![Les auditions de Puppetery of the Penis : Engins, debout!](https://voir.ca/voir-content/uploads/medias/2011/12/10934_1;1920x768.jpg)
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Les auditions de Puppetery of the Penis : Engins, debout!
Difficile d’avoir raté le passage des deux Australiens aux verges métamorphiques qui ont créé le spectacle Puppetery of the Penis, présenté au Festival Juste pour rire. La semaine dernière, les auditions pour trouver une équipe francophone perpétuant la tradition du spectacle ont eu lieu au Club Soda. Notre journaliste y a participé… Si, si.
Georges Boulanger
Photo : Victor Diaz Lamich
Je suis tout nu sur la scène du Club Soda du boulevard Saint-Laurent. Tout nu pas de bas. Il y a une trentaine de personnes dans la salle. Il y a des photographes, il y a des caméras de télévision. Il y a des filles avec des carnets de notes! Un moustachu australien, lui aussi à poil, m’ordonne de jouer avec mon pénis. "Prends ton temps, qu’il me dit. Tu fais très bien ça."
Ce n’est pas un mauvais rêve. Ce sont les auditions de Puppetry of the Penis, l’art ancien de l’origami génital. Simon Morley et David Friend, les deux Australiens qui se sont fait connaître en faisant des niaiseries avec leur pénis au Festival Juste pour rire de l’été dernier, ont décidé de franchiser. Jeudi, 8 novembre, avaient lieu les auditions pour une éventuelle équipe francophone qui se chargerait des spectacles au Québec et peut-être même en France.
En me rhabillant après l’audition, je me sens comme un héros. Un pionnier. En cette triste époque où les gars sont ridiculisés dans la publicité, dépeints comme de sombres idiots à peine aptes à manipuler une télécommande, je viens de briser le dernier tabou de notre société hyper sexuée: le pénis.
Je me sens comme si je m’étais mis debout devant la société pour crier: "Je suis un gars et j’ai un pénis!"
Pourtant, quelques minutes plus tôt, en me déshabillant pour l’audition, je ne me sentais pas du tout comme un surhomme. Loin de là. Masters and Johnson ont démontré dans leur livre Sex and Human Loving que même si la taille du pénis avant l’érection varie beaucoup d’un mâle à l’autre, cette variation est moins apparente quand le pénis est en érection. C’est tout ce que j’ai à déclarer.
L’homme s’affirme?
Les femmes se plaignent depuis longtemps de l’image invraisemblable de leur corps véhiculée par la pub et les médias. Ça paraît qu’elles n’ont pas de pénis, ce machin dans nos culottes, aussi familier que mystérieux, aussi banal que mythique.
"C’est assez difficile de trouver des gars qui n’ont pas de gêne et qui ont assez de flexibilité, m’a expliqué Jim McGregor, un Australien qui fait partie de la franchise torontoise du Puppetry. Il y a aussi tous les gars un peu pervers qui veulent amener le show dans une direction sexuelle, ce qu’on ne veut pas."
Les Puppeteers ont créé leur spectacle en 1996, mais depuis le Festival Juste pour rire, ils ne fournissent plus. Il y a aujourd’hui huit puppeteers divisés en quatre équipes qui donnent le spectacle en Australie, en Europe et en Amérique. "Je n’ai jamais rêvé que ça nous amènerait aussi loin, raconte David Friend, alias Friendy, l’un des créateurs du spectacle. J’ai passé trois des quatre dernières années sur la route. Je suis présentement en spectacle à New York. C’est incroyable!"
C’est beaucoup de succès pour quelque chose d’aussi fondamentalement con que de jouer avec son pénis. L’intérêt du spectacle est ailleurs. Dans les blagues et l’humour avec lequel il est présenté? Probablement. Dans la présence sur scène des marionnettistes? Certainement.
Mais pourquoi se conter des histoires? Ce qui attire les gens, c’est un petit mot de cinq lettres: pénis.
