Société

Réactions de nos lecteurs : L’acb du XXIe siècle

Colère, tristesse, amertume, regrets… antiaméricanisme mais, surtout, appel à la non-violence. Nous avons cru essentiel d’ouvrir nos pages aux réactions de nos lecteurs devant les événements de New York. Un bouquet de sentiments  partagés…

Arabe (différent de) musulman
Musulman (différent de) Arabe
Musulman (différent de) intégrisme religieux

Je poursuis actuellement mes études de deuxième cycle en anthropologie à l’Université Laval. Je suis actuellement au Maroc dans le cadre d’un premier terrain ethnographique. Aux lendemains des attentats qui ont eu lieu aux États-Unis, je tente de demeurer ouvertes aux discours qui se construisent autour de moi.

Il est d’abord étonnant de voir la vitesse vertigineuse avec laquelle s’est effondré le mythe de l’Amérique intouchable. Il a fallu que la réalité dépasse la fiction pour que le reste de la planète réalise que les géants du cinéma américain n’étaient en fait que des créateurs de rêves. En même temps que les tours du World Trade Center s’effondraient et que les pauvres civils qui n’ont rien à voir avec toutes ces histoires de haine se faisaient engouffrer, c’est l’image idéalisée d’une terre invincible qui s’écroulait.

Intéressant également de voir les gens compatir sincèrement avec le peuple américain tout en se permettant (pas trop fort) de critiquer la politique de Bush: "S’il avait levé l’embargo qui sévit en Irak, s’il ne s’était pas montré sourd à l’égard de la souffrance et de l’injustice dont souffrent les Palestiniens, s’il avait répondu à l’appel des manifestants anti-mondialisation, etc." Tout ça est intellectuellement intéressant à analyser, mais la raison qui me pousse à rédiger cet article est autrement plus humaine. Quand j’ai eu écho jusqu’au Maroc des affrontements qu’il y a eu entre des étudiants de l’Université Laval et des étudiants musulmans (de l’université également), j’ai été choquée, dépassée, voire effrayée de tant d’ignorance.

Il est alarmant de constater à quel point les médias officiels occidentaux ont besoin de créer un ennemi diabolique pour tout expliquer. Cet ennemi, qui a pris bien d’autres noms dans l’histoire, prend aujourd’hui le nom d’intégrisme islamique. Il m’apparaît encore plus inquiétant de voir que des étudiants universitaires "gobent" ces discours sans le moindre discernement, sans aucun esprit critique. Je tente de me calmer en mettant ça sur le dos de l’ignorance plutôt que sur celui de la bêtise humaine…

La presse occidentale est en train de faire de nous des analphabètes… et ces fausses équations deviennent de plus en plus dangereuses. Il faut recommencer par l’abc et savoir que les musulmans ne sont pas nécessairement arabes tout comme les Arabes ne sont pas automatiquement musulmans. Les Afghans, par exemple, sont musulmans mais ne sont pas arabes et certains Libanais sont arabes mais ne sont pas musulmans. Il est encore plus urgent que les gens distinguent la religion musulmane de l’intégrisme religieux. Dans ma vie quotidienne, ici (au Maroc) comme au Québec, je côtoie beaucoup de gens qui pratiquent la religion musulmane. Pour moi, ces gens font preuve de respect, d’ouverture par rapport à la différence, de générosité et d’une admirable bonté. Ces gens de mon entourage, tout comme les dizaines de milliers d’autres musulmans de la planète, n’ont rien à voir avec les attentats terroristes ou avec un quelconque intégrisme religieux. Ici, les gens qualifient les actes terroristes d’inadmissibles, d’impardonnables, d’inhumains. Ils sont tout aussi indignés que vous et moi du sort qu’a connu la population civile américaine et dénoncent, eux aussi, toute forme d’intégrisme. La seule différence, c’est qu’ils ne comprennent pas (avec raison) pourquoi on les associe injustement à cette affaire…

J’ai été surprise de recevoir plusieurs courriels de personnes qui s’inquiétaient pour moi parce que je vis actuellement dans un pays arabo-musulman. Pourtant, ici, je n’ai jamais senti la moindre menace, personne ne m’a harcelée, il n’y a eu aucune manifestation, tout simplement parce que les gens ici savent très bien que je n’ai rien à voir avec Bush même si je viens de l’Amérique. Quand j’entends mon frère me dire qu’il a reçu un carton, distribué à la grandeur de l’Université d’Ottawa, sur lequel il était écrit "diable = arabe", quand j’entends qu’il y a eu des manifestations antimusulmans dans certaines universités, quand j’entends dire que des femmes qui ont choisi de porter le voile (toutes les musulmanes ne portent pas le voile) l’ont enlevé pour ne pas se faire harceler, quand on me dit que les gens au Québec abordent le sujet des attentats avec les musulmans en leur disant "chez toi…" alors qu’il y a plus d’un milliard de musulmans sur la terre, j’ai soudainement honte de mon pays… Ces actes de guerre sont le fruit du racisme dans certains cas, mais de l’ignorance pour la plupart, alors je garde espoir qu’une ouverture envers la différence est encore possible.


