![Droit de cité : It's a go!](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/12/10404_1;1920x768.jpg)
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Droit de cité : It’s a go!
Éric Grenier
C’est un départ! Depuis vendredi dernier, la campagne électorale, la première de l’ère insulaire (après tout, c’est "une île, une ville", non?), est chose réelle.
D’ailleurs, vous me permettrez un petit aparté à propos du slogan "une île, une ville", puisque dans les faits, Montréal n’est pas une île, mais au moins une demi-douzaine; et je ne compte même pas les petites de la rivière des Prairies, parce que je ne sais pas si elles appartiennent à Montréal ou à Laval.
Pour être géographiquement correct, il aurait fallu dire "un archipel, une ville", mais avouons que ça produirait moins d’effet, et que la moitié des gens n’auraient rien compris de ce que ça voulait dire, croyant plutôt qu’on référait à un autre excellent produit Starfrit. Au surplus, si la formule avait repris le thème de l’archipel, il aurait fallu inclure Laval dans les plans de fusion. Autrement dit, on aurait Gilles Vaillancourt comme maire. Non merci.
Anyway, c’est parti. D’abord, un conseil: oubliez les programmes des deux partis, ils ne vous serviront à rien. Ils seront d’ailleurs tout aussi inutiles aux nouveaux élus après le 4 novembre. Ces programmes ont été érigés sur les très frêles épaules de l’économie, qui, ces jours-ci, a les jambes passablement molles. Dans la théorie des fantasmes, ces programmes fonctionnent; mais en pratique, ils s’écroulent.
C’est que chaque programme vous promet mers, mondes et tout le cosmos, sans qu’il vous en coûte un sou. Comment y parvenir? "On va faire des réarrangements administratifs", dit Bourque. "On va aller chercher notre butin à Québec", dit Tremblay. Mais ce n’est qu’une partie de leur équation. L’autre, la plus importante, et les deux partis misent dessus, c’est la croissance économique. Si c’était une farce, au moins, on pourrait toujours la rire. Mais ils sont sérieux.
Quand on a demandé à Pierre Bourque comment il comptait réduire toutes les taxes, indexer tous les budgets des arrondissements, doubler le nombre de logements sociaux créés chaque année, et augmenter les services partout, il a répondu: "En faisant des petits réaménagements administratifs, la croissance économique s’occupera du reste."
Au moment où il formulait une telle réponse, nous étions déjà en récession… Gérald Tremblay fait une équation encore plus savante. Ça s’appelle un "Plan d’affaires sur le partage de la richesse nouvelle". Déjà, il y a comme un léger problème de sémantique: les mots "affaires" et "partage" ne devraient jamais, sous aucun prétexte, se retrouver dans la même phrase.
Ce qui explique peut-être pourquoi Gérald a une idée particulièrement étriquée du partage: les Montréalais paient plus de taxes et d’impôts au gouvernement québécois (parce que plus riches) que les habitants du reste de la province. Ils devraient donc recevoir plus d’argent. (Si on poussait sa réflexion jusqu’au bout, l’arrondissement de Westmount devrait avoir droit au déneigement personnalisé des driveways; et les crottés de l’Est, attendre que la neige fonde pour sortir de leur trou.)
C’est ainsi que son Plan réclame trois milliards du gouvernement du Québec. En accélérant le développement, en abaissant les taxes, en améliorant les infrastructures, en réduisant la dette, en créant de nouveaux programmes et de nouveaux services, Québec bénéficierait d’un retour sur l’investissement de 58 %, puisque le chômage va diminuer, la consommation va s’activer et les revenus du gouvernement qui proviennent des Montréalais vont augmenter. Bon sang, c’est pas un plan, c’est le chaînon manquant!
Non, c’est de la foutaise. Comme si trois milliards investis à Montréal rapportaient plus qu’ailleurs.
Et "Ça va marcher", nous dit Gérald Tremblay sur tous les panneaux-réclame et les affiches électorales. C’est à se demander si c’est une promesse ou une menace.
Qu’importe qui sera élu, ça va finasser à l’hôtel de ville l’an prochain. Remarquez que s’il y en avait un qui vous promettait de faire simple, pas d’histoires compliquées, pas de grands projets, parce que déjà, mettre sur les rails cette grosse locomotive qu’est la nouvelle ville, ce sera assez colossal comme ça, vous ne l’écouteriez pas. Vous l’accuseriez d’être chiche et d’avoir un programme un peu trop chenu.
En substance, les programmes disent la même chose, mais pas avec les mêmes mots. L’un, avec des mots d’une grandiloquence toute bureaucratique; l’autre, avec des mots d’un simplisme permettant d’affirmer tout et son contraire. Dans les deux cas, c’est du charabia, de la sémantique à cinq cennes, histoire d’avoir l’air un peu sérieux entre deux séances de stand-up comic involontaire. Du crémage à gâteau, juste pour nous cacher que du gâteau, au fond, en dessous, c’est toujours la même chose: de la farine, des oeufs, du sucre et de l’eau, et de la levure, pour ceux qui aiment ça quand ça lève. Faute de levure, prenez du Viagra. Non, c’est une blague.
Les deux programmes proposent de remettre le citoyen au coeur des décisions. L’un, avec des Chantiers et des Sommets; l’autre, avec des comités permanents.
C’est fou comme les politiciens promettent toujours de remettre le citoyen à sa place.