Société

Les lecteurs réagissent à l’attentat : Réactions en chaîne

Les attentats survenus aux États-Unis n’ont pas manqué de faire réagir nos lecteurs. Voici plusieurs réactions qui démontrent que les tragiques événements soulèvent l’ire. Et les passions, surtout.

Pour plus d’équité

À la suite du 11 septembre 2001, jour de l’effroyable attentat terroriste perpétré contre les États-Unis au World Trade Center, à New York, ainsi qu’au Pentagone, à Washington, est-il possible pour le gouvernement états-unien d’adopter une attitude et une réaction qui fassent appel à la raison malgré tout? Comment réconforter les parents des nombreuses victimes et comment obtenir réparation ou justice, dans la mesure du possible, de la part des coupables lorsque ceux-ci auront été identifiés, tout en ne tombant pas dans le piège ou l’erreur de la vengeance pure et simple qui ne viserait qu’à requinquer l’ego national de la plus grande puissance militaire de la planète et de tous les temps? Le président Bush des États-Unis a déclaré ce soir qu’il allait "pourchasser et punir les coupables". Mais encore, monsieur le président? (…)

Si George Bush voulait agir avec sagesse après cette terrible épreuve subie par des milliers de ses concitoyens, il ne devrait pas parler de représailles militaires, mais d’une nouvelle attitude à adopter, dorénavant, par le gouvernement du pays le plus puissant de la planète, une attitude plus humble, et aussi une attitude penchant résolument vers plus d’équité dans ses relations diplomatiques et économiques avec tous ses partenaires internationaux, riches ou pauvres.

Noël Laflamme
Montréal

Les raisins de la colère
Le 11 septembre, ce ne sont pas les tours du World Trade Center qui se sont effondrées mais plutôt deux symboles parmi tant d’autres du nouvel ordre mondial que l’on pensait vraiment pouvoir bâtir. Un monde de richesse et de bonheur ici, et de misères ailleurs qui nous laissent indifférents.

Dans la matinée du 11 septembre, effroyable preuve nous a été donnée que nous l’avions tout faux. La colère des "autres" nous est revenue en un monstrueux boomerang. (…)

Les monarchies dictatoriales et conservatrices du Golfe (les Émirats arabes unis, le Koweït, l’Arabie Saoudite et autres) vont être ébranlées et déchirées entre un sage ralliement à la colère américaine et une possible révolte alors de leurs peuples. Les anciens ennemis vont glousser sous cape (même Cuba affirme, pince-sans-rire, son indignation) alors que les alliés vont peu à peu se défiler (aucun État occidental ne voudra soutenir les USA s’ils pensent rejouer l’opération Tempête du désert). Les médias et l’humanitaire vont de nouveau se plaindre du manque de collaboration des instances militaires. Après le show, on pourra alors revenir aux affaires sérieuses: est-ce que le Canadien a une chance cette année sans Koivu? Et à Montréal, sera-ce Bourque ou Tremblay? Et tout le monde sera heureux, ne voulant pas savoir que ces demi-réponses pavent la voie du prochain attentat.

Car, en effet, l’Occident vote majoritairement pour une marche furieuse sur ces pays renégats qui abritent les terroristes mais il veut que la revanche soit sans pertes. Ainsi, il élimine la possibilité d’une opération terrestre. La seule qui aurait pu épargner quelques victimes civiles mais surtout atteindre les cerveaux des attentats de mardi dernier. La seule solution franchement efficace, mais qui a le défaut de ne pas garantir le risque zéro. Que des bases soient autorisées dans les pays voisins ou que les troupes soient parachutées, cette opération ne peut se faire sans pertes de vies humaines. Mais voilà, depuis le Viêt Nam et la Somalie, l’Amérique ne connaît qu’une seule façon de faire "sa" guerre: dans les airs, très loin dans les airs.

Qu’importent les victimes civiles, qu’importe le feu de la haine qui va pleuvoir dans le ciel de Kaboul, qu’importe la spirale de vengeance ainsi entretenue, Bush frappera et l’Amérique sera derrière lui. Inconsciente qu’elle fait ainsi mourir la logique de paix. Inconsciente qu’elle réagit exactement comme les lobbys militaires (le Congrès américain accorde pleins pouvoirs et budget militaire illimité au président pour sa réplique à l’attentat) et tous les terroristes du monde (dont l’infâme Oussama ben Laden) l’auraient souhaité: attirer tous les indécis dans les coins de l’extrémisme. La guerre 1, la paix 0.

En tennis, on l’appelle unforced error!
Et nous y donnons tous de la tête.
Le terrorisme a placé son pion et claque la langue de contentement.
Échec et mat!

