![Le karaoké de la boxe : Fight Club](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/12/10933_1;1920x768.jpg)
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Le karaoké de la boxe : Fight Club
Oubliez le scénario fictif de Fight Club! Dans un bar de Laval rempli de spectateurs euphoriques, de simples citoyens enfilent des gants de boxe et s’affrontent sur un ring. Notre journaliste a joué le jeu. Ayoye.
Steve Proulx
Photo : Victor Diaz Lamich
Tous les premiers lundis du mois, au bar sportif Le Skratch de Laval, 500 personnes sont rassemblées autour d’un ring de boxe pour voir s’affronter des volontaires, triés sur le volet.
L’événement en question s’appelle le Choko’s Boxing Fight Night, un événement tenu également à Montréal et Pierrefonds. C’est de la boxe, mais ça n’a rien à voir avec un tough men contest, confie Alexandre Choko, promoteur de la soirée: "C’est de la boxe anglaise, donc il n’y a pas de coups en bas de la ceinture. L’idée, c’est d’initier les gens au sport. Ce sont des combats d’exhibition avant tout."
Il a eu l’idée d’organiser ce genre de démonstration publique (surnommée "karaoké de la boxe") après s’être rendu compte qu’il y avait une demande grandissante: "À titre personnel, je fais de la boxe depuis 12 ans et j’ai eu l’occasion de l’enseigner. Des gens au gym me demandaient souvent s’ils pouvaient mettre les gants pour essayer. Sauf que dans un gym, il n’y a pas la foule, ni l’adrénaline qui monte. Je savais que le concept existait en Floride, mais de façon beaucoup plus hardcore. J’ai récupéré l’idée pour l’adapter au Québec."
Les pugilistes sont des volontaires. Ils acceptent de se taper dessus pendant deux rounds, de deux minutes chacun. Ce soir-là, j’enfile les gants pour l’amour du journalisme. Quelle meilleure façon de vivre un tel événement que les deux pieds dans le ring! J’y vais innocemment, sans trop penser à ce qui m’attend…
Les vrais de vrais
Avant que la soirée ne débute, une file de cogneurs amateurs se constitue à l’entrée du Skratch. Entendons-nous, il y a très peu de rats de bibliothèque ici, surtout des gros bras. Mais des gros bras propres… Des gens qui aiment le sport, l’entraînement, et qui veulent vivre l’expérience de la boxe. Dès mon entrée au Skratch, je me familiarise assez rapidement avec l’humour du boxeur: "Tu vas voir, c’est le fun! On te donne une couple de coups de poing, tu tombes par terre et on te ramène en ambulance!" Connaissant mon gabarit, le commentaire, lancé à la blague, ne s’avère pas des plus rassurants. Mais j’y vais toujours innocemment, sans trop penser à ce qui m’attend…
Les portes s’ouvrent et les volontaires s’inscrivent. Il y a 12 matchs par soir. On cherche donc 24 boxeurs. À l’inscription, les candidats doivent remplir un questionnaire médical et signer un contrat qui stipule qu’on renonce à poursuivre les organisateurs, au cas où ça tournerait mal. Alexandre Choko explique les risques: "Un match de boxe, c’est comme une course de 400 mètres. Si on n’y va pas graduellement, il peut y avoir des étourdissements ou de la fatigue. Pour un maximum de sécurité, un médecin est sur place et on arrête le match au moindre incident." Les hommes comme les femmes peuvent participer. Ce soir, Amélie montera sur le ring: "Ça fait quatre ou cinq fois que je viens et, aujourd’hui, j’ai le goût de participer. Je suis venue avec une amie…" On est loin des soirées de filles habituelles…
Le grand manitou de la boxe, nul autre que le comédien Deano Clavet, prodigue en rafale les rudiments de ce sport à ceux qui s’inscrivent. C’est lui qui fait office d’arbitre et qui forme les équipes: "Les matchs sont très amicaux, je m’arrange le plus souvent pour associer des personnes de force égale pour que le match soit serré." Comme pour appuyer ses dires, il me jumelle avec Alexandre Vadnais, un camionneur taillé au couteau qui s’entraîne quatre fois par semaine. Il est venu ce soir-là avec une vingtaine de ses chums, pour faire une gageure… Toujours innocemment, je commence tout de même à m’interroger sur le sens de ma vie…
Pour éviter les blessures, les boxeurs sont équipés d’une ceinture abdominale, d’un protecteur buccal et d’un casque. De plus, on utilise des gants de 18 onces, les plus moelleux sur le marché… Une vraie caresse pour le visage (sic). Tout se déroule dans la plus pure tradition de la boxe. Avec, évidemment, la poupoune qui parade autour de l’arène pour annoncer le début d’un round. La cloche sonne. C’est le commencement d’un combat. Dans la salle, on entend crier: "Fesse-le, fesse-le!" Mais sur le ring, Deano Clavet conseille plutôt: "Calme-toi, respire, protège ton visage…" Drôle de conflit intérieur. Je regarde la scène, innocemment…
L’oeil du tigre
Mon tour est arrivé. Devant moi se dresse Alexandre Vadnais: il a les bras gros comme ma cuisse et quelques tatouages… Je garde mon t-shirt. Je ne veux pas trop l’intimider avec mon physique. Je conserve mon innocence, jusqu’à la première seconde du match, où je reçois un premier direct en plein dans la tronche. Techniquement parlant, le coup est très beau… Par contre, j’aurais préféré l’avoir donné plutôt que de l’avoir reçu. Mais le sort en a voulu autrement. Pour moi, après ce premier coup de poing, c’était suffisant. J’avais bien saisi l’essence de la boxe. J’en comprenais désormais les subtilités…
Il reste cependant encore 1 minute 59 secondes à ce premier round. Je comprends alors ce que signifie avoir l’oeil du tigre. Pour ma part, j’ai plutôt l’oeil d’un minou angora… Alex (on devient intime) a, quant à lui, la ferme intention de me taper dessus encore et encore… J’entrevois ma copine, dans la foule, qui pose sur moi un regard d’effroi. Est-ce que ça va si mal que ça?
Oui. Au bout d’une minute, l’effort physique et les coups répétés me brûlent le visage, j’ai l’impression qu’il est en feu et qu’on essaie de l’éteindre avec une pelle… Je frappe quand même un peu, avec toutes les forces qu’il me reste. Après un moment (qui me paraît une éternité), Deano Clavet m’annonce qu’il reste 10 secondes au premier round… Plus que 10 secondes à cette formidable aventure? Il faut que j’en profite au maximum! J’en profite donc pour encaisser quelques autres coups de pelle.
La cloche sonne la fin. Je déclare forfait illico. Pas de deuxième round pour moi. Au diable, la fierté masculine! Je suis un fif de Montréal, pas un tough de Laval! Je m’incline devant Alexandre Vadnais, à qui je n’avais jamais parlé auparavant mais qui m’a vraiment donné la raclée de ma vie!
Je n’ai pas terminé le match, parce qu’il en allait de ma vie. On ne va pas au Fight Night (www.fightnights.com) sans entraînement. Qu’à cela ne tienne, je vais me remettre en forme, et la prochaine fois que je monterai sur le ring, ce sera personnel…