Barbares parallèle
En réponse à la chronique Ondes de choc, intitulée Le temps des barbares, publiée dans Voir, volume 10, numéro 36, du 13 au 19 septembre 2001.
Je vais vous dire: je suis pas mal tanné d’entendre accuser la religion de tous les maux par des gens qui n’y connaissent rien ou à peu près. C’est très facile de dire, et je cite: "Voilà ce qui arrive lorsque la religion et la politique intoxiquent les esprits: la vie humaine est réduite à zéro, les hommes et les femmes ne sont plus que des pions que les idéologues déplacent à leur guise sur l’échiquier mondial."

Reprenons le même court texte et modifions-le afin qu’il soit plus conforme à la réalité. Ça donne: "Voilà ce qui arrive lorsque l’argent et la surconsommation intoxiquent les esprits: la vie humaine est réduite à zéro, les hommes et les femmes ne sont plus que des pions que les financiers déplacent à leur guise sur l’échiquier mondial."

Réfléchissez un peu. Nous avons notre lot plus qu’important d’actes de barbarie ici même dans la Belle Province. Il ne se passe pas une seule journée sans qu’il y ait au moins un suicide (la plupart, vous savez, ne sont pas rapportés). Il y a très fréquemment des actes d’extrême violence conjugale où l’on assiste au massacre de familles entières. Il y a des vols, de la fraude, des faux témoignages, des actes de pédophilie, de la prostitution étatisée et nous passerons sous silence tous les cas de harcèlement sexuel que vous vivez sans doute au quotidien. Nous ne parlerons pas non plus du gars ou de la fille qui tente sa chance (ou sa malchance) pour séduire le conjoint ou la conjointe d’un(e) autre et de tous les dégâts qui peuvent s’ensuivre.

Et maintenant, je termine avec le texte du début, modifié une fois encore, et voici ce que ça donne: "Voilà ce qui arrive lorsque la foi et les valeurs chrétiennes (la religion, si vous y tenez) sont complètement mises de côté et qu’il ne reste qu’une course folle aux plaisirs et aux "joies" du matérialisme et de la cupidité. Les hommes et les femmes ne sont plus que des pions livrés à leurs propres idées qui se déplacent et s’agitent inutilement à la surface de la planète."

Cessons donc de pointer la "religion", que presque personne ne pratique (ni ne connaît) véritablement d’ailleurs. Je comprends que c’est très pratique de la pointer du doigt car, pendant ce temps, nous évitons de nous pointer nous-mêmes.

Mon intention et mon sentiment profond derrière ce commentaire n’est pas d’accuser qui que ce soit mais de nous inviter à réfléchir plus souvent sur les causes profondes des désordres multiples qui affectent toutes les sociétés du monde. Je suis, tout comme vous, intéressé avant tout à apporter ma modeste contribution pour qu’il y ait plus de paix et de justice dans le monde, mais il semble bien que nous ne soyons plus très nombreux à être consacrés à cette tâche "éternelle". Quoi qu’il en soit (et pour parodier le président américain): "Nous vaincrons." Sans violence, cependant!

Paul-H. Hamel
Sainte-Foy


Illogique de guerre

Lettre ouverte au premier ministre du Canada, Jean Chrétien.
Le milieu de la coopération et de la solidarité internationales au Québec, représenté par l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), qui regroupe une cinquantaine d’organismes intervenant dans une centaine de pays du Sud et de l’Est, dénonce énergiquement les attentats terroristes commis le 11 septembre dernier aux États-Unis. Nous tenons à exprimer notre indignation profonde. Nous compatissons avec les milliers de victimes innocentes de cette tragédie innommable et nous leur témoignons toute notre sympathie.

Profondément inquiets de la tournure que prennent les événements depuis cette tragédie, nous voulons partager avec vous, monsieur le premier ministre du Canada, notre réflexion et nos recommandations relatives aux suites de cet horrible événement et à ses conséquences multiples.