François Bugingo

Réaction de la communauté musulmane
Je joins ma voix à celle de l’ensemble de la communauté musulmane canadienne pour condamner les actes monstrueux qui ont frappé des milliers d’innocents le mardi 11 septembre 2001. Nous sommes profondément attristés par les pertes humaines mais également par ces milliers d’enfants qui se sont soudainement retrouvés orphelins. Nous sommes absolument dégoûtés par les images d’horreur qui ont dépassé toute fiction hollywoodienne. Ces attentats sans précédent sont effroyables et le mot est faible!

Nous présentons toutes nos condoléances à toutes les personnes qui ont perdu un proche, un ami, un collègue ou encore une connaissance.

Nous aimerions également que l’ensemble des Canadiens, toutes croyances

Confondues, puissent faire la différence entre le terrorisme et l’islam, et que ce genre de

catastrophe ne provoque pas chez eux une réaction d’islamophobie envers leurs voisins, collègues et citoyens canadiens musulmans, si toutefois l’auteur ou les auteurs se révélaient être des musulmans.

Les manifestations de joie que nous avons pu voir dans les territoires occupés en Palestine ou encore en Égypte et qui peuvent provoquer chez nous, citoyens d’un Occident confortable et sécuritaire, un sentiment de dégoût et des montées de nausée, doivent être mises dans leur contexte politique, culturel et surtout historique. Le peuple de la Palestine, qui vit dans l’oppression de l’autorité israélienne depuis plus d’un demi-siècle, ne peut que voir dans cette catastrophe des États-Unis, allié incontestable d’Israël, un sentiment de revanche pour ces milliers d’enfants, de femmes et d’hommes palestiniens massacrés dans cette horrible guerre, mais aussi pour ces millions de réfugiés et d’exilés qui vivent dans l’humiliation quotidienne.

Aujourd’hui, plus que jamais, unissons-nous pour ces millions d’enfants qui meurent à travers le monde quel que soient leur couleur, leur religion ou leur appartenance ethnique. Prions pour tous les innocents qui ont péri à New York mais qui aussi périront demain sous la riposte américaine rapide et qui, ne nous en étonnons pas, sera aussi sanglante, sinon plus.

Nadia Touhami
Montréal

Un cri pour la paix
Les événements survenus aux États-Unis ce 11 septembre sont d’une horreur incroyable. Malheureusement, cet événement risque de largement enflammer une haine injustifiée et généralisée de façon erronée envers les peuples musulmans ou islamiques. Le plus grand danger aujourd’hui réside dans cette haine qui ne peut qu’engendrer encore plus de violence, plus près de nous, voire dans le coeur de nos enfants.

Il devient grave lorsque, dans nos écoles, nos enfants commencent à s’en prendre à des enfants musulmans en guise de vengeance. Il devient grave lorsque l’on voit à la télévision des enfants palestiniens crier leur joie face aux événements tragiques du World Trade Center. Oui, il faut faire la lutte au terrorisme. Mais il faut aussi et surtout unir nos peuples pour la paix et la tolérance. Il faut enseigner cette paix et cette tolérance. Nous ne pouvons pas être insensibles face à ces événements. Nous ne pouvons pas être passifs et ne rien faire.

Jean-François Audet
Longueuil

Lettre à Jean Chrétien
Monsieur le premier ministre,
Le milieu de la coopération et de la solidarité internationales au Québec, représenté par l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), qui regroupe une cinquantaine d’organismes intervenant dans une centaine de pays du Sud et de l’Est, dénonce énergiquement les attentats terroristes commis le 11 septembre dernier aux États-Unis. Nous tenons à exprimer notre indignation profonde. Nous compatissons avec les milliers de victimes innocentes de cette tragédie innommable et leur témoignons toute notre sympathie.

Profondément inquiets de la tournure que prennent les événements depuis cette tragédie, nous voulons partager avec vous notre réflexion et nos recommandations relatives aux suites de cet horrible événement et à ses conséquences multiples. (…)

Au lieu de céder à la psychose de la peur et à l’appel à la vengeance, ne faudrait-il pas réfléchir sérieusement aux solutions susceptibles de mettre un terme au cycle infernal de violence qui a fait déjà beaucoup trop de victimes, partout dans le monde? Vous avez le choix entre proposer une réponse militaire, c’est-à-dire une logique de guerre, ou une réponse politique, c’est-à-dire une logique de paix. Une logique de paix inclurait nécessairement une réflexion sur les causes de la violence, notamment les violations du droit international, la grande pauvreté et les inégalités croissantes.

Par ailleurs, monsieur le premier ministre, nous vous demandons d’intervenir de façon soutenue pour calmer les esprits et appeler la population canadienne à des comportements dignes des traditions démocratiques de notre pays. En effet, depuis que les autorités américaines ont soupçonné des individus ou des groupes d’origine arabe, afghane et musulmane d’être les auteurs de cet attentat, des citoyennes et des citoyens canadiens, et aussi américains, d’origine arabe et/ou musulmane, sont devenus aussitôt l’objet de méfiance et de comportements ouvertement racistes de la part de leur entourage immédiat. Nos compatriotes originaires des pays arabes et ceux de confession musulmane ne peuvent être tenus responsables de tels actes, que par ailleurs ils condamnent sans réserve. Dans un pays d’immigration comme le nôtre, nous croyons que vous avez la responsabilité d’appeler la population au calme et à la raison pour éviter que la situation ne dégénère en de multiples conflits sociaux.

