Droit de cité : Une campagne intimiste
Société

Droit de cité : Une campagne intimiste

Ce qui étonne le plus jusqu’ici dans la campagne électorale, c’est l’indifférence presque générale dans laquelle elle se déroule. Une campagne intime entre deux groupes de partenaires de joutes électorales. Une sorte de ligue de garage politique.

Les événements du dernier mois n’ont pas aidé, certes. Quand les manchettes évoquent sans arrêt la guerre, ou encore la récession, la qualité du déneigement dans votre arrondissement passe en second dans l’ordre des priorités.

Mais l’indifférence avait débuté bien avant. Au lancement de son programme électoral, à la fin août, l’équipe Tremblay n’avait attiré que la moitié des partisans attendus. Quand Bourque a dévoilé le sien, il était fin seul avec ses candidats. Pas un citoyen et si peu de partisans qu’on se serait cru à un match des Expos.

Il y a deux semaines, dans le West Island, heureusement qu’il y avait quelques passants dans la rue, sinon Pierre Bourque n’aurait donné aucune poignée de main ce jour-là. Or, si Pierre Bourque n’attire plus les manifestations d’opposants aux fusions, c’est qu’il y a un désintérêt pour la chose. Aucun des deux candidats n’a jusqu’ici soulevé les foules. Pire: Gérald Tremblay n’a même pas profité de l’effet de nouveauté dont jouissent normalement les nouveaux chefs de parti dans les sondages. Même Stockwell Day avait bénéficié de cet effet. La candidature de Jacques Duchesneau, littéralement écrasé à l’élection de 1998, avait soulevé passablement plus d’intérêt au début.

En 1998, la campagne avait connu assez de péripéties pour faire baver d’envie le capitaine Némo dans son sous-marin. Dès mai, les promesses les plus farfelues se multipliaient, les couteaux volaient sous la ceinture. En juin et juillet, ça couchait chez les miséreux, tenait des conférences de presse par-ci, des dévoilements par-là. Partout, ça marchait sur des râteaux. Ce n’était pas une campagne électorale, c’était un ballon de basket tellement il y avait de rebondissements.

Pourtant, cette fois-ci, l’enjeu de l’élection est passablement plus important que le simple équilibre budgétaire. Mais les Montréalais demeurent discrets. Signe, peut-être, qu’ils sont sceptiques face à la nouvelle ville et à ses promesses d’égalité, de fraternité, et je ne sais plus quoi encore.

D’une élection à l’autre
Le Parti québécois a un oeil au beurre noir ces jours-ci. La face tuméfiée par la volée que les électeurs des quatre circonscriptions en élection lundi dernier lui ont servie.

Finalement, Mercier n’était pas un accident de parcours. Deux autres châteaux forts, tout comme le comté de Mercier, sont tombés; un troisième a été sérieusement ébranlé. Les électeurs du Plateau ont simplement eu l’occasion de s’exprimer avant les autres Québécois.

On se souvient d’ailleurs, au lendemain de cette partielle, le printemps dernier, que les stratèges péquistes avaient accusé la défaite en invoquant des circonstances incontrôlables et une division du vote souverainiste, comme si toutes les élections étaient référendaires, pour ou contre les fédéralistes. Or, ce qui s’est passé dans Mercier, c’est l’expression de la même grogne, de la même insatisfaction envers l’arrogance d’un gouvernement usé. Il n’y a pas de division du vote, simplement une majorité d’électeurs insatisfaits du gouvernement de la province. Dans Mercier, il y a eu imposition d’un candidat, manoeuvre pour en écarter d’autres, on a tenu pour acquis le vote des électeurs du comté; bref, on a exploité les mêmes méthodes cette fois-ci. Des députés fort populaires dans leur comté ont été "démissionnés", on a eu droit à des manoeuvres pour écarter des adversaires aux "vedettes" parachutées, à des flots de promesses et surtout d’annonces, qui, par un hasard des plus fortuits, il va sans dire, devaient à être faites, tiens donc, pendant les campagnes électorales. Les stratèges parlaient de quatre victoires assurées: "Tout ce qu’on doit faire, c’est de voir à ce que les majorités ne fondent pas trop", disaient-ils.

Encore une fois, les péquistes font une autre lecture des résultats. Paraît-il qu’ils ont eu trop de courage à oser le changement, à réformer ce qui méritait d’être réformé. Ce ne sont pas leurs réformes qui les ont coulés, c’est l’arrogance qui accompagnait chaque réforme.

La réforme municipale, par exemple, a été déposée à la course, vite vite avant qu’on entre dans une année préélectorale. Ils ont interdit les débats sur le projet de loi à l’Assemblée nationale en imposant le bâillon, avec pour résultat que cette loi était pleine de trous, pour ne pas dire bâclée. Alors, on s’est encore empressé de corriger le tir, une fois de plus, en forçant l’adoption d’un char et d’une barge d’amendements à la loi 170.

Les électeurs ont souligné à grands traits que l’arrogance avait une fin, et que le temps était peut-être venu pour une relève de la garde. C’est là une pas très bonne nouvelle pour Pierre Bourque. Depuis qu’il a broyé et humilié ses adversaires en 1998, l’homme a souvent péché par arrogance. Un état de fait qu’on a maintes fois relevé dans cette chronique depuis trois ans.

Tiens donc
La Presse a relevé une perle de Pierre Bourque, qui, au début d’un discours traçant le bilan de sept années de régime, aurait commencé en affirmant: "Je vais tenter d’être sincère." Juste dire ça, c’est déjà la sincérité incarnée.