Tout d’abord, nous constatons que les images bouleversantes transmises en direct sur le petit écran ont provoqué une onde de choc dans tous les foyers du monde. Le sentiment d’insécurité suscité par ce genre d’attaque s’est du coup étendu à la grandeur de la planète. Néanmoins, la surenchère des mots décrivant cet acte horrible doit nous inquiéter davantage que le risque d’un autre attentat. D’abord désignés d’"attaque terroriste", puis d’"acte de guerre", les attentats sont maintenant qualifiés par les dirigeants américains de "déclaration de guerre contre les États-Unis". Ces derniers appellent à la vengeance et à la guerre pour riposter contre un ennemi encore inconnu. Nous le savons, les mots ne sont pas neutres. Ils contribuent à forger notre propre vision du monde et à orienter nos actions futures.

Monsieur le premier ministre, vous avez vous-même renchéri en rappelant qu’une guerre contre un État membre de l’OTAN doit être considérée comme étant une guerre contre tous les pays membres. Et d’autres dirigeants de pays européens abondent dans le même sens. Avant que les choses n’aillent plus loin, nous tenons à exprimer notre profond désaccord avec cette logique de guerre. Nous, qui travaillons quotidiennement en solidarité avec les peuples qui souffrent, sommes convaincus qu’une réponse militaire serait la pire des solutions.

Au lieu de céder à la psychose de la peur et à l’appel à la vengeance, ne faudrait-il pas réfléchir sérieusement aux solutions susceptibles de mettre un terme au cycle infernal de violence qui a fait déjà beaucoup trop de victimes, partout dans le monde? Vous avez le choix entre proposer une réponse militaire, c’est-à-dire une logique de guerre, ou une réponse politique, c’est-à-dire une logique de paix. Une logique de paix inclurait nécessairement une réflexion sur les causes de la violence, notamment les violations au droit international, la grande pauvreté et les inégalités croissantes.

Par ailleurs, monsieur le premier ministre, nous vous demandons d’intervenir de façon soutenue pour calmer les esprits et appeler la population canadienne à des comportements dignes des traditions démocratiques de notre pays. En effet, depuis que les autorités américaines ont soupçonné des individus ou des groupes d’origine arabe, afghane et musulmane d’être les auteurs de cet attentat, des citoyens canadiens, et aussi américains, d’origine arabe ou musulmane sont devenus aussitôt l’objet de méfiance et de comportements ouvertement racistes de la part de leur entourage immédiat. Nos compatriotes originaires des pays arabes et ceux de confession musulmane ne peuvent être tenus responsables de tels actes, que par ailleurs ils condamnent sans réserve. Dans un pays d’immigration comme le nôtre, nous croyons que vous avez la responsabilité d’appeler la population au calme et à la raison pour éviter que la situation ne dégénère en de multiples conflits sociaux.

Monsieur le premier ministre, il ne faut pas que notre pays se laisse entraîner dans une logique de guerre. Ce n’est surtout pas la voie à suivre pour vivre dans un monde de paix. Il est primordial et urgent de changer notre façon de concevoir la sécurité nationale et la lutte au terrorisme, y compris le terrorisme d’État. À notre avis, il ne sert à rien d’augmenter le budget militaire, car tout l’arsenal d’armement le plus sophistiqué au monde ne pourra jamais nous protéger contre ce genre d’attaque imprévisible. Les ONG de coopération et de solidarité internationales sont bien placées pour savoir qu’il n’existe pas d’autres voies vers la paix que l’analyse des sources de conflit, le dialogue entre les peuples et le développement durable, fondé sur la justice sociale et le respect des droits humains pour tous. Si tous les pays qui se mobilisent en ce moment pour lutter contre le terrorisme s’étaient concertés de la même façon pour faire appliquer le droit international qu’ils disent reconnaître, nous n’en serions pas là.

Nous vous prions d’agréer, monsieur le premier ministre, l’expression de notre haute considération.

Francine Néméh, directrice de l’AQOCI


L’amour est un pouvoir sacré

L’amour. C’est ce qui nous a le plus frappés au milieu de la terreur, de l’horreur, de l’infamie.

Juste avant de tenter une dernière fois d’empêcher désespérément les terroristes de réussir leur méfait, un homme a appelé son épouse, de l’avion qui a obscurci le sol d’une petite campagne paisible, pour lui dire qu’il l’aimait. Une femme a appelé son mari du haut des tours pour lui dire que quelque chose de grave venait d’arriver, qu’elle ne le reverrait peut-être pas, et pour lui dire aussi qu’elle l’aimait. Un couple s’est jeté dans le vide, fuyant le brasier, en se tenant la main. Et un jeune ce soir chantait Imagine des Beatles près des ruines… Un autre chantait Give Peace a Chance.

