l’endroit d’étudiants musulmans de l’Université Laval. Bassam Adam, étudiant au doctorat et cofondateur du Cercle de réflexion sur le monde arabe de l’Université Laval, préfère cependant rester calme. "J’ai entendu parler des menaces, mais je n’y crois pas vraiment. Tout de même, je sais que des gens se sont réunis pour se rassurer, ils se sentent un peu menacés. Je crois que le problème vient du fait que dans la culture occidentale, l’ennemi islamiste a en quelque sorte remplacé l’ennemi communiste. Les médias ont parfois cette propension à faire une équation simple entre islam et terroriste. C’est dommage, car tous les Arabes avec lesquels j’ai discuté condamnent le geste. J’ai moi-même connu la guerre au Liban et rien ne peut justifier ça." Pour monsieur Adam, ce qui est en cause, ce n’est donc pas la religion islamique, mais une situation socio-politique injuste qui perdure au Moyen-Orient. "À tort ou à raison, des gens là-bas imputent aux Américains la responsabilité d’une partie de leurs problèmes. Je crois que les Américains doivent maintenant le réaliser et modifier leur politique en conséquence", conclut-il.