![Discrimination envers la communauté arabe : Tous pareils?](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/12/10286_1;1920x768.jpg)
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Discrimination envers la communauté arabe : Tous pareils?
Au lendemain de la tragédie aux États-Unis, un regard accusateur s’est porté à tort sur toute la communauté arabe. À Montréal, cette dernière n’a pas échappé à la discrimination. Loin de là.
Steve Proulx
Photo : Stefane Côté
On a vu les tours tomber. Plusieurs fois, à la loupe, sous tous les angles, au ralenti… Puis, on a vu des gens couverts de suie, d’autres qui fuyaient, d’autres qui pleuraient, d’autres qui brandissaient des photos de leurs proches disparus… À travers le chaos, on a aussi vu ces hommes et ces enfants des lointains pays arabes rire, distribuer des gâteaux, d’autres qui tiraient en l’air en guise de victoire… Le premier acte était signé. L’heure de la vengeance allait sonner.
Ces images du réseau CNN ont évidemment indigné toute la planète, laissant les téléspectateurs occidentaux confus et choqués devant l’écran cathodique. Et c’est ainsi qu’à force de repasser le clip, cette vingtaine de festifs Palestiniens sont devenus, aux yeux de la majorité, les représentants de toute l’entité musulmane arabe. Toutes catégories confondues. Peut-on parler de désinformation? Certains déclarent que l’événement est isolé.
Il reste qu’à Montréal, comme partout dans le monde, la communauté arabe se dit sous le choc. Certains accusent les médias de contribuer, encore une fois, à déformer la réalité en transformant un filet d’extrémistes en porte-étendards de l’opinion musulmane.
Ces jours-ci, plusieurs des 100 000 membres de la communauté musulmane à Montréal sont inquiets. "Pour le moment, je ressens un malaise face à mes amis non musulmans. Je crains le pire lorsqu’on montrera les cadavres, raconte Lahssen Abbassi, bénévole au Centre jeunesse arabe à Montréal. Ben Laden est très loin de notre réalité. Sur le plan des sentiments, on ne le sent pas du tout… Cette guerre par l’image est dommage." Abbassi, qui côtoie plusieurs jeunes musulmans, commente leurs craintes: "Les jeunes sont un peu traumatisés, ils veulent se dissocier de cet acte grave, qui nuit aux causes justes comme la pauvreté."
Coupable malgré elle
À Montréal, on pourrait penser que la communauté arabe soit, pour certains, responsable de ces actes. Actes pour lesquels elle devrait porter le blâme… Un peu partout, on nota quelques événements isolés: avant d’entrer à l’école, on demandait à des jeunes filles de ne pas porter le tchador, pour éviter de mettre de l’huile sur le feu… Ailleurs, on a vu des voitures de police veiller à l’entrée des écoles musulmanes. Mis à part ces quelques événements mineurs, on ne peut pas dire qu’à Montréal l’heure soit à la vengeance envers la communauté arabe. Luc Belhumeur, agent d’information au SPCUM, dresse un premier bilan: "À ce jour, on n’a rapporté qu’un seul événement isolé. Quelqu’un a appelé le 9-1-1 à la suite d’un feu qui s’était déclaré à l’entrée d’une ancienne mosquée du boulevard Saint-Laurent. Le feu a été rapidement maîtrisé." Même s’il ne craint pas d’autres actes haineux envers la communauté musulmane de Montréal, le SPCUM s’est tout de même mis en vigie tout de suite après les événements du World Trade Center, pour éviter de potentielles flammèches…
Ce n’est pas un événement nouveau que cette fausse association entre fanatiques, islamistes et Arabes de tout acabit. Au cours des dernières années, quelles nouvelles heureuses avons-nous reçues de ce peuple? L’obstination des médias à ne couvrir que les aspects tordus de l’islamisme a contribué, peu à peu, à véhiculer cette forte image de l’Arabe belliqueux, paternaliste et extrémiste. Avec la gravité des présents événements, ce mal d’être Arabe risque de prendre de plus grosses proportions.
Redorer ce blason souillé par une poignée de fous est une tâche à laquelle toute la communauté doit participer. Salam Elminyawi, président du Moslem Council of Quebec, une organisation qui rassemble quelque 40 mosquées de la province, remet les pendules à l’heure: "Ce que je peux voir, c’est que l’islam est accusé à tort à propos de toutes sortes d’événements, alors que les gens qui commettent ces actes le font de façon contraire aux lois de notre religion. Les images qu’on a vues à la télé traduisent un événement isolé et je peux vous garantir que les 1,3 milliard d’autres musulmans à travers le monde condamnent cette barbarie."
Selon un texte de Fatima Houda-Pépin, députée libérale de La Pinière et Marocaine d’origine, "ce qui frappe, en ce qui concerne le traitement de l’information sur l’Islam, c’est son caractère sensationnaliste". Quand la question musulmane vient sur la sellette, le champ lexical qui l’accompagne est composé des mots: terroriste, violence, fou, intégrisme. Mais le plus grave, c’est cette connivence entre les médias et l’intégrisme: "Cette attraction n’est pas le fruit du hasard, car l’intégrisme présente les trois ingrédients dont raffolent les médias: violence, sexisme, fanatisme", poursuit Houda-Pépin.
Communautés solidaires
Comme c’est le cas dans tous les autres conflits mettant en scène un chapitre fanatique de la communauté arabe, Oussama ben Laden et sa poignée de terroristes sont rapidement devenus, aux yeux de la masse, les symboles de ces "fous d’Arabes". Sans pointer personne, Salam Elminyawi reste catégorique: "Les médias font un très mauvais travail. J’ai hâte que cesse ce jeu inutile. En ce qui concerne les récents événements, nous voulons pour le moment concentrer nos prières pour les victimes, parmi lesquelles se retrouvaient des musulmans. Par contre, nos prières s’adressent aux victimes de toutes les religions…"
Salam Elminyawi est évidemment touché par l’opinion biaisée des médias et du public face aux musulmans mais reste confiant dans les Montréalais: "Montréal est une ville très ouverte et très accueillante et son contexte culturel est spécial. Je me rappelle, lors de la crise du verglas, des voisins juifs, musulmans et catholiques s’aidaient dans la plus pure harmonie." D’ailleurs, après les récents attentats, on raconte qu’un Québécois catholique se serait rendu dans une mosquée afin d’offrir son support aux musulmans. C’est, bien sûr, un événement isolé qui ne mérite pas non plus qu’on le mentionne, mais en temps de "guerre", les événements isolés qui rapprochent les peuples sont plus importants que ceux qui les divisent…
Équilibre critique
S’il y a un endroit où l’équilibre entre les différents groupes ethniques est critique, c’est bien dans nos établissements scolaires! Le Collège de Bois-de-Boulogne compte, parmi sa population étudiante, bon nombre de membres de la communauté arabe. Selon Danielle Beaudoin, responsable des communications: "À la suite des événements, on a émis un communiqué interne indiquant que les cours n’étaient pas annulés. On invitait plutôt les professeurs à échanger avec les étudiants."
Le Collège de Bois-de-Boulogne a d’ailleurs érigé une grande murale sur laquelle tous les jeunes pourront écrire leurs pensées relativement à cet événement. Selon les commentaires des professeurs, le sentiment général des jeunes est la peur de la guerre. On comprend mal comment on pourrait régler un problème du genre par la violence. Si seulement les jeunes pouvaient garder cet idéal jusqu’au moment où leur tour viendra d’être les maîtres du monde…