Vous vous réveillez un matin au milieu d’une fissure du temps, une nouvelle de Tom Clancy, l’adaptation sans sous-titres d’un de ces romans d’espionnage qui finit en mauvais film d’action. Passé la porte du bureau, vos plus matinaux collègues vous font une farce tous en choeur. Auriez-vous oublié un anniversaire?
Et puis, pour preuve que ce n’est pas une blague, la télévision.
Youps! Comme dans Air bagnards des avions percutent des édifices. Le World Trade Center s’est écroulé. Des milliers de morts, un flot de sang et une marée humaine qui quitte la ville comme au temps des grandes guerres.
Le président est parti se cacher dans son bunker. Le parlement est fermé. L’Amérique serait en guerre si elle savait contre qui riposter.
On croit rêver. La mâchoire vous pend.
Puis on se dit que toute cette fiction, si quiconque a pu l’imaginer, c’est bien parce que de telles éventualités existent.
Et quelquefois, l’accumulation de facteurs les poussent à se concrétiser.
Ce sont les conséquences d’un cocktail d’ingrédients extrêmement volatils et d’un immense laisser-aller prétendront certains.
– Les conséquences de l’avidité, de la cupidité croissante des bien nantis qui entretient la flamme de la haine atavique d’une grande partie du tiers-monde pour le modèle américain ?
– La conséquence de l’entrée en fonction de l’administration Bush, dont l’immobilisme en matière de politique étrangère reste un facteur de déstabilisation. On ne peut pas s’afficher en roi, supplanter l’autorité de l’ONU dans la gestion des affaires du monde et subitement refuser de porter le poids de sa couronne. L’isolationnisme politique es-t-il encore de ce siècle ?
– La conséquence de L’intransigeance d’Ariel Sharon et des intégristes et fanatiques de toute trempe qui, en Israël, se sont peu à peu rapprochés du pouvoir ?
– Choisissez toutes ces réponses. Ajoutez-y le délire religio-mystique des fous d’Allah qui trouve un terroir fertile parmi les opprimés, les déracinés de Palestine et du Moyen-Orient auxquels on refuse obstinément une patrie.
Et puis après?
Malgré cela, la question reste entière et elle écoeure totalement: qu’ont donc à voir dans tout cela les pauvres gens qui travaillaient, ou passaient au World Trade Center?
Avaient-ils offensé quelque nation arabe? Proféré la haine de l’islam? Exploité le pauvre, l’orphelin du Proche-Orient en commandant du poulet frit et en portant des t-shirts Nike?
Est-on nécessairement solidaire des positions des grandes entreprises et des actions de son gouvernement? Lorsque l’on porte le nom d’une nation, assume-t-on les responsabilités des choix de ses dirigeants en matière de politique internationale? Que non. Assurément non. Pas plus dans nos pseudo-démocraties manipulées qu’en dictature.
Alors pourquoi nous balancer des avions sur la tête? Quelle autoanalyse peut tenir devant 30 000 morts. Et plus ridicule encore, combien de pro-Palestiniens, de musulmans convaincus figurent même au sein des victimes du World Trade?
Alors on peut bien se gratter les puces. Analyser et culpabiliser. En bon chrétiens, avoir le dos large comme une valise. Porter à gauche, réfléchir aux responsabilités de l’Amérique dans cette immense escalade de la violence. Rien n’y fait et sa logique dépasse l’entendement. Et strictement parce qu’il reste encore tellement de sales cons dans la grande cour d’école du monde qui tiennent encore côtés à se servir des pires armes afin de faire valoir leurs opinions elle pousse même les plus tendres, devant de telles images, à choisir leur camp. Et par les temps qui courent, ne serais-ce que géographiquement, émotivement, nous sommes tous des américains.
Et nos pensées accompagnent les victimes de ces acte innommables.