Il ne faut pas que notre pays se laisse entraîner dans une logique de guerre. Ce n’est surtout pas la voie à suivre pour vivre dans un monde de paix. Il est primordial et urgent de changer notre façon de concevoir la sécurité nationale et la lutte au terrorisme, y compris le terrorisme d’État. À notre avis, il ne sert à rien d’augmenter le budget militaire, car même l’arsenal d’armement le plus sophistiqué au monde ne pourra jamais nous protéger contre ce genre d’attaque imprévisible. Les ONG de coopération et de solidarité internationales sont bien placées pour savoir qu’il n’existe pas d’autres voies vers la paix que l’analyse des sources de conflit, le dialogue entre les peuples et le développement durable, fondé sur la justice sociale et le respect des droits humains pour toutes et tous. Si tous les pays qui se mobilisent en ce moment pour lutter contre le terrorisme s’étaient concertés de la même façon pour faire appliquer le droit international qu’ils disent reconnaître, nous n’en serions pas là.

Francine Néméh
Directrice de l’AQOCI

Vigilance, les Américains!
Depuis quelques années déjà, je sentais que l’on se dirigeait vers la chute de l’empire américain. Nous assistons au début de la fin. Le peuple américain ne surmontera jamais cet affront. Nos voisins du sud ne sont plus inatteignables, ni plus forts que tous. Ils ont semé leur façon de penser sur toute la planète et récoltent aujourd’hui le fruit de leurs vains efforts à convaincre le monde entier que ce sont eux qui ont raison. Tout empire qui décide de diriger le monde à SA façon peut s’attendre un jour à perdre le contrôle.

Le geste qui a été posé est inhumain. Le gouvernement, appuyé par le peuple américain, va pointer du doigt toute une communauté. Mais dans les faits, il n’y a qu’une poignée d’extrémistes, répartis à travers le monde, qui soient responsables de toute cette horreur.

Le geste des terroristes est condamnable; celui que posera le président des États-Unis l’est tout autant. La vengeance est peut-être douce au coeur de l’Indien, mais il ne faut pas être sauvage pour autant. Peu importe ce qui arrivera, le sang a coulé et coulera encore. Pourtant, à travers cette tragédie, la foi de ceux qui s’en sont sortis a grandi. Ceux qui sont morts ne sont pas morts pour rien. Cette ignominie fera avancer les choses, nous fera prendre conscience de notre fragilité. Personne ne peut être indifférent devant une telle situation.

Le rêve américain est mort dans ce cauchemar. Les répercussions sont inimaginables. Ce que nous décrivons aujourd’hui comme le pire affront à la liberté marque le début d’une ère nouvelle. Après cette guerre, qui vraisemblablement aura lieu, les survivants de ces affronts comprendront que jamais plus il ne doit y avoir de frontières.

Que la mémoire de toutes ces innocentes victimes nous fasse réaliser nos erreurs occidentales. Voilà une belle occasion de prouver à la face du monde que le pardon existe encore et qu’il y a d’autres moyens de régler nos problèmes qu’en montant aux barricades, arme au poing.

Steve Therrien

Non aux pistolets
Le gouvernement américain prend à l’instant même des décisions extrêmement importantes, et dont les conséquences dépasseront évidemment ses frontières. On aime bien croire que les gens qui prennent des décisions aussi graves sont conseillés par les meilleurs cerveaux, par les spécialistes les plus brillants. La ridicule guerre du Golfe, entre autres, nous permet cependant d’en douter. Le président Bush a dit aujourd’hui qu’il ne ferait pas de distinction entre les individus impliqués et les gens qui les protègent. Est-ce à dire qu’il n’hésiterait pas à entrer en guerre avec un ou plusieurs États, si on découvrait une quelconque collaboration? Je ne crois pas que les pays "alliés" aux Américains devraient laisser aller M. Bush les bras croisés.

Il faut distinguer les individus des États, de la même façon que les malheureux qui sont morts aujourd’hui n’ont rien à voir avec les différents dictateurs que les États-Unis ont soutenus à travers l’histoire. Si les Américains répondent au massacre par le massacre, les pays visés n’auront non seulement politiquement pas d’autre choix que de répondre, mais ils auront désormais le soutien de leurs populations civiles. Cette escalade sanglante de la violence, des siècles d’histoire nous ont appris qu’elle ne mène qu’à la mort de centaines d’êtres humains. Et la tragédie d’aujourd’hui nous apprend durement que personne n’est à l’abri. Je refuse que mon gouvernement attende complaisamment que notre voisin du sud fasse tourner ses pistolets.

Jean Gaudreau
Montréal