Pour la première fois, les États-Unis goûtent sur leur propre sol le fruit de la haine. Et quelques-uns parlent d’amour… Et ils ont bien raison. C’est effectivement ce dont notre monde a un urgent besoin.

Ici, en Amérique, nous avons eu, jusqu’à maintenant, la chance d’être épargnés par les manifestations les plus criantes de la haine. Nous avons dormi tranquilles pendant que partout sur le globe des gens pleuraient. Nous avons longtemps paisiblement somnolé pendant que partout ailleurs la misère blessait des milliards de vies.

Nous les avons regardés mourir de faim pendant que nous avions peine à contrôler notre obésité.

Et maintenant, nous parlons d’amour.

Amour de qui? Amour pour qui? Amour pour quoi?

Comment avons-nous pu penser que nous pourrions jeter éternellement de la nourriture pendant qu’eux mouraient de faim, sans jamais penser qu’ils nous mordraient un jour? Comment avons-nous pu laisser de vastes édifices vides pendant que leurs enfants mouraient de froid?

Nous avons choisi notre confort alors que la vie de leurs enfants ne demandait qu’un vaccin de quelques dollars pour être sauvée. Nous avons laissé leurs enfants mourir de faim devant nos caméras. Et maintenant, nous parlons d’amour!

Dans plusieurs pays, nous avons initié et cultivé des conflits locaux, fournissant même des armes aux belligérants pour qu’ils puissent s’entre-tuer. Oussama ben Laden, que tous pointent du doigt, en est un excellent exemple. Mais aussi Pinochet, Suharto, Hussein, et cetera, et cetera… Tant de monstres que nous avons nous-mêmes créés, pour servir nos intérêts du moment, quel qu’en soit le prix en vies humaines. Tant de monstres qui ont tué des millions d’innocents avec nos armes, avec notre argent, avec notre soutien logistique. Comment se surprendre de voir des enfants célébrer nos blessures, eux qui meurent de notre indifférence ou sous nos armes?

Aujourd’hui, nous voyons l’horreur, chez nous, pour la première fois. Plusieurs d’entre eux la voient depuis leur naissance.

Aujourd’hui, quelques milliers d’innocents sont morts chez nous. Chez eux, des millions sont morts… De faim, de soif, de maladies facilement évitables, de notre indifférence, ou sous nos munitions…

Le mal n’a pas commencé le 11 septembre. La haine n’a pas commencé le 11 septembre. Les meurtres d’innocents n’ont pas commencé le 11 septembre. Tout cela avait commencé bien avant. Partout ailleurs que chez nous.

Maintenant, nous vivons sur la même planète qu’eux.

Chaque mort d’innocent qui est survenue aux États-Unis ce 11 septembre représente une profonde disgrâce pour l’humanité.

Chaque mort d’innocent qui survient chaque jour, partout, représente aussi une profonde disgrâce pour l’humanité.

Puissions-nous demain continuer de parler d’amour. Puissions-nous commencer à en parler vraiment.

Aujourd’hui, partout, des gens de toutes confessions se recueillent ensemble pour prier pour les victimes. Profitons-en pour prier non seulement pour ceux qui sont morts aux États-Unis, mais aussi pour tous les autres innocents qui meurent partout, chaque jour, jeunes et vieux, pour toutes ces morts que nous aurions le pouvoir et le devoir d’éviter.

Les Américains aiment dire "God bless America". Pourquoi ne pas souhaiter que Dieu bénisse aussi toutes les autres nations du monde? Pourquoi ne pas souhaiter qu’il bénisse chacun de ses enfants, quelle que soit sa couleur, quelle que soit sa nationalité, quelle que soit la religion de ses parents?

En ce temps de haine, tâchons de nous souvenir que notre Dieu en est un de Paix, d’Amour, de Miséricorde, quels que soient les gestes que nous choisirons collectivement de poser.

François Privé
Québec


Le temps de l’avant

Peu importe l’origine des attentats, et même s’ils ne sont pas excusables, on ne peut répondre à la force par la force. C’est une des valeurs fondamentales apprises à nos enfants, vos enfants, dès leur plus jeune âge, dans toutes les garderies occidentales. Comment se fait-il que nos "adultes de chefs d’État" soient si empressés de l’oublier, et de montrer le contre-exemple? Ce matin, je me suis réveillé en me disant que si je voulais continuer à pouvoir regarder mes enfants dans le blanc des yeux, je n’avais pas le droit de ne rien faire.