"On brise résolument un tabou, approuve Friendy. C’est pour ça que le spectacle a eu autant de succès. On n’aurait jamais pu faire ça il y a 10 ans. Presque partout dans le monde, c’est illégal d’exhiber son pénis. Tu peux te faire arrêter! J’ai été dans plusieurs stations de radio où je ne pouvais même pas prononcer le mot à la radio. Même au Canada. Dans tous les pays du monde, il y a au moins une ou deux stations de radio où l’on m’a dit que je ne pouvais pas dire le mot pénis en ondes!"
Mais les tabous sont faits pour tomber. Il faut que quelques hommes courageux, des hommes comme David Friend, osent se lever pour dire: "J’ai un pénis, deal with it!" Éventuellement, les gens n’auront d’autre choix que d’accepter le pénis. Pas seulement nos blondes, mais toute la société, les médias et même… nos mères.
"Ma mère n’aimait pas ça au début, explique Friendy. Elle disait qu’elle ne pouvait pas dire à ses amis ce que je faisais dans la vie. Maintenant qu’on est un peu plus connus, elle accepte mieux ce que je fais."
Le jour J
Jeudi matin, journée de l’audition finale devant Friendy et les producteurs du spectacle. La veille, j’avais décidé de participer à la révolution et de faire l’audition. Au téléphone avec Friendy, j’avais confirmé ma participation à l’audition. En me levant, j’étais décidé. Dans l’autobus, j’étais décidé. Dans le métro, j’étais décidé. En entrant dans le Club Soda, je ne savais plus.
Mais je l’ai fait. Je me suis mis tout nu sur la scène du Club Soda devant les caméras de télévision et le photographe de 7 Jours. D’habitude, c’est à ce moment-là que je me réveille…
Nous sommes cinq candidats. Comme on n’a pas de poches dans lesquelles mettre nos mains, on les met dessus. Friendy dirige une courte période de réchauffement.
Les candidats prennent place un par un devant Friendy, et exécutent les figures obligatoires: le hamburger, la montre-bracelet, la planche à voile, la tour Eiffel…
C’est à mon tour. Avant de prendre place devant le comité de sélection, je demande à Carlito Proulx, un raélien qui travaille dans la construction, de me prêter son chapeau. C’est absolument stupide, mais j’ai besoin de quelque chose, n’importe quoi, pour ne pas être aussi tout nu.
Difficile à croire, mais au moment de prendre place pour l’audition, les caméras de télévision et les flashs sont nos meilleurs amis. La lumière aveuglante m’empêche de voir tous ces inconnus qui me regardent tout nu. On est entre amis. C’est seulement moi, Friendy et deux filles que je ne connais pas qui ont une caméra vidéo et des carnets de notes…
J’avais pratiqué mes figures. Friendy est encourageant. "Very Good! Excellent! Exceptional!"
C’est vrai? C’est faux? Je m’en fiche! J’avais libéré mon pénis. J’ai participé à la révolution. Les filles peuvent monologuer sur leur vagin tant qu’elles veulent, les gars viennent d’amorcer le dialogue du pénis. Comme le dit si bien Philippe Desmarais, un étudiant en art dramatique qui est arrivé à l’audition avec un livre de philo dans les mains: "C’est important que le tabou du pénis soit cassé. C’est important si l’on veut être une société tolérante. Il n’y a pas de tabou qui soit bon ou valable. Ça ne me dérange pas d’être choisi ou non. C’est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps et je l’ai fait."
"Je veux démystifier le sexe. Les gens ont besoin d’être secoués!" poursuit Carlito qui, lui, a participé à toutes les étapes de l’audition et compte bien être choisi. "J’ai toujours aimé jouer avec mon pénis. Ça serait cool d’être payé pour le faire!"
En effet, mais ma mère n’a pas besoin de le savoir. Est-ce que ce serait possible d’oublier de livrer Voir au Provigo de l’avenue Monkland? Seulement cette semaine…