Régates de potirons géants : Presser la citrouille

Qu’ont en commun le hockey et les citrouilles géantes? La petite bourgade de Windsor en Nouvelle-Écosse. C’est là, dit-on, que le célèbre jeu est né au tournant du XIXe siècle, sur les eaux glacées de Long Pond. C’est aussi là, sur le lac Piziquid, que sont nées les premières régates canadiennes de citrouilles – vous avez bien lu: des régates dont les embarcations ne sont rien de moins que des citrouilles géantes!

La citrouille flottante
Le Festival de la citrouille a cours à Windsor depuis 17 ans déjà. Fort spectaculaire avec ses pesées de citrouilles géantes pouvant dépasser les 900 livres, il continue de gagner en originalité et en popularité depuis l’avènement des régates en 1999. "L’idée est venue de Danny Dill, le fils d’Howard Dill, un cultivateur de Windsor qui est le roi international de la citrouille géante, se rappelle Judith Thompson, co-instigatrice des régates. On savait que les citrouilles flotteraient parce qu’en novembre 1992, un groupe avait expérimenté ça à Central Park, à New York, et on a donc été les premiers à faire ça ici, au Canada."

L’événement a connu une croissance monstre. Les participations aux régates sont passées de 5 en 1999 à 23 en 2001, tandis que le nombre de spectateurs, provenant d’aussi loin que le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard, a doublé, se chiffrant à 10 000 cette année.

L’ABC du champion
En trois ans, les divers participants aux régates de citrouilles ont appris à bien connaître leur sport inusité ainsi qu’à développer différentes habiletés pour choisir et maîtriser leur embarcation. Dans un premier temps, il faut bien sûr se procurer une citrouille géante auprès d’un cultivateur. On la vide ensuite de son contenu de façon à pouvoir s’agenouiller à l’intérieur et y être suffisamment confortable pour pouvoir ramer. Enfin, on la personnalise en la décorant. "Pour la première fois cette année, nous avons fait une parade de citrouilles, raconte Judith Tompson. Chaque citrouille avait son nom et ses décorations. Il y avait un dragon vert, une citrouille-bleuet et même une citrouille-épouvantail qui contenait deux participantes."

Don Ash, qui est sergent à la Gendarmerie royale du Canada, participe aux régates depuis deux ans. Le 14 octobre dernier, à bord de sa citrouille transformée en cheval, Don, qui arborait le traditionnel costume de la Gendarmerie royale, a terminé bon quatrième. En voie de devenir un spécialiste de la navigation en potiron géant, le sergent n’hésite pas à confier que le secret du succès de la navigation citrouillonesque est l’équilibre. "Ces citrouilles ne sont assurément pas faites pour flotter avec des gens dedans! C’est pourquoi il faut essayer de trouver des citrouilles de forme allongée et déterminer à l’avance ce qui sera le devant et ce qui sera le derrière. L’an passé, ma citrouille était ronde, j’avais des problèmes d’équilibre et je me suis retrouvé coincé dans les algues et les herbes! Cette année, j’avais beaucoup plus de contrôle et je gardais mon équilibre en étant agenouillé sur une jambe et en utilisant ma jambe libre pour garder le balan."

De la rame au moteur
Bien qu’elles ne soient pas encore homologuées, les citrouilles géantes sont tout de même des embarcations comme les autres à Windsor. Il faut donc obéir à toutes les lois de sécurité lorsqu’on grimpe à bord. Les gilets de sauvetage sont obligatoires, d’autant que les citrouilles qui chavirent ou qui font naufrage ne sont pas chose rare. "Il y a des citrouilles qui prennent l’eau, raconte Don. Celle de mon voisin de course en était remplie à moitié! J’ai déjà eu ce problème, alors cette année, je n’ai pas trop creusé ma citrouille et elle a été parfaitement étanche. J’ai aussi mis une pièce de styro-mousse au fond pour éviter de glisser, car c’est terriblement glissant à l’intérieur et c’est très froid."

La majorité des participants aux régates de citrouilles de Windsor est constituée de rameurs amateurs, mais les citrouilles motorisées sont admises. Après deux années de tentatives infructueuses se soldant presque toujours par des naufrages, les bricoleurs ont gagné leur pari cette année. "Plutôt que de fixer le moteur à même la citrouille, un des gars a vissé une planche sur le dessus de la citrouille et y a fixé deux moteurs à l’arrière. Il naviguait en étant assis sur la planche", raconte Don.

Que ce soit à rame ou à moteur, la citrouille, qu’on n’hésite pas à baptiser PVC pour "Personal Vegetable Craft", est bien plus qu’un simple légume à Windsor, et pour aussi délirantes que soient les régates, on les prend tout de même avec un certain sérieux: "C’est un plaisir pris au sérieux, précise Don Ash. Il n’y a pas de gros montants associés à la course et les gagnants les donnent habituellement à des oeuvres de charité. Ce n’est compétitif que dans la mesure où on y trouve notre plaisir!"