Pendant que des gens pleurent encore leurs morts, l’heure est à regarder en avant et à discerner ce que Bush et les autres sont en train de nous préparer en douce, ce à quoi ils sont en train de nous "habituer". Il faut RÉAGIR à cela, AVANT que ça ne se produise. Même si vous considérez que le risque est minime, ou l’entreprise vaine. Je pense que l’heure n’est plus au recueillement ni aux pétitions électroniques. L’heure n’est plus à regarder en arrière, mais à prendre en main notre futur.

L’heure est à une mobilisation massive, une journée mondiale dont l’objet serait LA PRÉSENCE DANS LA RUE DE TOUS LES OCCIDENTAUX (au moins). Une journée où chacun rejoint la rue en amenant avec lui ses enfants, ses voisins, ses collègues de travail, les gens qu’il rencontre, pour aller scander pacifiquement un message simple du genre:

"Bush stay home!"

"Bush calm down!"

"NO WAR!"


Le coût de la colère

Est-il possible, malgré l’horreur du carnage et l’immense tristesse ressentie presque partout, de garder la "tête froide", de "faire la différence entre la colère et la haine", pour reprendre la distinction d’Élie Wiesel, et de choisir "le juste" plutôt que "le facile"? Peut-on espérer de nos autorités qu’elles choisissent "la sagesse" plutôt que "la poudre aux yeux"? N’est-ce pas là le sens du véritable leadership que l’on attend de nos responsables politiques?

Lancer une ou des attaques dévastatrices contre des cibles terroristes réelles ou supposées est la solution de facilité, surtout si elle est réalisée par de la quincaillerie militaire comme des missiles plutôt que par des soldats en chair et en os: c’est rapide, c’est spectaculaire, ça fait beaucoup de dommages, et c’est peu coûteux en vies humaines (pour nous). Donc, cela impressionne et satisfait notre opinion publique.

Malheureusement, cela a deux petits défauts: ça ne règle rien et ça aggrave la situation! Le Moyen-Orient nous en donne chaque jour la plus belle et triste preuve! On ne guérit jamais une maladie en s’attaquant à ses effets mais à ses causes. Et l’escalade de la violence, que chaque adversaire considère comme parfaitement justifiée, est une spirale de mort sans fin.

Faire pleuvoir les missiles sur l’Afghanistan ou sur tout autre pays du monde ne fera qu’ajouter des morts aux morts, et nourrir davantage la haine, sans prouver ni régler quoi que ce soit. Nous savons déjà que les États-Unis sont la plus grande puissance militaire au monde, qu’ils ont des bombes et qu’ils n’ont pas peur de s’en servir. Nous savons aussi que ça n’a pas empêché les horribles attentats du 11 septembre, et que ça a plutôt alimenté la haine qui les a rendus possibles. Ne serait-il pas temps d’apprendre du passé et de modifier nos stratégies?

Briser la spirale de la violence est une urgente nécessité. Et c’est aussi la responsabilité de chacun, là où il est.

Dominique Boisvert
Montréal


Plus ça change…

Comme elle nous apparaît guillerette, quatre mois plus tard, cette douce catapulte à "nounours" des "méchants" anarchistes! Et quel drôle d’effet cela ferait de réentendre, à la suite des événements survenus à New York, toutes nos plaintes liées à "l’indigne" poudre lacrymogène… "Injustice!" criions-nous, et ce, en toute légitimité! Mais force est d’admettre que ce combat d’avril 2001 à Québec, lors du deuxième Sommet des Amériques, se déroulait tout de même selon certaines règles.

Puis vint ce fameux 11 septembre 2001, première journée, pour plusieurs Occidentaux, du véritable visage de la nouvelle "globalisation". Je dis "pour plusieurs" car si certains disent que les choses ne seront jamais plus les mêmes (nul ne peut réfuter en effet que le terrorisme peut maintenant atteindre chacun de nous), d’autres ont par contre l’insouciance d’affirmer que le "monde a changé". Quelle ignorance et fermeture d’esprit que de soutenir pareille idée car, pour des millions d’opprimés sur la planète, ce monde ne paraît étrangement pas plus changé qu’hier, peut-être seulement encore plus fragile… Par contre, ces derniers vous rétorqueront plutôt, et ce, même avec un peu de compassion, que plusieurs, enfin, se sont ouvert les yeux. Comme s’il fallait que chaque nouvelle génération se les fasse ouvrir seulement devant l’innommable…

Et nous voilà encore partis en guerre!

"Plus ça change, plus c’est pareil!" disait l’autre…

Marc Traversy
Sainte-Foy