Les femmes afghanes à Montréal : Lever le voile
Société

Les femmes afghanes à Montréal : Lever le voile

Immigrées au Canada, les Afghanes s’unissent et refusent de baisser les bras. À Montréal, la communauté s’inquiète et revendique la paix. Une fois pour toutes. L’horreur vue  d’ici.

Makai Aref est arrivée au Québec en mars 2000. En Afghanistan, elle était vice-présidente de tous les regroupements de femmes afghanes. Elle a quitté son pays en catastrophe en emportant avec elle seulement deux valises. Après un séjour au Kazakhstan, où elle s’occupait de l’Association des femmes réfugiées afghanes, Makai aboutit finalement à Montréal. Elle est désormais à la tête du Comité des femmes afghanes de Montréal, un organisme qui regroupe quelque 25 femmes de Montréal et de Québec.

Makai Aref aimerait évidemment que la paix revienne en Afghanistan. Gros contrat pour un pays ravagé par 30 ans de guerre et d’instabilité politique. Elle ne croit pas qu’une solution permanente ne puisse venir ni des talibans ni des guerriers moudjahidin de l’Alliance du Nord.

Car, même si l’Alliance du Nord semble être le seul allié du peuple afghan, c’est loin d’être le régime idéal. La RAWA (Revolutionary Association of the Women of Afghanistan) partage cette opinion, comme en témoigne un texte diffusé sur son site Internet (www.rawa.org): "Selon nous, les talibans et autres cliques fondamentalistes moudjahidin (…) sont des frères d’armes. Ils sont tous du même acabit, pour les raisons suivantes: tous ont un kalachnikov dans une main et le Coran dans l’autre pour tuer, intimider, emprisonner et mutiler notre peuple de manière arbitraire." Fondée en 1977 par des intellectuelles afghanes, la RAWA lutte pour les droits de l’homme et la justice sociale en Afghanistan. Meena, la fondatrice de la RAWA, a été assassinée en 1987 par des agents du KGB. Depuis la chute du gouvernement de paille afghan imposé par la Russie, en 1992, l’association a dirigé ses actions vers le fondamentalisme taliban, pour combattre les agissements criminels et la misogynie extrême en particulier.

Dans le film Rambo III, Stallone avait la grandeur d’âme d’aider les moudjahidin à casser la gueule aux Russes. Espérons que dans le conflit qui nous préoccupe, les Américains n’aient pas le culot, comme Rambo, d’abandonner le peuple afghan après avoir fait sauter la baraque… Le souhait de Makai Aref pour assurer la stabilité en Afghanistan est simple: "Il est possible de combattre les talibans, mais il ne faut pas laisser tomber le pays après la fin du conflit. Les Américains devraient rester un certain temps pour éviter que d’autres mouvements extrémistes s’installent et que tout recommence…"

Inquiètes pour leurs proches
Lauryn Oates, qui s’occupe de l’organisme Women 4 Women in Afghanistan, se fait la porte-parole des femmes afghanes qui font partie de son organisation. " Les Afghanes sont évidemment très concernées par rapport à cette situation, affirme-t-elle. Elles ont presque toutes de la famille encore là-bas et elles n’ont pas de nouvelles depuis les premiers bombardements."

Makai Aref a, quant à elle, réussi à joindre ses proches récemment: "Une semaine avant les attaques en Afghanistan, nous avons reçu une lettre de notre famille, toujours là-bas. Nous avons des contacts qui vont du Pakistan jusqu’à Kaboul pour nous ramener des nouvelles… Tout le monde fuit Kaboul en ce moment: ma mère, mon père, ma soeur, mon frère, ma tante, mon oncle… Mais le plus effrayant, c’est qu’on force désormais les jeunes hommes d’à peine 14 ans à entrer dans l’armée des talibans… C’est trop jeune pour faire la guerre."

À Montréal, l’organisation Women 4 Women in Afghanistan et le Comité des femmes afghanes de Montréal désirent lever des fonds et organiser des projets pour aider les femmes en Afghanistan.

Le régime de l’interdit
Dans leur pays, les Afghanes sont traitées comme de vulgaires objets. Elles ne peuvent ni aller à l’école, ni travailler hors de chez elles, ni même danser… Confinées dans un système moyenâgeux, elles sont les principales victimes du régime taliban. Si plusieurs d’entre elles se suicident, d’autres essaient tant bien que mal de quitter ce cauchemar en fuyant, au risque d’y laisser leur vie. Les interdits qu’impose la charia (loi coranique) aux femmes afghanes sont en contradiction complète avec la morale humaine. Les talibans auraient voulu rassembler tous les ingrédients pour fabriquer l’Enfer, ils n’auraient pas fait mieux.

Selon Lauryn Oates: "La pire loi est l’interdiction de recevoir des soins médicaux. J’ai entendu l’histoire d’une femme qui avait eu un accident de voiture mineur. Elle a dû se laisser mourir aux portes d’un hôpital parce que personne à l’intérieur n’avait le droit de la secourir…" Avant, les femmes étaient médecins ou infirmières en Afghanistan. Aujourd’hui, quelques-unes d’entre elles opèrent des cliniques illégales, comme signe de protestation.

Les sanctions, si les femmes dérogent aux lois talibanes, se passent de commentaires: lapidation, fouet, insulte publique, mise à mort… Comme si ce n’était pas suffisant, les femmes ne peuvent pas rire en public de manière audible (aucun étranger à la famille ne doit pouvoir entendre la voix d’une femme). Les femmes ne peuvent participer aux fêtes populaires, les fenêtres des maisons doivent être peintes pour qu’aucun homme ne puisse les voir de l’extérieur. Toutes ces rigueurs, et bien d’autres, s’ajoutent aux ridicules lois imposées à tous les afghans: la musique, la télévision et les films sont interdits. Et que dire de ces règles aussi stupides que l’interdiction de jouer avec des oiseaux, l’interdiction d’applaudir lors de manifestations sportives, ou l’interdiction du cerf-volant, considéré comme non islamique? Contexte difficile à comprendre, mais impossible à accepter…

Tous ceux qui sont intéressés à faire quelque chose pour les femmes afghanes sont invités à la prochaine réunion de l’organisme Women 4 Women in Afghanistan. La rencontre aura lieu dans les bureaux de Droits & Démocratie, le 22 octobre (1001, boulevard de Maisonneuve Est, 11e étage).